GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Libertés

Promouvoir la laïcité et défendre la loi de 1905

Lors de son dernier Comité national, la CGT a « appelé à l’organisation d’une initiative regroupant l’ensemble des forces de progrès, syndicats, associations et partis politiques, pour la promotion de la laïcité, la défense de la loi de 1905, contre le racisme, la xénophobie et pour l’amitié entre les peuples ».

La Gauche démocratique et sociale répond avec conviction à cet appel car il est déterminant, dans la période que nous traversons, que les forces de gauche s’expriment sur ces sujets, ensemble, et avec clarté.

Un joyau à défendre

La loi de 1905 pose les principes qui permettent, si on s’y réfère avec constance, de répondre au fil des évolutions de la société, à l’ensemble des questions qui peuvent se poser. Son principe fondateur de séparation des Églises et de l’État n’est pas une loi de restriction, mais d’émancipation. La laïcité n’est pas une opinion parmi d’autres, mais la liberté d’en avoir une. Elle n’est pas une conviction, mais le principe qui les autorise toutes.

Nul besoin de perpétuellement laisser entendre que la loi de 1905 serait dépassée et qu’il faudrait la faire évoluer ; en revanche, il est plus qu’urgent de la faire appliquer, pleinement et sur l’ensemble du territoire national. Dans son premier principe d’abord : séparation des institutions publiques et des organisations religieuses (« L’État ne reconnaît ni ne salarie aucun culte »).

Un principe à promouvoir

Ce premier article de loi mettait fin au Concordat napoléonien de 1801. Ce concordat fut pourtant maintenu dans trois départements réintégrant le territoire national en 1918 par le biais du Statut d’Alsace-Moselle. Ce régime spécifique reconnaît et organise quatre cultes, et seulement eux : catholique, luthérien, réformé et israélite. L’État salarie les ministres de ces cultes, mais pas les autres.

Recevant un salaire aligné sur les traitements de la catégorie A de la Fonction publique, les diacres, prêtres, évêques, les pasteurs calvinistes et luthériens ainsi que les rabbins sont nommés par le gouvernement. La religion est enseignée obligatoirement à l’école primaire et au collège, mais une dispense est maintenant acceptée sur demande écrite des parents en début d’année scolaire. Le délit de blasphème qui y était toujours applicable n’a été abrogé qu’en 2017.

Nous exigeons l’abrogation du Statut Alsace-Moselle, ainsi que la disposition qui, à partir de la rentrée scolaire 2021, sous prétexte de rendre l’éducation obligatoire à partir de trois ans, obligera les communes à financer les écoles maternelles privées sous contrat.

La droite a réussi à réinscrire dans la loi (Debré en 1959 ; Guermeur en 1976) le financement public des établissements privés – qui sont à 95 % des confessionnels. Non continuons à réclamer l’abrogation de ces lois.

Rien ne peut justifier non plus les dérapages constants des plus hauts représentants de l’État sur la place des représentants religieux dans le dialogue « social » ou «  citoyen ».

Liberté de conscience

La liberté de conscience, c’est celle de croire, de ne pas croire, de ne plus croire. Elle est indissociable de la liberté de manifester ses opinions dans les limites du respect de l’ordre public. Ce second principe est aussi clair, mais parfois malmené. Nous assistons en effet depuis plusieurs années à une confusion entretenue à des fins politiciennes sur la notion de neutralité et sur la distinction entre espace public et espace privé.

La neutralité religieuse s’applique à l’État, aux institutions publiques ainsi qu’aux fonctionnaires et personnels qui assurent des missions de service public. Elle ne s’applique pas aux usagers de ces services publics, ni aux citoyens dans l’espace public ou privé « dans les limites du respect de l’ordre public ».

Toutes et tous égaux

L’égalité de toutes et de tous devant la loi, quelles que soient les croyances et les convictions professées est un fondement autant qu’un objectif. C’est un moteur puissant de la bataille politique pour l’égalité des droits.

