GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Intervention de Gérard Filoche

Reconquérir les municipalités pour 2020 ? Recruter 500 000 adhérents pour 2017 ? Bien, bien, il faut s’organiser ! Toujours s’organiser, mieux… notre parti doit être un parti de militants, pas d’adhérents virtuels, qui viennent voter une fois tous les trois ans. Il faut convaincre, influencer physiquement la société, à commencer par les entreprises, les bureaux, les quartiers, banlieues, villes et villages… Je suis pour les beaux organigrammes qui nous ont été présentés, mais vous savez comme moi que ça ne fonctionne pas sans dynamique politique : le carburant, c’est les idées de gauche, les désirs de gauche, les avancées sociales… et je le dis, ça me chagrine qu’on renonce à ce que les militants soient présentés en section avant de pouvoir être membres réellement. Je proposerai même l’inverse : que les militants aient au moins participé à deux réunions de débat, sur les contributions et les motions. Sinon, s’ils n’ont pas participé au débat, qu’ils n’aient pas le droit de voter pour le congrès… Trop facile de venir en touriste ou en client, et de voter sans militer, sans échanger avec les autres socialistes… Ce n’est pas la télé qui forge nos idées, mais les discussions entre nous.

Bien ; mais pour gagner 500 000 adhérents, combien en avons-nous aujourd’hui ? Et si nous en perdons alors que nous sommes au pouvoir et qu’il y a à peine plus de deux ans, nous dirigions tout le pays, c’est que nous rencontrons un problème qui n’est pas d’organisation… mais bel et bien politique. On ne peut pas influencer et recruter en faisant une politique contraire à nos idéaux, à notre projet socialiste, à nos traditions, à nos électeurs. Voilà pourquoi nos électeurs se réfugient dans l’abstention : ils sont mécontents et ça va s’aggraver avec la loi ou ordonnance Macron. C’est une loi qui dérégule, et on sait tous que la dérégulation, ça veut dire chômage, reculs de droits et de salaires. Ce sont les pays pauvres qui dérégulent. Ce sont les pays riches qui régulent. Déréguler, flexibiliser, c’est nuire à la compétitivité, à la productivité, c’est seulement augmenter les dividendes des actionnaires au détriment des salariés, ce qui produit toujours du chômage.

D’ailleurs, la preuve du pudding c’est quand on le mange. On l’a vérifié. La loi Macron nous vante le travail de nuit : mais le travail de nuit, il a été dérégulé en France, par nous, en 1992, et autorisé pour les femmes. Ce, en suivant des directives erronées de l’UE et de la CJCE, et alors même que l’OIT nous préconisait avec justesse, autorité et légitimité, de ne pas le faire. Mais bon, le travail de nuit a été autorisé pour les femmes, Un million de femmes ont été frappées de plein fouet par cette nuisance. Elles sont aujourd’hui plus de 9 % à être des travailleuses de nuit : deux fois plus qu’il y a 20 ans ! Et il y a un million et demi de chômeurs de plus ! Et Macron nous propose, dans sa nouvelle et maudite loi libérale, de travailler « en soirée » : ça n’aura pas plus de résultats !

Il en va de même pour le dimanche : nous nous étions opposés à la loi Giraud, dite « loi quinquennale », en 1993, qui devait créer de l’emploi en passant de 3 dimanches d‘ouverture à 5. Résultats : ni emplois, ni chiffres d’affaires, ni meilleurs salaires. Alors pourquoi en proposer 12 ou 7 ? Notre parti a fait de très belles campagnes contre la loi Maillé, dix de nos actuels ministres l’ont combattu, on a défendu la civilisation en défendant le repos du dimanche collectif, commun, convivial, familial, associatif, culturel, (sauf pour les métiers contraints, nécessaires ce jour-là). Il faut un temps de rencontre, de vie commune qui rythme la semaine de toute société ; sinon elle régresse, se renferme, s’atomise… Sinon, des femmes pauvres et précaires et des étudiants désargentés s’y colleront, ce sera le caddie pour les salariés au supermarché, et le caddie au golf pour leurs patrons et actionnaires… Les conséquences pour la famille, les enfants, vous les mesurez ?

