GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

USA : droit à l’avortement après la victoire démocrate

Le départ de Donald Trump est un immense soulagement. Mais sa défaite met-elle les Américaines à l’abri des attaques contre le droit à l’avortement ? Si la mobilisation féminine  enf aveur du camp démocrate constitue un forme de garantie non-négligeable pour les femmes, d’autres éléments institutionnels appellent notre camp à la plus grande vigilance.

Joe Biden a promis d’inscrire les principes de l’arrêt « Roe v. Wade » dans la loi. En effet, aux États-Unis, la mère de toutes les batailles sur la question de l’IVG est la défense absolue de cet arrêt de la Cour suprême (voir encadré) .

Biden frileux, mais bien entouré !

On sait que Joe Biden a parfois été frileux sur certains aspects concernant l’IVG ; il a notamment été, jusqu’en 2019, un partisan du Hyde Amendment qui interdit l’utilisation de fonds fédéraux pour le recours à l’IVG par l’utilisation du système d’assurance de santé publique (sauf dans certains cas très précis et restrictifs).

En 2019, il est revenu sur sa position. « Les droits et la santé des femmes sont attaqués d’une manière qui constitue une tentative de revenir sur tous les progrès que nous avons faits au cours des 50 dernières années [...] Si je crois, comme je le fais, que la santé est un droit, je ne peux plus soutenir un amendement qui fait dépendre ce droit du code postal d’une personne », a-t-il annoncé.

Ne doutons pas que s’il venait à manquer de détermination, les millions de femmes viendraient le rappeler à l’ordre, elles qui ont tant souffert du mandat Trump , elles qui ont été les artisanes de la victoire démocrate. Selon les sondages sortis des urnes, 56 % d’entre elles ont voté démocrate, contre 43 % qui ont choisi le candidat républicain ; de plus elles ont été plus nombreuses à voter que les hommes. Heureusement, elles ont au sein du « camp Biden » de solides porte-parole » : Kamala Harris elle-même bien sûr (« Je me battrai toujours pour le droit des femmes de prendre les décisions concernant leur propre corps. Cela doit être leur décision ») ; mais également au congrès où la présence des femmes continue à progresser après la formidable percée de 2018. Et parmi ces femmes, l’aile gauche des démocrates, dont particulièrement Alexandria Ocasio-Cortez brillamment réélue ainsi que ses « sœurs d’armes ».

Les anti-IVG toujours à la manœuvre

Malgré ces victoires, la bataille va continuer et être rude. La codification dans la loi du droit à l’IVG est un enjeu primordial. Tant qu’elle ne sera pas acquise, les attaques seront incessantes. Dans ce cadre, la nomination fin octobre de la très réactionnaire juge Barrett est un coup dur.

En effet, la stratégie des anti-IVG, notamment ces quatre dernières années, a été de faire voter dans différents États des mesures très restrictives, allant manifestement à l’encontre de Roe v. Wade, pour déclencher des plaintes, remonter jusqu’à la Cour suprême et y provoquer un débat pour limiter l’interprétation et la portée de l’arrêt de 1973, voire le remettre en cause purement et simplement.

Dernier exemple en date : le 29 juin 2020, la cour en dernière instance a dû statuer par 5 voix contre 4, contre une loi votée en Louisiane qui, à l’instar d’une loi précédemment votée au Texas, imposait aux médecins volontaires pour pratiquer des avortements d’avoir une autorisation d’exercer dans un hôpital situé à moins de 50 kilomètres du lieu de l’opération. La loi aurait entraîné la fermeture de deux des trois établissements pratiquant des avortements en Louisiane.

Comme lors du vote en urgence sur le sujet, le juge en chef de la Cour, John Roberts, un « conservateur modéré », a joint sa voix aux quatre juges progressistes au nom du respect de « la chose jugée » : en effet, en 2016, la Cour suprême avait retoqué la loi texane totalement similaire. Mais sa position n’est en rien une position pro-choice (favorable aux droits des femmes de disposer de leur corps). « Je continue à penser que c’était une mauvaise décision », a-t-il écrit dans une opinion jointe à la décision. La question n’est toutefois pas de savoir si la Cour a eu « tort ou raison » en 2016, mais « de savoir si son arrêt nous lie dans le cas présent », a-t-il poursuivi, en jugeant que oui.

Une Cour suprême aux ordres… des catholiques

Depuis ce jugement, Donald Trump a obtenu le prompt remplacement de Ruth Bader Ginsburg juge progressiste et défenseure des droits des femmes, décédée en septembre 2020. Avec la nomination, le 25 octobre, de la très catholique juge Amy Coney Barrett, six des neuf juges (nommés à vie) sont désormais conservateurs.

Les positions passées de cette juge laissent peu de doutes : la presse relève la grande ambiguïté de ses déclarations devant les sénateurs lors de son audition pour sa nomination.

Bien qu’elle y ait affiché sa réticence à revisiter des décisions prises auparavant par la Cour suprême, elle a laissé entendre que l’arrêt de 1973 n’était pas gravé dans le marbre « Roe v. Wade n’est pas un superprécédent», a-t-elle déclaré, en le distinguant d’autres décisions qui ne font plus l’objet de contestation.

En 2012, rappelle le Guardian, Amy Coney Barrett s’était attaquée à une mesure de la loi qui imposait aux compagnies d’assurance d’offrir une prise en charge des méthodes de contraception. En 2006 elle s’est engagée publiquement par un texte en faveur de la révocation de l’arrêt Roe vs Wade, qualifiant cette sentence de justice de décision « barbare ».

La victoire de Biden apporte l’espoir, mais la mobilisation des femmes et de tous les défenseurs de leurs droits sera toujours absolument nécessaire pour résister aux attaques qui ne cesseront pas avec le départ de Trump.

Comme l’a écrit Jenny Brown, membre de National Women’s Liberation au lendemain du vote de la Cour suprême, le 29 juin 2020, contre la loi de l’État de Louisiane remettant en cause le droit à l’avortement : « Devant les tribunaux, nous jouons toujours sur la défensive. C’est dans la rue que nous devons construire l‘offensive ».

Cet article de notre camarade Claude Touchefeu est paru dans le numéro de novembre 2020 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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