GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

La phrase la plus importante de François Hollande : « Il y aura redistribution. Après. »

En fait je me moque des étiquettes, « tournant » ou « pas tournant », « social-libéral » ou non, « social-démocrate » ou non. « Accélération ». « Amplification ». Ce qui m’importe, c’est le fond.

On peut disserter à l’envie sur ce que signifie être « social démocrate » , car il y a mille visages de la social-démocratie. Ce sont des beaux mots : « social » et démocrate » :

  • « social » : c’est faire œuvre sociale de redistribution des richesses aux salariés qui les créent,
  • « démocrate » : c’est respecter le Parlement, ne pas gouverner par ordonnances et votes bloqués.
  • Dans ce cas, je suis social, et démocrate, et socialiste !

    On a souvent dit que la social-démocratie, c’était un compromis social, d’où l’utilisation fréquente dans l’histoire des mots de « pacte social », de « compromis historique », de « contrat social », etc. Une sorte de collaboration institutionnalisée entre classes sociales opposées.

    Quelqu’un vient d’expliquer que ce que le Président Hollande a dit hier n’était pas nouveau, ça suivait la longue histoire de la gauche et de ses « compromis » de 1981-83 à 1988 et aujourd’hui… Du choix des nationalisations partielles, à celui du « traitement social du chômage », jusqu’au « pacte de compétitivité » d’aujourd’hui…

    En oubliant au passage Lionel Jospin et les 35 h, car à l’époque on a imposé par la loi une réduction du temps de travail, qui a réussi : les patrons ont hurlé, Jean Gandois a même démissionné de la présidence du CNPF [qui s’appelle aujourd’hui le MEDEF] sur le parvis de Matignon le 10 octobre 1997 en hurlant qu’il avait été « berné » et en appelant de ses vœux que soient nommés « des tueurs » à sa place. Ils ont « déclaré la guerre au gouvernement Jospin », mais ce fut le seul moment dans l’histoire de la gauche, en 30 ans, où on a fait reculer le chômage de masse. Sans les 35 h nous aurions au moins 400 000 chômeurs de plus aujourd’hui.

    La social-démocratie, dit-on, est un compromis social. Donc entre deux classes sociales, Le patronat et le salariat. C’est à dire qu’on parvient à donner aux deux classes une partie plus ou moins importante de ce à quoi elles aspirent ; et ça réussit quand ce n’est pas un marché de dupes, quand les deux classes reçoivent quelque chose et l’acceptent. Dans ce cas, on peut même dire : « bravo la social-démocratie ! »

    Mais là, dans le discours du président, ce n’est pas de la social-démocratie. Il n’y a aucun compromis. Il n’y a aucun « donnant-donnant », comme aiment le dire certains. Il n’y a « DONNANT » que pour le patronat. Rien pour le salariat. Rien. C’est tellement vrai que le Président l’a expliqué en répondant à une question : « Il y aura redistribution, après ».

    Il a bien dit « après ».

    Pas tout de suite. Pas en même temps. Tout de suite, c’est seulement 35 milliards au patronat. Et là, ce n’est pas un « pacte », ni un « contrat ». On donne aux uns du réel au temps présent, on donne aux autres de l’aléatoire dans un temps incertain.

    Pourquoi on fait un « pacte de responsabilité » ? Le choix des mots a son importance. C’est parce que le « pacte de compétitivité » n’a pas marché. Et il n’a pas marché parce que ce n’était déjà pas un pacte, mais une ouverture unilatérale. Pour le patronat seulement !

    Le rapport Gallois a ouvert ce « pacte » en novembre 2012, pour inverser la courbe du chômage en promettant 20 milliards de CICE aux patrons. Mais les patrons n’ont rien signé et surtout rien fait. Un an après il y a 272 100 chômeurs de plus ; on en est à 5,9 millions toutes catégories confondues.

    On a signé et fait une loi avec l’ANI : mais un an après, il n’y a aucune « sécurisation de l’emploi », il y a 1100 plans sociaux de plus, expédiés plus vite.

    Le patronat a signé l’ANI pour limiter les CDD courts : un an après, il y a explosion de CDD courts.

    Le patronat a signé l’ANI en promettant un « plancher » de 24 h pour les temps partiels, mais un an après, il viole sa propres parole, refuse de tenir sa promesse… et notre ministre du travail est obligé de refaire une loi, pour prolonger le délai de son application du 1er janvier 2014 au 31 juin 2014. Parce que le patronat refuse de tenir parole dans la chaussure, dans le nettoyage, dans l’enseignement privé, dans la distribution, etc… alors le gouvernement va décider le 22 janvier et les députés voter le 22 février une « saisine rectificative » pour suivre le patronat. Il n’y a pas compromis, et si certains pensaient qu’il y en a eu un, il n’est pas respecté.

