GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Intervention de Gérard Filoche au BN du PS du 9 avril 2014

Comme beaucoup ici, je suis embarrassé par cette concomitance entre le remaniement ministériel, et le « remaniement » du Parti socialiste. Cela ne se passe pas sainement. Ça nous tombe dessus ce matin par la radio, on apprend que notre premier secrétaire est délogé, relogé et qu’il y en a un autre. Cela fait apparaitre un changement de Premier secrétaire du Parti socialiste comme une révolution de palais télécommandée, et c’est vraiment gênant. Pour les militants. Pour nous tous.

Dans la Ve République, tout est toujours vicié par la concentration des pouvoirs à l’Élysée. Même un Président qui veut être « normal » ne parvient pas à l’être, tellement il est sommé de tout trancher. Dans « social-démocrate », il ya bien social ET démocrate. Nous n’aimons pas le pouvoir personnel. Un homme ne doit pas tout diriger. Le Parlement doit l’emporter sur l’exécutif. Nous avons même souvent dit que nous étions pour une « démocratie participative ». Nous sommes un parti ouvert, pluriel et nous devons savoir nous rassembler. Le parti doit être indépendant, pas « godillot », pour faire remonter les aspirations des électeurs face aux errements éventuels de l’exécutif. À lui d’exercer son droit d’alerte… avant un autre 21 avril.

Or, là tout semble se télescoper et ne pas fonctionner.

Harlem Désir n’a pas démérité. J’exprime respect et affection pour lui. Halte au lynchage et au bouc émissaire trop facile. Ce n’est pas lui qui a perdu les municipales. Aucun premier secrétaire n’aurait pu faire mieux dans ces conditions politiques. Pas plus Jean-Christophe. Personne ne fera mieux avec l’aggravation de la ligne qui a conduit à la déroute des 23 et 30 mars. Ce n’est pas une question de casting. Le respect du parti et des institutions existantes aurait même dû exiger s’il y avait remaniement, que ce soit le premier secrétaire qui soit pressenti pour devenir premier ministre, et pas un simple secrétaire d’État. Qu’a donc de moins Harlem Désir par rapport à Manuel Valls ? Rien au fond. Par contre, Manuel Valls avait eu 5% à la primaire, Harlem Désir avait été élu à 61 % des militants.

Nos électeurs nous ont infligé une défaite municipale sans précédent, qui nous ramène avant 1977. Ce n’est pas à cause du parti, ni du premier secrétaire. Ils ne l’ont pas fait non plus à cause de nos maires, ni des militants qui se sont dévoués corps et âme, mais à cause de la politique d’austérité du gouvernement qui prend aux petits pour donner aux gros, qui bloque les salaires, les petites retraites et donne des dizaines de milliards aux actionnaires et rentiers. C’est le prix payé pour ne pas avoir respecté les espoirs de mai juin 2012, ne pas s’en être tenu à l’esprit du discours du Bourget. Cela ne signifie en aucune façon une « droitisation » de la société : pas du tout, la droite n’a pas gagné en voix mais en pourcentage, elle n’a pas progressé ! C’est le PS qui a perdu, parce que délibérément de 10 à 14 % de ses électeurs ont choisi de s’abstenir comme le disait Christophe Borgel la semaine passée. Le peuple de gauche attend une politique de gauche, c’est normal.

L’exécutif devrait entendre et corriger ce qui a provoqué une sanction électorale de cette importance. Mais il s’y refuse. Est nommé un gouvernement qui repose sur une tête d’épingle, qui ne rassemble non seulement pas toute la gauche (ni les Verts, ni le Fdg) mais même pas toute la motion 1 majoritaire du Congrès de Toulouse, pas tous les socialistes. Et pourtant ce gouvernement déclare carrément, de façon inouïe, qu’il « est difficile de faire quelque chose pour les salariés » (93 % des actifs de ce pays !). Il « accélère » plus vite et plus fort la politique antérieure qui a échoué. Une politique qui non seulement a échoué partout où elle a été menée en Europe mais qui a fait perdre tous ceux qui l’ont appliquée (MM. Papandréou, Zapatero, Socrates.) Danger !

J’entends Jean-Christophe Cambadélis dire qu’il y a « des fondamentaux qui se perdent ». Il prend comme exemple des camarades qui ont préféré se faire élire conseiller municipaux que de faire barrage au Front national. Sans doute. Mais je vais vous surprendre, quoique je l'ai déjà signalé cela la semaine dernière. Il y a plus grave. Le gouvernement vient de préconiser devant l’Assemblée nationale la baisse du salaire brut pour augmenter le salaire net. On n’a jamais discuté de cela nulle part : jamais un texte, jamais une motion, jamais un rapport…

Mais c’est inquiétant : ce sont les salariés qui financeront l’augmentation de leur salaire net en voyant diminuer leur salaire brut, indirect, les cotisations sociales.

C’est un tour de bonneteau. Le manque à gagner pour la Sécurité sociale sera financé par les impôts… payés par les salariés ! Ou sinon en baisse de soins.

Ce sera symboliquement le choix de diminuer le grand principe de solidarité incarné par la mutualisation d’une part des salaires redistribuée à chacun selon ses besoins.

C’est bien ainsi que nous avions combattu cette proposition qui sort tout droit depuis cinq ans… du programme de Marine Le Pen. Ça fait des années qu’elle propose de réduire le brut pour augmenter le net : nous dénonçons cela dans toutes nos brochures ! Oui, Jean-Christophe, il y a des fondamentaux qui sautent ! Sans que personne ne réagisse, sans débat.

Au moins dans des conditions pareilles faut-il tout faire pour donner la parole aux adhérents et permettre, puisque les statuts le prévoient, une élection du nouveau secrétaire par les militants. Puisque Harlem démissionne, il faut une élection régulière, loyale, enregistrer les candidatures au CN du 15 avril et remettre les décisions aux militants. Une vraie élection, pas une ratification.

Quant à un congrès, s’il en faut un, anticipé, oui, mais sur le fond, avant fin 2014, pas pour régler des problèmes de clans, de motions, ni même de direction, mais un congrès, nécessaire pour consulter les militants redresser la barre, faire savoir au gouvernement ce que pense la gauche, ce que pensent les socialistes, comment on doit agir, réorienter pour éviter la catastrophe aux prochaines élections. Car il y a un grand risque sérieux que nous perdions toute la séquence électorale à venir. Or c’est évitable, il n’y a pas fatalité absolue à aller dans le mur, à tout perdre dans une autre 21 avril en pire, mais seulement si à temps, le parti dit ce qu’il faut, à partir des souhaits démocratiquement exprimés de nos électeurs.

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