GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

L’impérieuse nécessité de rompre avec la politique d’Angela Merkel

Nous publions ici la deuxième partie de la contribution de notre camarade Jean-Jacques Chavigné, membre du comité de rédaction de D&S, écrite en vue de la convention Europe du Parti socialiste du 15 juin, et du débat de la motion 3 préparatoire à cette convention.

A - Rompre avec la politique de « rassurer les marchés »

- 1) La dépendance de l’UE aux marchés financiers est une construction politique

La dépendance de l’UE et des Etats qui la composent aux marchés financiers n’est pas un évènement « naturel », comme la pluie ou le soleil, ainsi que l’affirmait, la main sur le cœur, François Baroin, lorsqu’il était encore ministre de Nicolas Sarkozy.

C’est une réalité entièrement construite par les traités de l’Union européenne

L’article 63 du Traité de l’Union européenne (issu de l’Acte unique adopté par la CEE en 1986) instaure la libre circulation des capitaux, non seulement à l’intérieur de la Communauté économique européenne (CEE) mais entre la CEE et le reste du monde.

La crise Chypriote et le contrôle des capitaux imposés à Chypre montre que c’est possible et que la libre circulation des capitaux à l’intérieur de l’UE et entre l’UE et le reste du monde n’est plus sacrée.

Ce contrôle devrait, cependant, être un peu plus performant qu’à Chypre où la plus grande parti des fonds des oligarques russes a réussi à s’évaporer avant d’être mise à contribution.

L’article 123 §1 du traité de l’Union européenne interdit à la BCE d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux administrations centrales des Etats-membres. Il interdit également l’acquisition directe par la BCE de titres de la dette publique de ces Etats.

L’article 125 §1 du même traité interdit à l’Union européenne de prêter à un Etat-membre ou à un Etat-membre de prêter à un autre Etat-membre.

Il était difficile de mieux cadenasser la politique des Etats de l’Union européenne (excepté celle du Royaume Uni qui dispose d’une banque centrale indépendante de la BCE). Ils n’ont plus qu’une seule solution : emprunter sur les marchés financiers.

L’article 122 §2 permet à l’Union européenne d’accorder un prêt à un Etat membre uniquement en raison de « difficultés ou menaces sérieuses de graves difficultés en raison de catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant à son contrôle ».

C’est sur la base de ce dernier article qu’ont été instaurés le FESF et le MES. Il s’agit bien de fonds de stabilisation de la finance et non de fonds de solidarité avec les peuples européens. Les sommes qu’ils prêtent aux Etats qui ne peuvent plus avoir accès aux marchés financiers, tant les taux d’intérêt qu’ils exigent sont élevés, sont assortis de « strictes conditionnalités » c’est-à-dire des mêmes plans de destruction sociale que ceux qui ont frappé la Grèce, l’Irlande ou le Portugal.

- 2) Chercher à « rassurer les marchés » est aussi nocif que vain

Pour « rassurer » les marchés financiers, c’est-à-dire les banques, les assurances, les fonds de pension et les fonds spéculatifs, il n’y a qu’une solution, leur garantir que les titres des dettes publiques qu’ils détiennent leur seront payés rubis sur l’ongle. S’ils n’ont pas cette garantie, ils feront payer une prime de risque et augmenteront les taux d’intérêt auxquels ils acceptent de prêter aux Etats en achetant les obligations que ces derniers émettent.

Les Etats sont obligés, chaque année de trouver des milliards d’euros pour rembourser les titres de leur dette publique (émis il y a 30 ans, 10 ans ou 6 mois…) lorsque ces titres arrivent à échéance. Sauf, bien sûr, s’ils décidaient comme l’Argentine en 2001 ou la Russie en 1998, d’annuler ou de restructurer leurs dettes.

