GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

IVG : une victoire qui en appelle d’autres !

Il aura fallu l’opiniâtreté des parlementaires de gauche pour que les projets de loi successifs1 finissent par aboutir ce lundi 4 mars. Et il aura fallu la constance et la détermination des mouvements féministes qui n’ont cessé de se battre pour ce droit depuis la loi Veil.

Aujourd’hui, l’opinion est largement attachée à la défense de l’IVG, et 86 % de Français.es se déclaraient favorables2 à son inscription dans la Constitution.

Les réacs en PLS !

Cette forte adhésion a certainement fini par arracher le vote de nombreux élus- et encore plus nombreuses élues- de droite, bousculés par leur propre électorat. « Évitons à la sortie du débat de nous retrouver dans le camp des ringards anti-IVG », avait prévenu Éric Ciotti. Cette crainte d’apparaître à ce point à contre-courant a également semé le trouble à l’extrême droite dont les voix se sont divisées.

Ce vote marque une défaite pour le RN dans la bataille de conquête culturelle et idéologique qu’il entend mener. Il est obligé de renoncer à ce qui constituait jusqu’à présent un de ses marqueurs. Rappelons que c’est le droit de l’enfant à naître (le fœtus) que Jean-Marie Le Pen voulait inscrire dans la Constitution en même temps qu’il réclamait l’abrogation de toutes les lois légalisant l’IVG.

Pour autant, la pirouette effectuée par le sénateur RN, justifiant son vote favorable en invoquant « l’accentuation des revendications politico-religieuses » et « le péril islamiste », a paradoxalement mis en évidence le fait que le premier péril serait leur propre arrivée au pouvoir et leur accointance avec la mouvance politico-religieuse traditionaliste catholique toujours opposée à l’IVG.

Un point d’appui

Sanctuariser le droit à l’IVG, c’est reconnaître la liberté des femmes à disposer de leur choix comme un droit fondamental. C’est une réelle victoire pour le combat féministe en France, qui ne manquera pas d’avoir des répercussions dans le monde, la France devenant le premier pays à franchir ce pas, hautement symbolique.

C’est malheureusement, d’une certaine manière, la remise en cause du droit à l’IVG aux États-Unis par l’abrogation de l’arrêt Roe v. Wade par la Cour suprême qui a accéléré la conclusion positive du débat français. Faisons en sorte que cette décision soit un point d’appui pour le combat des Américaines comme pour toutes les femmes du monde.

La lutte continue

Gagner la bataille du droit ne veut pas dire que la bataille de l’accès au droit est gagnée. C’est malheureusement toujours terriblement vrai. Depuis l’adoption de la loi Veil, de nombreuses batailles ont dû être menées pour garantir l’effectivité du droit : remboursement par la Sécu, suppression de la notion « d’état de détresse », suppression du délai de réflexion de sept jours, création du délit d’entrave à l’IVG…

Mais l’obstacle principal continue à être le manque de moyens : le manque de médecins, la fermeture d’établissements de santé pratiquant l’avortement souvent liée à la fermeture des maternités de proximité, les délais pour obtenir des rendez-vous… « Considérant que ce droit n’est pas toujours parfaitement garanti », une nouvelle loi a d’ailleurs été adoptée en mars 2022. Les principales mesures en sont l’allongement de deux semaines du délai légal de 12 à 14 semaines de grossesse, la suppression du délai de réflexion de deux jours imposé après un entretien psycho-social et… la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer des IVG chirurgicales (dites par aspiration). Encore fallait il que ces décisions soient suivies d’effet.

L’art du « en même temps »

Alors que le débat progressait sur la constitutionnalisation de l’IVG, paraissait le décret d’application d’une des mesures de la loi Gaillot sensée favoriser l’accès à l’IVG sur l’ensemble du territoire en permettant aux sages-femmes de pratiquer l’avortement instrumental. Paru en décembre2023 (pratiquement deux ans après la loi !), ce décret apportait d’incroyables restrictions : il  imposait  aux sages-femmes, la présence de trois médecins sur site ainsi qu’un médecin en capacité de réaliser des embolisations artérielles. Ces conditions ne sont nullement exigées lorsque ce sont les médecins qui réalisent des IVG instrumentales – ou des accouchements dont le risque hémorragique est pourtant bien supérieur.

Ce décret a donc provoqué le courroux des associations féministes et des syndicats ou groupements de professionnels de santé ; cinq d’entre eux3 ont déposé un recours en Conseil d’État et demandent l’annulation et la réécriture à la hauteur de l’enjeu. Lundi 4 mars, alors que le congrès était réuni à Versailles, le gouvernement a finalement annoncé la réécriture de ce décret. Vigilance donc, pour que cette réécriture permette réellement  de multiplier les lieux où les femmes pourront être accueillies… dans les délais.

Cet article de notre camarade Claude Touchefeu a été publié dans le n°313 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

1.Citons, en 2017, la proposition de loi constitutionnelle portée par la sénatrice communiste Laurence Cohen, puis, en 2019, par le socialiste Luc Carvounas, ainsi que la nouvelle proposition en 2022 portée au Sénat par Mélanie Vogel puis à l’Assemblée nationale par Mathilde Panot (mais repoussée).

2.Sondage IFOP paru en juillet 2022 et intitulé « Les Francais veulent-ils constitutionnaliser le droit à l’avortement ? », https://www.ifop.com.

3.Association nationale des centres d’IVG et de contraception, association nationale des sages-femmes orthogénistes, coordination des associations pour le droit à l’avortement et la contraception, le Planning familial et Sud Santé Sociaux ; soutenus par le Collectif « Avortement en Europe, les femmes décident ».

Citation : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption de grossesse ».

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