    Un an après, il en va de même pour la « complémentaire santé » de l’ANI qui a été bousculée par la droite réactionnaire du Conseil Constitutionnel le 13 juin 2013 : elle engraisse les grandes assurances privées pour une protection a minima des salariés.

    De même pour les droits dits rechargeables des chômeurs : il n’y a rien de ce qui était prévu le 1er juillet. Par contre s’annoncent des « droits déchargeables » !

    Je n’ose dire que la non-amnistie des syndicalistes, la casse de l’inspection du travail, la suppression des élections prud’hommes faisaient partie du « pacte » implicite de l’an passé. En tout cas, ça n’a pas convaincu le patronat. Il a continué à licencier. Il n’a pas inversé la courbe du chômage.

    Alors en réalité, on fait coup double : banco, on remet au tapis. On rajoute 35 milliards de baisse des allocations familiales. Mauvais « négociateurs » avec la même méthode, on offre unilatéralement ; les contreparties sont censées venir plus tard. Après ! Ça, ce n’est pas « social démocrate » !

    Mais il n’y aura pas davantage « d’après » en 2014 qu’en 2013.

    Le patronat recommence : il encaisse, et en redemande. Gattaz réclame 100 milliards. Et commence à chipoter les 35 des AF, les 20 du CICE, doutant des 50 milliards « d’économies ». Il fait déjà des soustractions, mégote, au lieu d’additionner. Il en oublie toutes les aides que les patrons reçoivent par ailleurs (exonérations, emplois aidés..) lesquelles font déjà 65 milliards. Ce sont les rois des assistés. En attendant de soutenir à nouveau l’UMP, pour en avoir encore plus.

    Pierre Gattaz refuse de « chiffrer les embauches » en contrepartie. Il a bien raison, car en 1986, son père, Yvon Gattaz, avait chiffré à 400 000 le nombre d’emplois qui seraient créés en cas de suppression du contrôle sur les licenciements… et il y avait eu un « pic » de 400 000 licenciements, d’emplois en moins.

    Le Medef n’a pas l’intention de rendre plus au « pacte de responsabilité » qu’il n’a rendu au « pacte de compétitivité ».

    Et d’ailleurs, même s’il le voulait, IL NE LE POURRAIT PAS ! Car il est dans les mains de la finance. Et la finance préfère les placements aux emplois, elle préfère les licenciements aux embauches, elle préfère la spéculation à la production, elle préfère la rente au travail, elle préfère les îles Caïmans aux investissements ! Ça rapporte beaucoup plus que de respecter un « pacte de responsabilité » ! C’est la seule chose qui pèse sur eux. C’est la raison pour laquelle ils ne respecteront pas les « contreparties », pas davantage en 2014 et 2015 qu’en 2013.

    Alors, on me dit qu’il y aura un « observatoire des contreparties ». Pourquoi un « observatoire » ? Pourquoi pas le Parlement ? Ne peut-il pas servir à autre chose qu’émettre un vote bloqué ?

    « Observer » ? Mais alors il faut doubler tout de suite les effectifs de l’inspection du travail, car sinon on aura aucun moyen d’observer quoi que ce soit. Il faut doubler les droits des syndicats, car ils ne pourront pas contrôler quoi que ce soit. Si on veut du dialogue social, il est nécessaire de renforcer les prud’hommes et d’amnistier les syndicalistes. Il faut aussi doubler le nombre des inspecteurs du fisc, parce que sinon on ne verra pas que cet argent va en Suisse ou à Singapour !

    « Observer » ? Mais ça ne suffira pas à arracher le patronat au chantage de la finance qu’il subit du fait du système de la finance. Il faut l’empêcher de glisser sur la pente désastreuse où l’entraîne, où nous entraîne ce système.

    En fait, le meilleur service à rendre au patronat, ce n’est pas de lui lâcher la bride et de lui donner des milliards qu’on ne reverra jamais, c’est de le contraindre, de mettre en place un système de contrôle de ses dividendes et de ses licenciements. Il faut sur lui une pression de la République plus forte que celle des traders, boursicoteurs, spéculateurs. Il faut un système de droit du travail et de fiscalité combinés pour permettre aux entreprises de se sauver elles-mêmes des griffes de la finance.

    Document PDF à télécharger
    L’article en PDF

    Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




    La revue papier

    Les Vidéos

    En voir plus…