Le bon sens semble donc dicter la voie à suivre : surtout ne pas réveiller le chat qui dort et diminuer les déficits publics pour, à terme, diminuer la dette publique et « rassurer les marchés ». Mais cela entraîne une triple catastrophe et, en plus, cela ne marche pas.

a) Vouloir « rassurer les marchés » entraîne une triple catastrophe

- Une catastrophe sociale

L’envolée du chômage de masse, l’effondrement du niveau de vie des salariés, des retraités grecs, portugais, irlandais indiquent clairement le prix à payer pour tenter, en vain, de « revenir sur les marchés financiers » pour financer le remboursement des titres de leurs dettes publiques.

La situation du peuple espagnol n’est guère meilleure. Pour éviter d’avoir à s’adresser au MES et à subir ses « strictes conditionnalités », le gouvernement de droite de Manuel Rajoy lui fait subir une politique d’austérité qui inflige à l’Espagne le chômage de masse le plus dramatique de l’Union européenne.

Petit à petit, avec le TSCG et la volonté de réduire les déficits publics à marche forcée, cette situation s’étend à toute l’Union européenne. En Italie mais aussi en France où le nombre de chômeurs (toutes catégories) frappe maintenant plus de 5 millions de personnes.

- Une catastrophe économique

La poursuite de la réduction des déficits publics à marche forcée plonge toutes les économies européennes, une à une, dans la stagnation ou la récession : en Grèce, au Portugal, en Irlande, en Espagne, en Belgique, en Italie, dans les Pays de l’Europe centrale et de l’Est, dans les pays du Nord de l’Union Européenne et même en Allemagne.

En France, les prévisions de croissance en 2013 sont nulles, sous l’impact de la baisse du pouvoir d’achat du salariat et de la diminution de l’investissement public. Loin d’en tirer la conclusion qui devrait s’imposer, notre gouvernement persévère et impose un plan d’austérité qui ne dit pas son nom mais qui produit les mêmes effets détestables que partout ailleurs en Europe.

- Une catastrophe financière

Dans tous les pays de l’Union européenne, le poids de la dette publique augmente. La récession provoquée par les politiques d’austérité aboutit à l’opposé des résultats recherchés.

b) Chercher à « rassurer les marchés » cela ne marche pas

Les « marchés financiers » ne voient, certes, le monde qu’à travers leurs lunettes néolibérales et ils restent persuadés qu’appliquer les « réformes structurelles » d’Angela Merkel et José Manuel Barroso, est le meilleur moyen de garantir le remboursement des titres des dettes publiques qu’ils détiennent.

Mais, au bout d’un moment, ils sont bien obligés de se rendre à l’évidence en constatant que partout les dettes publiques augmentent que la récession s’installe, que les mouvements sociaux deviennent de plus en plus forts, que partout, les électeurs rejettent ceux (de droite comme de gauche) qui leur ont imposé l’austérité et le chômage de masse.

Ils recommencent à craindre pour les remboursements de leurs créances. Après quelques mois d’un calme relatif qui pouvait donner l’impression que « la crise était derrière nous », ils se mettent à être de nouveau fébriles. Ils ont déjà manifesté cette nervosité lors de la crise chypriote. L’approfondissement des crises politiques, sociales et économiques dans des pays d’une toute autre importance économique ne pourra que les affoler. Déjà, les taux d’intérêts des dettes publiques de l’Italie et de l’Espagne reviennent en première ligne.

Gribouille se jetait à l’eau pour éviter d’être mouillé par la pluie. Chercher à « rassurer les marchés financiers » revient à imiter ce personnage en ajoutant la crise à la crise pour éviter la crise.

