GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Notes de lecture

La médecine et la fin de vie (notes de lecture)

Ce qui est bien avec les congés d’été, c’est qu’ils sont souvent l’occasion de piocher dans les piles de livres entassés depuis des années près du canapé ou soigneusement rangés dans la bibliothèque familiale. Parmi ceux-ci, un roman de 2012, En souvenir d’André, de Martin Winckler.

Il faut tout lire de Martin Winckler : des tribulations d’un médecin de campagne dans La Maladie de Sachs publié en 1998 (et adapté au cinéma par Michel Deville l’année suivante) à l’ouvrage de vulgarisation sur la santé des femmes C’est mon corps ! paru en 2020, en passant par Les Trois médecins (2006), sorte de pastiche des Trois mousquetaires interrogeant l’engagement des apprentis praticiens dans la cité et par Le Chœur des femmes, publié en 2009, qui nous met sur les pas d’une interne en gynécologie… Ses récits sont étayés, passionnants, instructifs autant qu’émouvants.

Paroles de soignants, paroles de patients

Dans En souvenir d’André, nous sommes plongés dans les souvenirs d’un homme, médecin spécialiste de la douleur, qui accompagne des femmes et des hommes à la fin de leur vie.

Loin des idées reçues ou des discours théoriques, l’écrivain décortique, retrace des histoires singulières. Il part d’expériences individuelles, non pas pour en tirer des généralités, mais pour mettre chaque soignante ou soignant face à ses propres responsabilités. Il les presse d’entendre, d’être attentif. Il les exhorte à l’empathie et à la compréhension. Il leur demande maintenant d’écouter celles et ceux dont la parole va s’éteindre prochainement, rapidement, lui conférant une dimension toute particulière. La parole de celle ou celui qui va mourir revêt une place qui, pour l’écrivain, prévaut sur la parole médicale. Le savoir au sens de « savoir ce qui compte pour soi » bascule du sachant vers le (encore) vivant.

Questions d’éthique, questions politiques

Les soins palliatifs, le traitement de la douleur, le suicide assisté, la mort dans la dignité : peu de concepts sont énoncés. Pourtant, l’ensemble des sujets est abordé. Les questions éthiques résonnent partout dans le roman. La prise en charge de la douleur, d’abord. La discussion, ensuite. Avec chacune et chacun des personnages considérés, apaisés par le narrateur. La vie, encore, quand on en choisit l’issue. La mort, inéluctable. Et parfois, les sentiments d’un parent, d’une amie.

La plongée avec ce médecin spécialiste de la douleur nous mène vers des horizons trop souvent éludés. La vision idéale d’une médecine qui guérit, qui maintient en vie contre une pratique réelle qui accompagne la mort. Les inégalités face au traitement de la souffrance morale ou physique, selon qu’on est soi-même du corps médical, ou lettré, ou puissant ou qu’on n’a aucun relai qui nous permette de comprendre la maladie, de la traiter efficacement ou de choisir sa fin de vie. Cette injustice, au moment de mourir, reste d’actualité. Elle est un combat politique. En souvenir d’André est un court roman, d’utilité publique et bouleversant.

Cet article de notre camarade Marlène Colineau a été publié dans le numéro 297 de Démocratie&Socialisme, la revue mensuelle de la Gauche démocratique et sociale (GDS)

« Parce qu’il fallait former les volontaires, on a fait appel à ceux qui travaillaient dans l’ombre. J'ai répondu présent. Ce que j’avais à dire tenait en quelques mots : s’ouvrir sans questionner, écouter sans interrompre, entendre sans juger. Expliquer. Apaiser. Soulager. Je pensais, depuis longtemps déjà, qu’il n’est pas nécessaire d’être un professionnel pour accompagner celui qui choisit de mourir. Veiller fait partie de l’expérience humaine. »

Vous pouvez retrouver les réflexions de l’auteur sur le soin et la médecine à l’adresse suivante : www.martinwinckler.com

Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




La revue papier

Les Vidéos

En voir plus…