GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Libertés

Libertés publiques : une dérive inacceptable

Contester le pouvoir dans la rue, aller en Teknival, se rendre au stade ont cela en commun que ce sont autant de lieux et d’actions qui se singularisent par le contrôle social et la répression à l’égard des personnes qui s’y adonnent.    

Le phénomène n’est pas nouveau et, bien souvent, il a été regardé de biais, car certains estimaient que les populations concernées étaient représentatives d’une forme de marginalité. Bref, tout cela ne concernait qu’une minorité.

Question d’habitude...

En réalité, que l’on soit supporter du RC Lens, que l’on s’oppose à certains projets d’aménagement (barrage de Sivens, aéroport de Notre-Dame-des-Landes) ou que l’on soit un habitué des free-parties, on subit depuis des années la privation de libertés élémentaires ou la répression violente, sans vraiment parvenir à convaincre que, demain, toutes et tous pourraient être concernées.

Pour les férus de foot, on subit les interdictions administratives de stade, qui permettent aux préfets de rendre impossible l’accès à une enceinte sportive et obligent la personne concernée à pointer au commissariat pendant le match ou les interdictions de se déplacer dans des villes de France lors de matchs à l’extérieur. Pour les amoureux de la musique techno, on supporte un éventail de risques légaux à disposition de quiconque voulant attaquer les organisateurs, du délit d’agression sonore à la mise en danger de la vie d’autrui. L’encadrement et la privation sont devenus la norme de groupes habitués et dans la négociation permanente de leur maigre espace de liberté.

Des libéraux illibéraux

En 2019, l’idée jumelle des interdictions administratives de stade avait germé dans les esprits de quelques-uns lors des discussions autour de la loi dite « anti-casseurs ». Il a alors été question de créer une interdiction administrative de manifester. Un arbitraire dangereux dont on ne doit l’inexistence qu’à la censure in fine du Conseil constitutionnel. Les contours de la discussion publique autour du droit de manifester, même si l’outil n’a pas demeuré, ont considérablement évolué et les débats actuels sur le projet de loi Sécurité globale (voir ci-après) sont aussi les conséquences d’un glissement majeur : pour le pouvoir, la contestation n’est pas légitime. D’ailleurs, il y avait bien eu des signes précurseurs du changement de doctrine, s’appuyant notamment sur la crainte d’une partie de la population à se rendre en manifestation « si celles-ci dégénéraient ».

En 2006, à Nantes, un premier militant, mineur, avait été blessé à l’œil, par une balle de LBD 40. En 2016, le mouvement d’opposition à la loi Travail, porté par les organisations syndicales, a connu un durcissement dans la méthode policière, en généralisant le contact des forces de l’ordre avec les manifestants. Combiné à l’alourdissement de l’arsenal répressif (flash balls, grenades de désencerclement...), cela a non seulement banni définitivement la désescalade, mais a conflictualisé la relation policiers-manifestants. Ce conflit n’est pas sans rappeler celui qui préexistait entre la police et les habitants des quartiers populaires des grandes villes. À partir de 2018, le mouvement des Gilets jaunes, dont le bilan en matière de victimes de la répression policière est très documenté*, semble néanmoins être un tournant tant l’ampleur des violences et les conséquences sur la vie et la santé de celles et ceux qu’on a dénommés les mutilés a été considérable.

Jusqu’à quand ?

Cet élargissement continu des populations risquant la répression est aussi à relier avec un abandon du politique sur le maintien de l’ordre. On ne peut pas simplement laisser faire les forces de l’ordre, en imaginant que le sujet serait technique. On ne peut pas dire que la police soit vertueuse quand les excès et les mises en danger de certains ne sont pas contestés par le pouvoir ni punis par les instances administratives ou la justice. Cet élargissement continu des populations concernées doit être le moment de la reprise en main collective de la lutte pour nos libertés publiques. Ne pas faire reposer des interdictions fondamentales comme celles de se déplacer ou de manifester pourrait être une lutte de toutes celles et ceux attachés aux droits fondamentaux.

Cet article de notre camarade Marlène Collineau a été publié dans le numéro 279 (novembre 2020) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS). Il a été donc écrit avant l'évacuation violente des migrants de la Place de la République et avant le passage à tabac du producteur de musique dans le 17ème arrondissement de Paris.

* Voir par exemple le compte Twitter du journaliste David Dufresne « Allo @Place_Beauvau - c’est pour un signalement », ainsi que son livre Dernière sommation, sortie chez Grasset, et son film Un pays qui se tient sage.

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