B - Rompre avec le poids du fardeau de la dette publique

- 1) La dette sert aujourd’hui de levier, partout dans l’Union européenne, pour attaquer les acquis sociaux du salariat

Sous prétexte de réduire les déficits publics et de diminuer le poids de la dette, la droite qui dirige l’Union européenne est en train de remettre en cause tous les acquis sociaux accumulés par le salariat européen.

a) Les « réformes structurelles » comme seul horizon

Les « réformes structurelles » d’Angela Merkel et de Juan Manuel Barroso ont pris pour cible tous ces acquis : les salaires et les retraites (gel du montant des retraites, report de l’âge de la retraite), la sécurité sociale, les allocations sociales et familiales, les services publics, le droit du travail, le statut de la Fonction publique …. La flexibilité du travail, une des priorités d’Angela Merkel et de José Manuel Barroso se traduit par des conditions de licenciements facilités (l’ANI en France), la multiplication des emplois précaires, l’intérim dans le secteur public, la facilitation des heures supplémentaires, en fonction des rapports de forces sociaux différents dans chaque pays.

b) « La compétitivité c’est l’emploi » devient le nouveau mot d’ordre européen

C’est sans doute une façon sans doute de fêter le 40e anniversaire du « théorème » d’Helmut Schmidt : « Les profits d’aujourd’hui seront les investissements de demain et les emplois d’après-demain ».

Ce théorème a été mis en application au cours des années 1980 après le tournant politique infligé par Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Le taux de profit s’est rétabli mais les dividendes sont allés gonfler les bulles financières et le chômage (catégorie 1) atteint maintenant près de 20 millions de personnes dans la seule zone euro.

c) « 17 Allemagnes », voilà l’avenir !

L’avenir est tout tracé : les 17 pays de la zone euro doivent devenir « 17 Allemagnes ». Ce n’est pourtant, ni souhaitable ni possible. Cela n’est pas souhaitable quand on voit l’économie duale que subissent les salariés allemands, avec d’un côté, un secteur où les salaires sont à peu près corrects et un autre où fleurit la précarité et les petits boulots à 400 euros par mois. Ce n’est pas non plus possible : l’excédent commercial de l’Allemagne n’est que la conséquence du déficit commercial de la France, de l’Italie, de l’Espagne…

La direction du SPD allemand, le 11 mars 2013 annonçait une rupture avec la politique de Gerhard Schröder et remettait en cause ce « modèle allemand » tant vanté par la droite et les libéraux. Elle partait du constat de l’ampleur de la pauvreté et de la précarité en Allemagne, de l’existence de 7 millions de salariés allemands payés moins de 7 euros de l’heure, moins de 4 euros pour une partie d’entre eux. Elle proposait l’instauration d’un salaire minimum légal de 8,5 euros de l’heure, la limitation du recours aux emplois précaires, à l’intérim et aux « mini-jobs ». Elle proposait, également, la séparation des activités des banques et la hausse du taux de la tranche marginale d’imposition de 45 à 49 %.

- 2) La « dette publique » ne pourra pas être remboursée dans son intégralité

a) Ce ne sera pas la première fois dans l’histoire de l’humanité

De l’empire romain à l’Argentine en 2001, en passant par Charles Quint où l’Allemagne en 1953, ce ne sera pas la première fois dans l’histoire qu’un cycle d’endettement se terminera par une restructuration ou une annulation des dettes publiques. Non seulement le non remboursement des dettes publiques n’est pas une nouveauté, mais c’est une constante de l’histoire.

b) Rembourser la dette n’est pas forcément « moral »

Les dettes publiques sont aujourd’hui, avant tout, le résultat d’un gigantesque transfert des dettes privées, en premier lieu celles des banques, vers les dettes publiques. Un transfert qui s’est accéléré depuis la crise financière de 2007-2008.

Au nom de quelle « morale » le peuple irlandais devrait-il rembourser une dette publique dont l’augmentation (de 25 % du PIB en 2007 à 117 % aujourd’hui) ne trouve son origine que dans le transfert des dettes bancaires à la dette publique irlandaise ? En quoi le peuple irlandais est-il responsable de la politique de spéculation immobilière effrénée menée par les banques irlandaises ?

La situation est la même en Espagne où le chômage de 27 % de la population active est le prix infligé par Zapatero et Rajoy pour financer la dette privée des banques espagnoles qui se sont livrées à la même frénésie spéculative que les banques irlandaises. En quoi est-ce « moral » de vouloir obliger le peuple espagnol à rembourser cette dette publique ?