On sait tous que ça n’aura aucune portée économique, ça n’élèvera aucun chiffre d’affaires ; même les magasins déjà ouverts actuellement en infraction vendent moins le dimanche que les autres jours. Si tous sont ouverts, ils seront vides, et puis ce qui sera vendu le dimanche ne le sera pas le lundi, un emploi précaire créé le dimanche sera supprimé le mardi… D’ailleurs si la loi Macron REFUSE de prévoir une majoration de salaire le dimanche, c’est bien pour ça. Car elle le REFUSE ! Qu’on n’essaie pas de manipuler l’opinion en faisant croire à un salaire majoré, alors que c’est renvoyé à la négociation, à des accords ultérieurs et il n’en sera rien, bien sûr…

On nous dit que c’est pour le tourisme, mais la mairie de Paris a fait l’analyse : les touristes chinois, restent 6 jours et demi, et leurs tours opérateurs prévoient, comme pour les Occidentaux qui vont à Pékin, une matinée ou un après-midi pour faire des courses, et pas le soir. Et s’ils achètent du parfum ce ne sera pas le soir aux Champs-Elysées, mais en duty free à l’aéroport, surtout si en plus on vend les aéroports à des fonds chinois…

Faire vendre du parfum le soir, est-ce utile ? Le seul résultat c’est que les vendeuses rentreront à 2 h du matin en banlieue, bien après que leurs patrons auront fini de souper après le théâtre…

Mais la loi Macron, ce n’est pas seulement faire bosser des pauvres gens le dimanche et la nuit ; c’est faciliter les licenciements, c’est accroître les concessions déjà faites dans l’ANI et la loi du 14 juin 2014, pour licencier sans procédure et sans motif, de façon boursière et abusive. L’ANI et la loi du 14 juin n’ont pas « sécurisé l’emploi » du tout : il y a 250 000 chômeurs de plus, les plans sociaux ont été systématiquement homologués sur ordre du ministère, à un point tel que même les TA les jugent expéditifs, illégaux et les retoquent. L’ANI avait modifié l’ordre des critères sociaux de licenciement individuels qui étaient quatre, critères sociaux, critères d’ancienneté, critères de qualification, critères de postes ; la loi Macron supprime ces critères carrément ! On a mis 25 ans à ce qu’il y ait une jurisprudence pour qu’un plan social soit apprécié au niveau du groupe et pas de l’établissement, et voilà que la loi Macron supprime ce progrès et décharge les groupes de leurs responsabilités, puisque c’est renvoyé à l’entité de base. Et même si le salarié parvient encore à saisir les prud’hommes, (car les prud’hommes et l’inspection du travail sont mis à mal, le droit pénal du travail est défait), si le contrat de travail n’est pas, par la loi Macron, ramené à un contrat de droit civil, ordinaire de gré à gré, ce salarié ne pourra plus être réintégré dans son poste. On dira qu’« il ne l’était pas ou rarement » : oui, mais ça lui permettait de négocier au moins, dans une meilleure position, des indemnités plus élevées…

Je n’ai plus de temps pour dire comment Uber va déréguler la G7, comment les firmes juridiques US vont se ruer sur les ex officines des notaires (qui devraient être des services publics à 100%) ; je ne peux pas non plus vous parler de l’archaïsme des autocars contre les TGV Il paraît que l’UE et Merkel jugent que la loi Macron ne va encore assez loin dans la dérégulation : l’UE et Merkel veulent-elles qu’on en revienne aux diligences ?

Mais ma conclusion sera que déréguler ne crée pas de l’emploi mais du chômage : il faut aller dans le sens exactement contraire à celui de la loi Macron si on veut regagner des électeurs et des adhérents, parce qu’enfin nos électeurs c’est notre « carnet de commande » à nous. Pour avoir plus d’électeurs, pour recruter, on le voit bien, il faut s’organiser ; alors pourquoi faire le contraire, dans les entreprises, déréguler ? Avec des salariés flexibles, précaires, aléatoires, elles produiront moins bien, et elles recruteront moins, il y aura moins d’affaires et moins d’emplois… Ce n’est pas ce qu’il faut, ni pour le parti, ni contre le chômage…

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