GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Intervention de Gérard Filoche sur la victoire de SYRIZA

Tsipras-Filoche_480.jpg

Dimanche 25 janvier, Athènes : après l'annonce des résultats, dans le bureau d'Alexis Tsipras, Gérard Filoche le félicite et lui remet un exemplaire de son ouvrage Dette indigne.

Tout d’abord, il me semble qu’il faut rendre un hommage au peuple grec et à ses souffrances terribles depuis cinq ans. La politique odieuse qui lui a été imposée par la troïka, UE, FMI, BCE et tous leurs complices banquiers, doit être connue, dénoncée et jugée. Car ce qui s’est passé est inouï et s’apparente à un pillage, une guerre, un sac, un nuage de sauterelles sur une moisson. Aucun peuple ne devrait subir un pareil traitement dans une « union » comme celle de l’Europe : c’est une aberration contre toutes les valeurs de progrès de l’Humanité, contre l’intelligence humaine pour mettre l’économie au service des travailleurs. Ce ne fut qu’un putsch violent avec des critères sordides, faux, scandaleux. Au fond, ce pays n’avait pas plus de dette que les autres, autour de 100 points de son Pib comme aux USA, comme la France aujourd’hui, et la moitié de la dette du Japon… La France a eu 290 % de dette par rapport à son Pib en 1945 et heureusement qu’on ne nous a pas traités comme ça, heureusement qu’on a dépensé plus, qu’on a fait un programme social pour s’en sortir… sinon on serait un pays mort.

La Grèce a été victime d’une manipulation de Goldman Sachs dont les dirigeants devraient être accuses, jugés et condamnés. À partir d’une dette qui remonte aux Colonels, oui, on peut parler d’histoire, car l’Allemagne n’a jamais payé sa dette à la Grèce, sans doute 85 milliards, qu’elle avait vus annulés de 50 % par le traité de Londres en 1953… Car le prix des sous-marins de guerre allemands, de Thyssen Krupp, 1,4 milliards, car le prix des bétonneurs des Jeux olympiques de 2004, avec une ardoise de 40 milliards, tout cela devrait être renégocié... La troïka qui a imposé cette épouvantable austérité à Athènes, a commis un crime économique contre l’humanité : le smic a été diminué de 750 à 450 euros, les retraites, les salaires aussi en proportion, la famine a réapparu, les suicides se multiplient, la mortalité infantile a cru, les gens ne peuvent plus se soigner, il a fallu créer 400 dispensaires de secours, pour pauvres, ils ont vendu 30 grandes et belles entreprises publiques, fermé l’enseignement supérieur, la télévision publique, ils ont livré 91 points du littoral, dans les îles et sur les côtes, aux bétonneurs, 85 000 boutiques ont fermé à Athènes, 80 % des habitants ne peuvent s’y chauffer en hiver, la voirie, l’immobilier tout est sinistré, le PIB a reculé de 25 % ; et tout ça pour un résultat qui devrait remplir de honte ceux qui l’ont imposé, puisqu’il s’agissait de rembourser la dette et que celle-ci est passée à 113 % puis à 175 % du Pib.

Comment a-t-on pu en arriver là sans que nul ne crie son indignation, ici et partout ? La Grèce n’a pas été aidée, mais accablée, sinistrée, enfoncée : les plans d’aide, c’étaient des mensonges, c’était de l’argent donné aux créanciers de la Grèce, aux banques et arraché du niveau de vie des Grecs… Les intérêts qui leur ont été imposés étaient usuraires, de 4 à 7, même 12 %, par une BCE qui prêtait à moins de 1 % aux banques spéculatrices ! Si les Grecs, pourtant plus fragiles et qui le méritaient donc plus, empruntaient à des taux comme ceux de la France, ils seraient en équilibre budgétaire depuis 5 ans… C’est une dette odieuse qui leur a été imposée, et qui doit donc être revue entièrement… Jamais aucun pays d’Europe, ni la Grèce, ni l’Italie, ni l’Espagne, ni le Portugal, ni la France ne paieront cette fameuse « dette » de toute façon. Cette année, nous paierons 54 milliards d’intérêts d’une dette dont ne paiera pas le capital, et le paiement de cette dette ruine notre économie, ce qui augmente la dette… Nous sommes dans la même nasse, la même seringue que les Grecs, avec deux ans de retard sur eux, nous sommes à 30 % ou 40 % de ce qu’ils ont subi. Les défendre face au chantage odieux et scandaleux de la dette, c’est nous défendre…