En France, la dette publique est, depuis le début des années 2000, essentiellement le produit de la baisse considérable des impôts des Français les plus fortunés et des sociétés. Le rapporteur de la Commission des finances à l’Assemblée nationale, l’UMP Gilles Carrez reconnaissait lui-même, dans un rapport du 30 juillet 2010, que les années 2000 à 2010 étaient « 10 années de pertes de recettes non compensées ». Le Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport d’octobre 2010 « Entreprises et niches fiscales - Des dispositifs dérogatoires nombreux » chiffrait à 60 milliards d’euros, par an, le montant des six principales « niches fiscales » à destination des sociétés.

En quoi serait-il « moral » d’exiger que le peuple français rembourse l’intégralité de cette dette publique ? En quoi est-il moral d’exiger de renoncer à la retraite à 60 ans, à une Assurance-maladie qui rembourse correctement les soins, à un hôpital public de qualité, à la stabilité de l’emploi, pour financer cette dette et les 48,8 milliards d’euros d’intérêts versés en 2012 aux rentiers, aux banques et aux assurances qui en détiennent les titres ?

c) Annuler une partie de la dette publique est devenu une nécessité

Non seulement, il faut arrêter de réduire les déficits publics avant d’avoir relancé la croissance, mais il est nécessaire, de se rendre à l’évidence : rembourser l’intégralité des dettes publiques est impossible. Cela mène tout droit à la récession et par là à leur augmentation vertigineuse.

- La Commission européenne, elle-même, qui avait juré ses grands dieux que la dette publique grecque ne serait pas restructurée a dû en passer par là

Les banques européennes ont fini par accepter de perdre quelques milliards d’euros pour ne pas avoir à perdre beaucoup plus si la crise grecque s’était étendue au reste de l’Union européenne. Les dettes publiques irlandaises, portugaises, espagnoles, italiennes ne sont pas non plus remboursables dans leur intégralité. Une partie de ces dettes doit être annulée. La dette publique française ne fait pas exception.

- L’Argentine qui, entre 2001 et 2005 avait restructuré sa dette publique a justement pu rompre avec la récession après avoir imposé la renégociation de cette dette à ses créanciers

Les créanciers de l’Argentine ont perdu 75 % de leur créance lors de cette restructuration. Le ministre des Finances argentin, Roberto Lavagna, qui avait renégocié cette dette affirme aujourd’hui que l’Argentine avait préféré sauver les Argentins plutôt que les banques et qu’elle avait fait le bon choix.

- La Russie, quant à elle, avait carrément annulé en 1998, la plus grande partie de sa dette extérieure

Cette annulation lui a permis de renouer avec la croissance économique et d’être aujourd’hui, l’un des pays émergents les plus offensifs.

- L’Islande a refusé de payer une dette qu’elle jugeait illégitime

Le tribunal de l’Association européenne de libre-échange (AELE), en rejetant les plaintes déposées par les Pays-Bas et le Royaume-Uni, a reconnu qu’un Etat avait le droit de protéger sa population et que l’Islande avait eu raison de ne pas accepter le paiement de la dette illégitime qu’exigeaient d’elle le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Après la faillite de la filiale « Icesave » de la banque islandaise Landsbanki en octobre 2008, les gouvernements britanniques et néerlandais avaient, en pleine crise bancaire, garanti les dépôts de leurs ressortissants, clients d’Icesave. C’est pour compenser les sommes qu’ils avaient dû alors débourser qu’ils exigeaient 4 milliards d’euros à l’Islande, le tiers de son PIB.

d) Faire payer les actionnaires des banques et lever un impôt exceptionnel sur les grandes fortunes

- Les actionnaires et les créanciers obligataires des banques enfin mis devant leurs responsabilités

En faisant contribuer les actionnaires et les créanciers obligataires des banques chypriotes aux pertes des banques chypriotes, l’UE a reconnu qu’il n’était plus possible que ces gens là continuent à empocher les gains sans jamais subir les pertes. C’est éminemment positif et doit se généraliser.

