GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Immigration en Suisse : plutôt de bons salaires que la xénophobie !

Nous publions ici un article spécialement écrit pour la revue Démocratie&Socialisme et paru dans le numéro de janvier, donc avant le référendum du 9 février. Il n’a malheureusement pas perdu son actualité. Jean-Claude Rennwald est un militant socialiste et syndical suisse, ancien député PS au Conseil national suisse (nom du parlement suisse).

« Si la France vote « non », nous serons privés des Jeux olympiques », avait déclaré Jack Lang, avant le vote sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe. Cet argument n’avait manifestement pas porté, puisqu’en juin 2004, 55 % des Français refusaient ce Traité. Cela n’empêche pas les patrons suisses de commettre une erreur semblable aujourd’hui, eux qui affirment que l’acceptation de l’initiative de l’UDC « contre l’immigration de masse » « mettrait l’économie suisse sur la touche ».

Soumise au vote du peuple le 9 février, l’initiative de l’UDC (référendum d’initiative populaire) exige que la Suisse plafonne l’immigration et réintroduise des contingents. Son acceptation mettrait fin à la libre circulation des personnes, mais aussi à tous les accords Suisse-Union européenne ainsi qu’aux mesures d’accompagnement destinées à combattre le dumping social. Faussement appelée Union démocratique du centre, l’UDC est en fait un parti xénophobe et national-populiste et a toujours combattu ces mesures. Dans ces conditions, les abus salariaux et le travail au noir seraient encore plus importants qu’aujourd’hui !

Le statut du saisonnier, c’est fini !

Il y a des arguments bien plus pertinents que le catastrophisme patronal pour combattre l’initiative de l’UDC :

  • La libre circulation des personnes a permis de supprimer l’innommable statut du saisonnier. Il s’agit d’une immense conquête de la classe ouvrière et du mouvement syndical, tant ce statut était dégradant pour les travailleurs concernés (contrôle sanitaire à la frontière, baraquements en guise de logement, interdiction du regroupement familial).
  • Même s’il ne faut pas en exagérer la portée, la libre circulation des personnes et l’ensemble des accords bilatéraux ont favorisé la croissance et l’emploi. Ils ont en particulier profité aux industries d’exportation, l’un des piliers de l’économie suisse.
  • Pouvoir travailler et étudier dans un autre pays que le sien, pour les Européens comme pour les Suisses, constitue une conquête sociale et culturelle majeure.
  • En rendant l’immigration responsable de tous les malheurs des Suisses, l’UDC mène une politique foncièrement xénophobe, alors que ladite immigration a pris une part décisive à l’essor économique de la Suisse et contribue de manière tout aussi importante à la bonne santé de ses assurances sociales.
  • Combattre le dumping social

    La libre circulation des personnes recèle toutefois un fort potentiel de dumping social. Semaine après semaine, Unia, le principal syndicat Suisse, met le doigt sur des situations intolérables, comme celle de ces travailleurs détachés qui gagnaient moins de 8 euros de l’heure, alors que les syndicats exigent 18 euros. C’est pour faire face à ces abus que les syndicats et la gauche ont obtenu, en l’espace d’une dizaine d’années, des mesures d’accompagnement (extension facilitée des conventions collectives de travail, loi sur les travailleurs détachés, commissions tripartites chargées d’observer le marché du travail, etc.) visant à combattre ce dumping.

    Même si le droit du travail n’avait jamais fait un tel saut qualitatif durant une période si courte, ces mesures doivent être renforcées. Non seulement au niveau des relations de travail, mais aussi dans le secteur du logement, qui connaît une situation critique dans plusieurs villes et régions.

    Certains bourgeois ont un plan B

    En cas de succès de l’initiative de l’UDC et de démantèlement des accords bilatéraux, l’économie suisse connaîtrait une passe difficile, en particulier les industries d’exportation, qui seraient privées d’une main-d’œuvre qualifiée et des facilités d’accès au grand marché européen (avec la fin de l’accord sur les obstacles au commerce). Mais plusieurs fractions de la bourgeoisie, dont Christoph Blocher, leader de l’UDC, ont déjà leur plan B, qui consisterait à exercer une pression énorme sur les salaires et les avantages sociaux conquis durant des décennies pour maintenir la compétitivité de l’économie suisse.

    Dans une certaine mesure, les partis de droite ont déjà mis en vigueur ce plan B, en refusant au Parlement l’initiative syndicale pour un salaire minimum de 3’300 euros par mois, qui constitue pourtant la meilleure de toutes les armes contre le dumping salarial. Autant dire que si l’initiative de l’UDC devait passer la rampe, la bourgeoisie en porterait toute la responsabilité.

    Remarque : Les exigences salariales des syndicats vous paraîtront sans doute excessives, mais le coût de la vie l’est aussi en Suisse !

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