GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

La gauche peut et doit gagner la présidentielle

Mais elle est mal disposée, elle est divisée et n'a encore pas de programme commun. Elle a raté la préparation de cette élection, dont le résultat engagera celui des législatives qui suivront. Elle n'a pourtant jamais eu autant de chance de l'emporter car tout, dans le pays, depuis quatre ans indique un rejet puissant de la droite.

La bonne solution, celle qui aurait assuré une victoire dynamique, consistait dans la stratégie d'Union de la gauche, d'unité de toute la gauche : un programme commun représenté par un candidat commun dés le premier tour. Cela aurait dû être considéré comme un objectif et un défi pour toutes les forces de gauche les plus actives.

Dans une telle Union de la gauche, auraient dû être appelés à participer tous les partis de la gauche, du PRG à LO, en passant par le PS, les Verts et le PCF, sans exclusive, puis on aurait vu qui s'engageait réellement dans un tel débat public, avec différentes propositions programmatiques, dans le but d'aboutir à un tel programme commun.

Parmi les responsables les plus connus, les seuls à s'être prononcés en ce sens sont Marc Dolez, Gérard Filoche (cf. son livre « Lettre ouverte à celui ou celle qui portera les couleurs de la gauche en 2007 »), Jean-Luc Mélenchon et Henri Emmanuelli (mais, pour Emmanuelli, à l'exclusion de l'extrême gauche).

Le candidat commun aurait été de facto un dirigeant du PS (choisi au vote majoritaire des adhérents des partis de la gauche rassemblés autour d'un programme commun, de même que le vote des collectifs antilibéraux a donné une majorité à Marie-George Buffet), mais sur un programme de gauche discuté et consolidé, car la gauche n'aurait naturellement pas pu s'unifier autour du « oui » de 2005.

Une telle Union de la gauche aurait été bien plus dynamique que la « gauche plurielle » : celle-ci n'était pas rassemblée autour d'un programme commun, elle n'était constituée que par des accords bilatéraux (différents !) contractés avec le PS.

Dans le PS, les dirigeants majoritaires ont eu 4 ans (depuis 2002) pour faire réussir cette stratégie, ils ont évoqué un moment la perspective d'un accord et d'un programme de gouvernement commun (François Hollande), mais ils n'ont pas combattu en ce sens, surtout après le « non » majoritaire à gauche du 29 mai 2005 : ils ne voulaient pas être contraints par un vrai programme de gauche.

Ils ont pu, en interne, dans le Parti socialiste, offrir à leurs puissantes minorités (47% des voix opposées à la direction au Mans) une « synthèse » en trompe l'œil pour désarmer les socialistes antilibéraux partisans du « non », puis rédigé un « projet » fade et sans aspérité, loin de ce qu'ils auraient été obligés d'accepter dans une unité de toute la gauche.

Ils savaient d'expérience qu'en l'absence d'un programme et d'un candidat communs issus d'un processus démocratique, cette place serait occupée par le programme et le ou la candidat-e du parti majoritaire dans la gauche. Ils savaient que l'attentisme apporterait, à celui ou celle d'entre eux qui pourrait être ce candidat, presque le même rapport de forces dont aurait bénéficié un candidat commun, et au moins, espéraient-ils, suffisamment pour être élu.

D'autant que la situation était très favorable (les mobilisations sociales de 2003 et 2006, les élections de 2004 et le vote de 2005), les candidats socialistes en l'absence d'unité et d'un accord pouvaient donc en être bénéficiaires dans tous les cas de figure. Pour beaucoup de dirigeants socialistes, face à la perspective d'une Union de la gauche, il était devenu urgent d'attendre : n'étant pas interpellés par une gauche unitaire, constatant la division de la gauche du « non », il leur restait à en récolter les fruits.

Ce savoir-faire tactique, que possèdent les dirigeants socialistes, ne semble pas être partagé par les dirigeants de la « gauche anti-libérale ».