- La contribution forcée des déposants des banques chypriotes : une très mauvaise solution

Dans un premier temps, après le vote unanime des 17 ministres des finances de la zone euro le 16 mars, tous les dépôts devaient être taxés, même les dépôts inférieurs à 100 000 euros qui devaient subir une ponction de 6,75 %. Ce n’est que quand il a compris que le Parlement chypriote ne voterait pas le plan imposé par la Troïka que le président de l’eurogroupe a remis en question la taxation de ces dépôts et que Wolfgang Schäuble et Pierre Moscovici lui ont emboîté le pas.

Le mal est pourtant fait. En cas de crise bancaire, c’est la panique assurée, personne ne croira plus que les dépôts, même inférieurs à 100 000 euros sont garantis par les Etats. Comment les ministres des finances de l’eurogroupe ont-ils pu oublier que la monnaie repose uniquement sur la confiance ?

Dans un second temps, ce sont tous les dépôts au-delà de 100 000 euros qui ont été mis à contribution, dans des proportions inouïes. Les clients de Cyprus Bank perdront 60 % de leurs dépôts au-delà de 100 000 euros, ceux de Laïki la quasi-totalité de leur dépôt au-delà du même montant.

Une parfaite illustration des risques que font courir à leurs clients les « banques universelles » qui font garantir par leurs déposants les risques de leurs spéculations.

Une personne qui a plus de 100 000 euros sur son compte bancaire n’est pas forcément une personne riche. 150 000 euros, cela peut-être les économies de toute une vie. Cela peut-être aussi, tout simplement, les 150 000 euros que la banque venait de verser sur un compte pour permettre l’achat d’une habitation principale. Dans ce cas précis, le client de la banque Laïki perdra 50 000 euros mais il lui faudra payer les mensualités d’un prêt de 150 000 euros.

- Une voie plus prometteuse

La méthode employée est donc parfaitement injuste. Elle a, cependant, le mérite d’indiquer une voie plus prometteuse : lever un impôt exceptionnel sur les grandes fortunes pour rembourser une partie de la dette publique et alléger d’autant le fardeau du remboursement et des intérêts de la dette publique. Cet impôt pourrait être progressif et aurait le mérite de frapper tous ceux qui profitent de la crise.

C - Rompre avec la soumission aux banques de l’Union européenne et de ses Etats

- 1) Rompre avec la soumission aux banques de l’Union européenne

Le 12 septembre 2012, la Commission européenne avait rendu public son projet d’union bancaire qui devait reposer sur 3 piliers : la supervision européenne des banques de la zone euro, la mise en place d’un mécanisme de garantie des dépôts bancaires et la création d’un fonds de renflouement des banques pour leur éviter la faillite. Tout cela relève de l’effet d’annonce.

a) La supervision européenne des banques de la zone euro

Selon le rapport du président de la Commission européenne, Jose Manuel Barroso, la supervision des banques de la zone euro devrait être assurée par la Banque centrale européenne, l’EBA (autorité bancaire européenne) et les banques centrales des Etats de la zone euro. Cette mesure pose 2 problèmes.

- Le problème de la fiabilité et de l’indépendance des institutions concernées

La BCE n’a jamais été neutre quand il s’est agi de choisir entre les Etats et les banques. Elle a toujours favorisé les banques. Les Etats (Grèce, Irlande, Portugal) se sont vus imposer des conditions draconiennes de financement par la « Troïka », dont la BCE est avec la Commission européenne et le FMI, un membre éminent. En parallèle, Par contre, elle accordait en décembre 2011 et février 2012, un total de 1 018 milliards d’euros de crédit aux banques européennes, au taux de 1 % !Ces dernièresse sont alors empressées d’acheter les obligations d’Etat nouvellement émises à des taux atteignant 6 ou 7 % dans le cas de l’Espagne et de l’Italie.

La complaisance de la BCE à l’égard des dettes privées des banques européennes n’a d’égale que son intransigeance envers l’endettement public des Etats européens : elle n’est ni fiable, ni neutre.