Soyons clairs : la loi ne s’appuie ou ne justifie aucune discrimination mais s’y oppose ; en cela la France n’est pas un État raciste ou islamophobe ou antisémite. Cela n’exclut pas que des pratiques racistes sont fréquemment présentes dans certains corps – notamment la police – et souvent couvertes par la hiérarchie. De nombreux mécanismes sociaux d’oppression, d’exploitation, de relégation s’appuient – autant qu’ils les génèrent – sur des discriminations liées au genre, à l’origine, à la classe sociale, au lieu d’habitation ou encore aux croyances supposées. De nombreuses lois sont encore à écrire. Le combat pour l’égalité des droits et l’égalité réelle est un combat constant.

République laïque et république sociale

« La République doit être laïque et sociale, mais restera laïque parce qu’elle aura su être sociale », disait Jaurès. La République française proclame son ambition à former une communauté de citoyenne et de citoyens libres, égaux, et fraternels par-delà les origines, les croyances et les identités. Mais cette promesse n’est pas tenue ; elle est même souvent contredite. Elle est contredite par des années de politiques libérales de non redistribution des richesses produites, par la destruction des services publics permettant à tous l’égal accès à la santé, à l’éducation, à la sécurité, au logement, à la culture. Elle est contredite aussi par la non-reconnaissance de ces mécanismes de discrimination.

Aujourd’hui, défendre la laïcité, c’est la faire vivre, non comme un dogme, mais comme un principe puissamment moteur d’avancées sociales.

Il faut la défendre contre tous ceux, à droite et à l’extrême droite, qui en utilisent le vocabulaire pour pointer du doigt une communauté, pour maquiller leur racisme haineux anti-arabe et anti-musulman. Il faut la défendre contre ce gouvernement, quand lui-même pratique amalgames et dévoiement. Quand, notamment dans le projet de loi en préparation, il continue de flirter avec l’idée que la République doit prendre la responsabilité d’aider à organiser le culte… musulman.

Il est peut-être bon de rappeler l’absence d’application de la loi de 1905 aux départements algériens (1905-1962). Ou plus exactement de rappeler que, malgré l’extension des dispositions de la loi de 1905 aux trois départements algériens par le décret du 27 septembre 1907, l’État n’a jamais cessé d’y exercer en fait un contrôle prononcé sur l’exercice du culte musulman, en accordant notamment des indemnités au personnel cultuel en contrepartie d’agréments, et en réglementant le droit de prêche dans les mosquées domaniales (circulaire Michel du 16 février 1933). Une velléité interventionniste qui se répète aujourd’hui par rapport à l’Islam.

Il faut la défendre contre tous les coups de butoir de tous les fondamentalistes religieux, contre l’islamisme politique, ce fascisme qui par des actes de barbarie innommables vise les valeurs de la République, au premier rang desquelles la laïcité et la démocratie.

Ne pas courber l’échine

La sanglante actualité nous rappelle qu’il convient, encore aujourd’hui, de défendre bec et ongles la capacité de l’école à enseigner les principes de laïcité par la pratique.

Par l’horrible l’assassinat de Samuel Paty, ce que le terrorisme islamiste a voulu toucher, ce sont bien les principes de l’école laïque et républicaine, celle qui oppose la pensée construite à la croyance. Celle qui doit donner à l’élève « l’idée qu’il peut penser par lui-même, quil ne doit ni foi ni obéissance à personne », comme le disait Ferdinand Buisson, directeur de l’enseignement primaire en France de 1879 à 1896.

« Pour faire un esprit libre, il faut un esprit libre », ajoutait-il : pas d’école laïque sans liberté pédagogique des enseignants. Il est important de le rappeler aujourd’hui face à un ministre pour qui les enseignants sont réduits au rang d’exécutants de méthodes dictées par les neurosciences.

Parce que toutes ces questions méritent d’être réaffirmées, voire réappropriées, il est important de participer à toutes les initiatives qui permettront aux forces de gauche de le faire ensemble, notamment à l’occasion du 9 décembre 2020, journée de la laïcité.

Cet article de nos camardes Claude Touchefeu et Pierre Timsit a été publié dans le n°279 (novembre 2020) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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