Rien n’est la faute du peuple grec : tout est la faute à la troïka, et à l’oligarchie grecque. La célèbre oligarchie des Onassis, des armateurs les plus riches du monde, des Niarchos et des popes, premiers propriétaires fonciers… Et l’UE n’a rien exigé de l’oligarchie qui a caché des centaines de milliards en Suisse, mais elle a lâchement pillé le peuple… Alors qu’il fallait traquer les fraudeurs fiscaux, les spéculateurs… Alors qu’il fallait que « la BCE prête directement aux États » » et ce que je dis là, c’est ce que François Hollande disait, encore une fois, au Bourget : « la délinquance financière ? La République vous rattrapera » « La BCE doit prêter aux États » ! Mais il s’est écoulé bientôt trois ans, et rien, rien n’a été fait sinon des crimes contre les Grecs !

Et alors j’aime qu’ici, dans ce Bureau national, oui, aujourd’hui, ce soir, en ces deux heures de débat, chacun se sente et se dise maintenant « Syriza ». Car oui, le Pasok a délibérément trahi son peuple, l’a livré aux banquiers rapaces et cupides, et il a payé le prix fort. Et cela concerne tous les partis de gauche qui au lieu de faire une politique de gauche cèdent aux sirènes austéritaires de la troïka. Et cela nous concerne aussi, car si nous ne faisons pas « cap à gauche » nous connaitrons « cap suicide », nous subirons le même sort que le Pasok. Il faut se féliciter de la victoire de Syriza, je vois que nous le faisons, mais il faut le faire vraiment, car Macron, c’est l’anti-Tsipras, On ne peut pas dire « bravo Syriza » là-bas et « vive Macron » ici. Tsipras augmente le smic de 450 à 751 euros, redistribue les richesses, amnistie les syndicalistes, augmente les retraites, renonce à vendre le Pirée aux fonds chinois. En quelques jours, il fait plus pour gagner l’adhésion de son peuple que nous en deux ans. Alors que Macron continue de vendre nos aéroports aux fonds chinois. Bien sûr que Syriza est social-démocrate, socialiste et démocratique comme j’aime, et je le dis à Henri [Weber], tant mieux, c’est la gauche comme elle devrait être partout en Europe et ici, si nous combattions la finance au lieu de céder devant elle. On doit s’appuyer sur la victoire de Syriza pour remettre en cause la dette, nous aussi, et non sur la dette pour remettre en cause les choix politiques justifiés de Syriza.

Enfin pour finir, Syriza c’est d’abord l’unité de la gauche, ce n’est pas le gouvernement de type Papandreou, Valls, Macron orienté à droite. Alexis Tsipras, oui, a su réunir 19 partis et groupes de gauche, et c’est la clef de son succès ! Un exemple ! Et nous, il faut réunir les Verts EELV et le FDG, au moins. Prétendre sans succès aucun à l’unité nationale mais n’être pas capable de faire l’unité de la gauche, pose un sérieux problème : il faut réunir les forces de gauche, et chercher à nous mettre d’accord sur un programme d’action, d’urgence entre nous. C’est la clef de la victoire ou de la défaite aux prochaines élections. On a 40 000 chômeurs de plus en décembre, 192 000 de plus en 2014, on va dans le mur cruellement. Alors je le dis encore une fois : soyons Syriza, pas le Pasok.

Document PDF à télécharger
L’article en PDF

Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




La revue papier

Les Vidéos

En voir plus…