L’EBA (autorité bancaire européenne) avait, fin 2011, estimé à 1,3 milliards d’euros les besoins en capitaux de la banque espagnole Bankia : 17 fois moins que les 24 milliards d’euros que le gouvernement espagnol a été obligé de reconnaître en juin 2012.

La Banque centrale espagnole avait, au même moment, chiffré à 26 milliards d’euros le besoin en capitaux de l’ensemble du secteur bancaire espagnol : 6 mois plus tard, l’Union européenne décidait d’un crédit « pouvant atteindre 100 milliards d’euros » pour sauver les banques espagnoles de la faillite.

Ce sont ces institutions qui se verraient confier la supervision des banques européennes ? Il faut rompre avec cette politique.

- Le problème du périmètre des banques concernées par la supervision bancaire

Angela Merkel a réussi. La supervision des banques ne concernera que 200 grosses banques dont le bilan dépasse 30 milliards d’euros. Il y a pourtant 6 000 banques dans la zone euro et la crise bancaire espagnole a trouvé son origine dans des Caisses d’épargne qui n’auraient pas été concernées par cette supervision mise en place par les 27 ministres des finances de l’UE. Seules une caisse d’épargne et une banque mutualiste allemandes sur 1500 seront concernées. Les autres continueront à n’être supervisées que par des institutions allemandes. Ces deux secteurs représentent pourtant les 2/3 du marché de la banque de détail en Allemagne.

b) La mise en place d’un mécanisme de garantie des dépôts bancaires.

L’Union bancaire a pour perspective d’instaurer un fonds de garantie européen des dépôts.Mais la Commission européenne le reconnaît, cela ne sera pas possible avant 10 ans et ce fonds ne s’élèverait qu’à 1,5 % du montant des dépôts.

Ce fonds ne serait d’ailleurs en rien européen dans un premier temps puisque le financement de ce fonds serait du ressort de chaque Etat et que les banques d’autres Etats ne pourraient pas y faire appel. La « mutualisation » européenne des dettes bancaires n’est prévue que dans un second temps mais l’Allemagne a prévenu qu’elle refusait de s’engager dans cette voie.

Les fonds dont devrait disposer ce mécanisme sont très insuffisants. La mise en place de ce mécanisme est, de plus, au point mort.

c) La création d’un fonds de renflouement des banques.

Ce fonds n’aurait pas pour fonction, comme le précédent, d’éviter une panique bancaire qui survient lorsque les déposants se précipitent aux guichets des banques pour retirer leurs fonds, mais pour fournir des fonds propres aux banques sur le point de faire faillite.

La création de ce mécanisme est renvoyée à 2018. La crise chypriote vient pourtant, de démontrer l’urgence du problème.

- 2) Rompre avec la politique de la droite européenne qui refuse la séparation des activités de dépôts et des activités spéculatives des banques

Les banques sont toujours aussi dangereuses qu’elles l’étaient en 2007. Elles continuent à spéculer exactement comme si, en 2007-2008, elles n’avaient pas mis l’économie mondiale au bord du gouffre. Non seulement elles étaient « trop grandes pour faire faillite » en 2007-2008, mais elles ont continué à grandir, les banques les plus importantes profitant de la crise pour en absorber d’autres. Elles font courir à l’économie un risque encore plus important qu’avant la crise de 2007-2008, mais rien n’est fait pour changer quoi que ce soit à leurs pratiques. La séparation de leurs activités de dépôt et de leurs activités spéculatives n’aura pas lieu. La Commission européenne recule et les Etats-membres de l’Union ne font pas mieux.

a) La « Banque universelle » est un danger pour les déposants, les contribuables européens, et pour l’économie : il faut rompre avec cette conception

- Les banques ne devraient pas avoir le droit de spéculer en utilisant comme garantie l’épargne de leurs déposants et la garantie des Etats

La crise chypriote vient de confirmer l’extrême dangerosité des « banques universelles ».

