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International – Europe

La France ne livrera pas les « Mistral » à la Russie

Ce contrat signé en 2011 par Nicolas Sarkozy, uniquement à des fins politiciennes et pour des effets d’annonce, remettait en cause un certain nombre de traités et risquait à terme de provoquer une militarisation accrue, d’abord de la Mer Noire, puis à terme de la Méditerranée.

Quelques éclaircissements s’imposent pour comprendre de quoi nous parlons. Les bâtiments de la classe « Mistral » ne sont pas de quelconques barquettes comparables à une vedette ou éventuellement à une frégate. En ces temps de disette budgétaire les bâtiments de la classe « Mistral » sont d’un remarquable rapport qualité-prix pour obtenir un « capital ship » à moindre coût pour les Russes, tout en contournant un certains nombres de traités internationaux.

Quelques caractéristiques des Mistral : ces navires atteignent officiellement 200 mètres, ils peuvent toujours officiellement accueillir jusqu’à 16 hélicoptères y compris la voilure tournante la plus lourde du moment le Super Stallion états-unien de 30 tonnes.

Son autonomie est remarquable pour un navire de ce type puisqu’il peut « durer à la mer » jusqu’à 250 jours. On pourrait à l’envie débattre sur son équipement de combat actif ou passif, ce n’est pas là le véritable enjeu. En fait ce type de navire est extrêmement plastique. Il suffit de rallonger son pont d’envol de quelques dizaines de mètres et on obtient un porte-avions tout à fait acceptable capable de projeter un groupe aéronaval à décollage court. Or, coïncidence ou pas ? En même temps que les Russes commandaient les deux Mistral, ils confirmaient aussi la commande de 37 avions MiG-35D avion à décollage et atterrissage vertical (VSTOL) de 5e génération.

Actuellement, la flotte russe ne dispose plus que d’un seul porte-avions basé à Severomorsk dans le Pacifique. Il faut reconnaitre que cette base est plutôt éloignée de l’épicentre des crises dans lesquelles les Russes sont impliqués et qui se situe plutôt dans la Mer Noire. Ces derniers considèrent historiquement cet espace maritime comme un lac russe. La « russification » de la Crimée et la déstabilisation de l’Ukraine, inquiète sourdement les nations riveraines de la Mer Noire, à commencer par la Turquie. Les Russes n’ont en effet pas fait mystère du rattachement des deux « Mistral » à la Flotte de la Mer Noire. Dans ce cas de figure le renforcement de leurs capacités d’intervention modifierait de manière notable le rapport de forces.

Et c’est là qu’intervient la problématique du droit international et en particulier l’application de la convention de Montreux de 1936 (dont la France est, soit dit en passant, le dépositaire) qui vise à la démilitarisation des détroits (entre la Méditerranée et la Mer Noire), en même temps qu’à garantir la libre circulation dans ces détroits. Cette convention insiste sur l’interdiction pour les Russes de faire transiter des porte-avions par ces mêmes détroits. Cette restriction fut d’ailleurs contournée par les soviétiques qui déployèrent un porte-aéronef recevant des avions à décollage et atterrissage courts.

C’est par ce prisme que l’on peut souligner le bienfondé de la prise de position de François Hollande. Livrer les deux « Mistral » c’est à très brève échéance donner à Poutine les moyens d’intimidations ou d’intervention dont il a besoin pour imposer sa brutalité d’abord à l’Ukraine et à terme aux pays riverains de la Mer Noire. C’est détourner la Turquie, cette superpuissance diplomatique, de l’ancrage européen pour la conforter peut dans une dérive islamiste.

C’est aussi conforter la vision d’une Union Européenne qui ne serait qu’une petite puissance sur la scène internationale.

À la suite de cette décision, les médias sont venus au secours de la droite et ne se sont pas gênés pour critiquer la décision de François Hollande, l’attaquant pour masquer la faiblesse de la droite face à Poutine, masquer son absence de perspective diplomatique et son incompétence dans ce dossier. Ne manquons pas de leur rappeler que la fin politicienne ne justifiera jamais d’avoir une conception aveugle de la diplomatie et d’être dénué d’éthique.

Lors de la crise de Munich, en 1938, Churchill avait déclaré que nous avions « le choix entre le déshonneur et la guerre ». Nous avions choisi le déshonneur et nous avions eu le déshonneur et la guerre. François Hollande a choisi de s’imposer face à Poutine, sans doute poussé par quelques amicales pressions des États-Unis, mais par ce choix il a probablement évité d’aggraver une situation déjà explosive.

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