GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Kouchner : la Bombe Humaine

La présidence française, assistée de son valet de chambre à la chancellerie, opère une normalisation de la politique étrangère de la France. Précisons tout d'abord que la politique étrangère menée depuis le retrait de la France du commandement intégré de l'Otan n'est plus tenable aujourd'hui.

La France n'a plus les moyens de jouer à la grande puissance qu'elle fut naguère. Les rodomontades de Chirac sur la guerre des faucons US en Irak n'ont servi à rien, et la diplomatie française, si elle s'est taillée à cette occasion un costard blanc de pacifiste à peu de frais, n'en a pas moins démontré sa relative impuissance à empêcher le déclenchement des conflits.

Les choix qui s'imposent à la France sont les suivants: devenir « a good member of Otan » et mettre rafales, troupes et porte-avion à disposition du pentagone ou profiter de la faillite des guerres américaines pour relancer l'idée d'une armée européenne au service d'une politique étrangère européenne commune et ainsi avancer vers l'émergence d'une « puissance européenne » qui saurait imposer le multipolarisme dans le monde. La voie prise par la présidence actuelle est entre les deux : elle donne des gages aux Américains tout en affirmant un certain volontarisme européen.

Lorsque Bernard Kouchner se fait piéger par un journaliste rusé et affirme qu' « il faut se préparer au pire, et le pire c'est la guerre », il fait certes une grosse connerie qu'un diplomate stagiaire aurait su éviter, mais il livre aussi l'état d'esprit du patron et de ses conseillers diplomatiques qui se voient faire danser les chancelleries du monde entier au rythme du nouveau pas de deux franco-américain.

Car les Etats-Unis se cherchent un nouveau « meilleur allié » dans le monde. En Irak, les membres de la coalition se retirent tous les uns après les autres, à commencer par le Royaume-Uni. Le « conflit de basse intensité » en Afghanistan s'est transformé en « guerre ouverte ». Les Etats-Unis ont les moyens de leur guerre, pour l'instant, mais n'ont absolument pas les moyens d'une guerre contre l'Iran (qui est un morceau bien plus gros que l'Afghanistan aux structures moyenâgeuses et que le régime baasiste de Sadam Hussein qui ne tenait plus que sur un squelette d'appareil d'Etat). Ils cherchent des supplétifs nouveaux, au cas où, et le couple Sarko-Kouchner répond présent. A ce titre, notons la première chose qu'a dit Kouchner à Madame Risse : « Que pouvons-nous faire pour vous aider en Irak ».Pourquoi d'ailleurs faire une guerre à l'Iran ? Mohamed El Baradei, le Directeur de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), affirme qu'aucun élément ne permet de dire que l'Iran cherche à se doter de l'arme atomique. Par ailleurs, il est établi que l'Iran sera en possession du combustible suffisant à la fabrication de bombes en 2008. Dans cette situation, il suffit d'assurer l'Iran que ses installations nucléaires seront bombardées pour lui dissuader d'en construire (comme Israël l'avait fait des installations nucléaires vendues à l'Irak par la France en 1981).

Mais ce qui se joue autour de la « crise iranienne » est plus complexe qu'un simple désaccord sur le droit de la République Islamique de posséder ou non l'énergie nucléaire. Les partisans du « choc des civilisations » en occident instrumentalisent vulgairement quelques centrifugeuses installées au vu et au su de tous en Iran pour valider la thèse d'un « monde musulman » menaçant le « monde libre ». Précisons que l'existence d'un « monde musulman » solidaire et agissant comme entité politique unie reste à prouver. L'islam n'est en rien un facteur unifiant entre des pays aussi différents que le Maroc, la Lybie, les Emirats, l'Arabie Saoudite, l'Iran ou même l'Indonésie. La perception d'un « monde musulman » relève au mieux de l'ignorance, au pire du racisme. Il n'y a donc pas de « monde musulman » menaçant quoi que ce soit. « Le monde libre » -libre de quoi?-, quant à lui, serait défini par la démocratie. Dans ce cas, les dangers qui le guettent sont en son sein, la démocratie étant par nature fragile et susceptible de s'effondrer à tout moment, et ne viennent pas de l'Orient lointain et compliqué.

Le « choc des civilisations » n'est qu'une vue de l'esprit, une construction intellectuelle visant à convaincre de la nécessité, voire de la fatalité, des guerres menées au Moyen-Orient.

Certes, les mollahs qui dirigent la République et les pasdarans, les gardiens de la révolution, (dont le Président de la République Mahmoud Ahmadinejad est issu) qui contrôlent la société iranienne, n'ont rien de démocrates tranquilles. Mais en bombardant l'Iran, on ne ferait que renforcer le régime des mollahs et légitimer les « durs » au pouvoir qui en profiteraient pour marginaliser davantage voire purger les « modérés ».

Il n'y a pas de solution miracle à ce problème. L'Iran, en tant que Nation, a le droit de se doter des ressources d'énergies dont elle estime avoir besoin pour le futur. L'Iran, même en possession du nucléaire civil, ne manifeste pas la volonté de se doter de la bombe

(quoi qu'en disent ceux qui instrumentalisent la peur à ce sujet). Si l'Iran arrivait par miracle à échapper aux contrôles de l'AIEA et à la vigilance des dizaines de satellites militaires braqués sur son territoire, et à bidouiller quelques bombes, qui pourrait croire qu'elles seraient envoyées sur Israël? Quel serait l'intérêt stratégique de l'Iran à faire un truc pareil ? Le pays se ferait détruire dans l'heure, et les dirigeants Iraniens le savent. Car les caciques de la République islamique sont des gens très responsables, qui savent très bien ce qui est bon pour eux et ce qu'il ne l'est pas. Leur objectif est de se maintenir au pouvoir, pas de se faire laminer par une coalition montée contre eux.

Il est d'ailleurs affligeant de constater que ce qui préoccupe nos chancelleries ne concerne qu'une illusoire menace, et que le sort des Iraniens ne semble pas préoccuper plus que cela l'ex humanitaire devenu diplomate en chef, pas plus que le sort des Lybiens qui eux, vont avoir le plaisir de voir une centrale nucléaire française pousser sur leur sol (comme l'attestent les accords de coopérations signés entre Khadafi et Sarkozy), car tout le monde le sait, la Libye, elle, fait partie du « monde libre ».

La politique étrangère française entre dans une phase nouvelle, ni meilleure ni pire que la précédente, la défense des intérêts impérialistes français passant toujours avant la défense du « droit des peules à disposer d'eux-mêmes » et des droits de l'homme.

Notre combat doit toujours être celui de l'internationalisme qui passe, sur cette question, par la lutte contre la guerre, contre toutes les guerres, et par le soutien, dans la mesure de nos moyens, aux mouvements démocratiques et sociaux qui s'organisent et se battent partout dans le monde contre les régimes autoritaires et sanguinaires. Nous devons condamner la politique étrangère opportuniste de Sarkozy et Kouchner, non parce qu'elle est pro-américaine (et elle l'est franchement, jusqu'à la caricature), car la politique étrangère menée précédemment par les gouvernements de droite et de gauche n'était pas plus reluisante, mais parce qu'elle est aux antipodes du combat internationaliste auquel tout socialiste digne de ce nom doit se référer. Nous devons profiter de notre congrès pour réaffirmer l'internationalisme comme cariatide de notre organisation et de notre action commune.

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