Les deux banques chypriotes qui ont provoqué la crise, la Cyprus Bank et la Laïki Bank, sont des « banques universelles » c’est-à-dire des banques qui sont à la fois des banques de spéculation (d’ « investissement », disent-elles) et de dépôts. Comme toutes les « banque universelle », elles utilisaient l’argent de leurs déposants pour garantir leurs spéculations et accumuler les profits.

Si les banques de dépôts et les banques spéculatives de La Cyprus Bank et de la Laïki avaient été des entités rigoureusement séparées, les banques spéculatives auraient fait faillite mais les banques de dépôt n’auraient pas eu à en subir les conséquences. La crise n’aurait pas coûté un centime d’euro aux contribuables européens et aux déposants chypriotes.

Malheureusement, ces deux banques étaient des banques universelles. Ce sera donc aux contribuables européens et aux déposants des deux banques de payer.

Les contribuables européens garantiront les 9 milliards d’euros prêtés à Chypre pour sauver sa principale banque. La France garantit un peu plus de 20 % des crédits du Mécanisme européen de stabilisation (MES). Les contribuables de notre pays garantiront donc plus de 1,8 milliards d’euros du crédit fait à Chypre pour sauver de la faillite la Cyprus Bank.

Mais ce sont les déposants des banques chypriotes qui paieront l’essentiel des pots cassés de la spéculation. Une parfaite illustration, hélas, des risques que font courir à leurs clients les « banques universelles » qui font garantir par leurs déposants les risques de leurs spéculations.

Le traitement qui vient d’être infligé par la Troïka aux clients des banques chypriotes indique l’ampleur du danger pour les déposants. (cette dernière phrase est une redite de celle en haut de la page : il faut la supprimer)

La crise chypriote doit aussi nous alerter sur l’ampleur du danger qui nous menace. Les ministres des finances des 17 pays de la zone euro ont poussé les hauts cris en « apprenant » que le total des bilans des banques chypriotes représentait 750 % du PIB de Chypre. Mais la situation est-elle vraiment beaucoup plus rassurante en France où le total des bilans des quatre principales banques s’élève à 400 % du PIB de notre pays ?

Une banque qui fait faillite devrait faire payer le prix de cette faillite à ses actionnaires, pas aux déposants ni aux contribuables européens. Il est donc urgent d’ériger, comme l’avait fait le « Glass Steaggall Act » de Rosevelt, une muraille infranchissable entre les banques de dépôts et les banques d’investissement, c’est-à-dire les banques spéculatives.

- La Commission européenne défend la « banque universelle » qui vient de montrer toute sa nocivité à Chypre

Les propositions du rapport Liikanen étaient un strict minimum pour protéger les intérêts des épargnants et des contribuables. Mais Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur et aux services commence à s’inquiéter des « dangers » de ce rapport et défend la « banque universelle » elle qui mélange dépôts et spéculation.

- 3) Notre gouvernement, en France, doit donner l’exemple de la rupture avec la politique de soumission de l’Etat aux banques

En France, où l’on pouvait attendre de notre gouvernement de gauche qu’il s’oppose à cette « banque universelle » qui fait courir tant de risques aux déposants et à l’économie tout entière. Il n’en a rien été : La loi que le Parlement français vient de voter ne sépare pas les banques de dépôts des banques spéculatives, elle se contente de « cantonner » dans des filiales certaines activités spéculatives. Frédéric Oudéa, le patron de la Société Générale, reconnaissait, avec satisfaction, que la loi de « séparation » n’allait impacter que 1,5 % du total des activités de la Société Générale. Ce sont donc toujours les déposants et les contribuables français qui garantiront les politiques spéculatives des banques.

Il s’agissait, selon Pierre Moscovici de défendre les banques qui financent l’activité économique en France. L’étude de Gaël Giraud, chercheur au CNRS, soulignait une réalité bien différente : les banques françaises consacrent 22 % du total de leurs bilans à financer l’économie (12 % pour les ménages, 10 % pour les entreprises). Les 78 % qui restent sont donc utilisés à spéculer. Si leurs spéculations échouent, les déposants de ces banques, après la crise chypriote, auront du souci à se faire.