La stratégie d'Union de toute la gauche était la plus favorable pour faire triompher un programme anti-libéral et augmenter encore la probabilité de victoire contre Sarkozy. Mais les plus aveugles, s'enfermant eux-mêmes, ont mis comme condition à l'unité d'en exclure le PS ! Ils ont préféré une stratégie de division de la gauche : gauche anti-libérale contre parti socialiste.

Sceptiques sur la capacité de mobilisation du peuple de gauche, ne croyant pas à leur propre capacité d'obtenir l'unité de toute la gauche autour du « non » au libéralisme, ils n'ont pas compris que, dans le cadre d'un processus unitaire de la gauche, les anti-libéraux (socialistes ou non) seraient majoritaires face aux sociaux-libéraux ! Ils ne pouvaient pourtant pas ignorer qu'une stratégie de division de la gauche affaiblirait les anti-libéraux socialistes, qu'elle assurerait dans le PS une majorité aux sociaux-libéraux et donnerait à ceux-ci un rapport de forces favorable au sein de la gauche.

L'attentisme opportuniste des dirigeants socialistes majoritaires et ce scepticisme sectaire des dirigeants des collectifs (et a fortiori de l'extrême gauche, la majorité de la LCR, LO et le PT, qui n'y participent pas en raison de leur refus du désistement au second tour) a deux résultats.

Le premier résultat est la défaite, provisoire, du programme de gauche qui ne va pas être représenté comme il aurait dû l'être à l'élection présidentielle : la marginalisation du programme « Pour une VI° République sociale », présenté par FM-D&S au sein du PS, et la marginalisation du programme (équivalent) des collectifs anti-libéraux face à la candidate du PS (qui n'a pas encore de programme !). Ce premier résultat a éloigné la possibilité de mobiliser pour un programme offensif le 22 avril 2007. (Cette mobilisation, indispensable, reviendra à l'ordre du jour au lendemain de l'élection présidentielle).

Le deuxième résultat est le choix de Ségolène Royal comme candidate du PS. Elle occupe la place qu'aurait dû occuper le ou la candidat-e commun-e de la gauche. La crainte d'une reproduction du 21 Avril 2002 la fera même bénéficier du vote utile, utile pour battre la droite et préserver l'avenir, face à la menace de Sarkozy-Thatcher. Jusqu'à l'élection présidentielle, la mobilisation gardera un contenu plutôt défensif.

Même si à notre niveau (celui de la gauche socialiste, celui des collectifs anti-libéraux) la dénonciation des mesures dévastatrices de la droite, notamment de Sarkozy et de son acolyte Fillon, la dénonciation du démantèlement du Code du travail qu'ils ont promis au Medef, sont et resteront une priorité. Une priorité, non seulement pour préserver, mais aussi pour préparer l'avenir : servir de tremplin à la mobilisation pour en revenir plus vite à un prochain programme de gauche offensif.

Le résultat de la stratégie de division choisie par les dirigeants du PCF, de la LCR, de LO, etc, les a conduit à secondariser la bataille pour battre la droite, alors que c'était celle qui était attendue par la majorité des électeurs de gauche. Cette stratégie les conduit maintenant à se diviser sur la candidature.

Cet échec les conduit à laisser à Ségolène Royal le privilège d'être la mieux placée pour battre la droite. Il lui laisse même le privilège de recueillir les voix des électeurs de gauche qui sont fidèles au « non » anti-libéral, pour lequel ils s'étaient prononcés (à 75%), mais sans avoir encore obtenu qu'il y soit donné un débouché politique correspondant.

En l'absence d'un-e candidat-e commun-e de la gauche, issu-e d'un processus démocratique, cette place est logiquement occupée par le ou la candidat-e du parti majoritaire à gauche.

Il n'existe donc pas d'alternative crédible au vote Ségolène Royal dès le premier tour.

Pierre Ruscassie

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