Il est urgent d’arrêter de faire courir de tels risques à l’économie et aux déposants des banques François Hollande doit réaffirmer d’urgence, savolonté d’affronter la Finance exprimée en janvier 2012 lors de son discours du Bourget.

D - François Hollande doit prendre la tête de la rupture avec l’Union européenne libérale

- Le 16 mars 2013, Pierre Moscovici a ajouté la crise à la crise

En pleine crise bancaire à Chypre, Pierre Moscovici n’a pas voulu s’opposer à la droite européenne pour ne pas prendre l’initiative d’une crise, pour ne pas ajouter de crise à la crise. Il a donc accepté, comme les 16 autres ministres des Finances de la Zone euro que soient taxés les dépôts inférieurs à 100 000 euros dans les banques chypriotes. Il n’a changé d’avis que lorsqu’il est devenu évident que le Parlement chypriote rejetterait le plan de la Troïka.

Les résultats sont malheureusement, sans équivoque : non seulement la crise n’a pas été évitée mais elle s’est aggravée. Malgré les affirmations bien tardives, de Jean-Marc Ayrault assurant que la position de la France était celle de la défense des petits épargnants, le mal était fait. C’est maintenant l’engagement de l’Europe de garantir les dépôts jusqu’à 100 000 euros qui est remis en question dans l’esprit de très nombreux Européens. Selon un récent sondage, réalisé après l’abandon de la taxation des dépôts inférieurs à 100 000 euros, 4 Français sur 10 sont aujourd’hui persuadés qu’en cas de crise bancaire, leurs dépôts seront taxés.

- Le 29 juin 2012, François Hollande avait déjà ajouté la crise à la crise

François Hollande, en juin 2012, n’avait pas voulu non plus s’opposer à Angela Merkel. Il avait alors accepté le traité Merkel-Sarkozy en contrepartie d’un pacte de croissance de 120 milliards d’euros. Les résultats, malheureusement encore, sont tout aussi évidents : le pacte de croissance, d’un montant déjà dérisoire, s’est littéralement volatilisé, par contre, le TSG a plongé l’Union européenne dans la récession. Une récession qui risque très rapidement de ne plus « rassurer les marchés financiers » et de provoquer cette hausse des taux d’intérêts que François Hollande affirme, pourtant, vouloir à tout prix éviter.

- François Hollande doit rompre la « grande coalition » avec Angela Merkel

Vouloir éviter la crise pour ne pas ajouter à la crise aboutit au résultat inverse et aggrave la crise. Il est urgent que François Hollande rompe avec cette orientation suicidaire et se décide à assumer une politique de gauche face à Angela Merkel, en s’appuyant sur l’opinion publique européenne, les mouvements sociaux et les résultats d’élections telles que celle de l’Italie.

Résoudre démocratiquement une crise sociale ou économique ne peut se faire que sur le terrain politique. Il faut donc accepter que la crise sociale et économique de l’UE se traduise en crise politique pour pouvoir la résoudre. Il faut arrêter d’administrer à doses toujours plus fortes le « remède » utilisé jusqu’alors, à savoir les accords avec la droite européenne, qui non seulement ne guérit pas la maladie, mais qui rend le malade toujours plus malade.

Pour sortir de la profonde crise dans laquelle l’Union européenne et l’euro s’enlisent, il ne sera pas possible d’éviter l’affrontement avec la droite européenne alignée derrière Angela Merkel. Refuser d’assumer cet affrontement, comme pour le TSCG ou la crise chypriote, ne fera qu’aggraver la crise. L’espoir d’une alternative repose sur François Hollande, non seulement en France mais aussi en Europe. Mais pour combien de temps encore ?

Le changement, la rupture de la « grande coalition » avec Angela Merkel, c’est maintenant !

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