GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Il y a 10 ans : la victoire du « non » au référendum européen

Le 29 mai 2005, le « non » au référendum sur le projet de Traité constitutionnel européen (TCE) obtenait 54,67 % des suffrages exprimés, contre 45,33 % pour le « oui ».

La bataille avait été rude. Trois mois avant la date du référendum aucun sondage n’accordait moins de 60 % aux partisans du « oui ». Il est vrai que ces derniers avaient l’appui de la quasi-totalité des grands médias qui serinaient à longueur de temps, les arguments du « oui » et cherchaient à ridiculiser les partisans du « non » de gauche sans jamais discuter sérieusement ce qu’ils proposaient. Ils avaient également l’appui de 99 % de la droite (seul Nicolas Dupont- Aignan faisait exception) et de l’appareil du Parti socialiste.

Le « non » de gauche avait changé la donne. Les partisans du « non » n’étaient plus les nationalistes du Front national (qui n’a guère fait campagne) mais les partisans d’une autre Europe, sociale et démocratique. Partout, des collectifs se créaient, des meetings unitaires (regroupant la gauche du PS, le PCF, des écologistes, le NPA, la fondation Copernic…) attiraient des dizaines de milliers de participants, extrêmement attentifs. La bataille faisait rage sur les sites internet. Le site d’Étienne Chouard, inconnu 3 mois auparavant, comptait plus d’un million d’entrées à la fin de la campagne.

Le projet de TCE

Le projet de traité constitutionnel avait été rédigé par une « convention » de 102 membres, présidée par Valéry Giscard d’Estaing. Ces 102 membres n’avaient pas été élus (contrairement à la tradition constituante européenne dominante) pour faire œuvre constituante mais désignés par les parlements nationaux, le Parlement européen, les gouvernements européens et la Commission.

Le texte soumis au vote comptait 189 pages alors que dans la même pagination, la Constitution française aurait tenue en 13 pages et celle des États-Unis en 5 pages ! La longueur du texte rendait ce texte illisible. Comme toute Constitution, le TCE aurait dû avoir pour objectif d’organiser le fonctionner des pouvoirs publics et les valeurs communes de l’Europe mais il cherchait à graver dans le marbre d’une Constitution toutes les directives libérales européennes pour qu’elles ne puissent plus jamais être remise en question. Le TCE était structuré par la nécessité d’imposer aux Européens une « concurrence libre et non faussée » qui donnerait au marché la prééminence sur toute décision démocratique.

Les arguments du « oui »

La Constitution pouvait être plus facilement modifiée que les traités européens

Certes, pour modifier (dans un nombre limités de domaine) le TCE, il n’était plus nécessaire d’obtenir l’unanimité, la majorité qualifiée suffisait. Le seul problème était qu’il fallait l’unanimité des États-membres pour que ce vote à la majorité qualifiée puisse avoir lieu.

La Charte des droits fondamentaux, notamment des droits sociaux était un progrès colossal

En réalité, cette « charte » ne créait aucune obligation pour les États-membres. Il s’agissait de droits virtuels qu’un État pouvait ou non mettre en œuvre.

Surtout, le TCE interdisait l’harmonisation des législations sociales. Il ne permettait d’imposer une fiscalité unifiée qu’en obtenant l’unanimité des États-membres : un seul « paradis fiscal » pouvait donc empêcher toute harmonisation de la fiscalité des entreprises par le haut…

L’Économie sociale devenait une réalité incontournable

Le TCE contenait une seule occurrence de ce terme alors que le mot « concurrence » était cité 78 fois et celui de « marché » 72 fois.

Une directive devait donner une garantie juridique aux secteurs publics des États européens

En réalité, le terme « services publics » n’était cité qu’une seule fois dans le TCE. Il était remplacé par le terme de « Services d’intérêt économique général » dont le texte ne donnait aucune définition.

L’augmentation des droits du Parlement faisait de l’UE une véritable démocratie

En réalité, le Parlement n’était, dans le meilleur des cas, qu’un co-législateur qui ne pouvait faire accepter une directive que si le Conseil des Ministres votait le même texte dans 21 domaines aussi décisifs que la marché intérieur, la Politique agricole commune, la politique étrangère et de Sécurité, la politique économique… Le Parlement, qui plus est, n’avait aucun pouvoir législatif. Le Conseil des ministres était le seul législateur.

Certes, le Parlement obtenait le droit de censurer la Commission mais cette dernière pouvait continuer à sévir avec le soutien de seulement 33 % des députés européens.

Les institutions européennes restaient des institutions en trompe-l’œil : le Parlement qui était la seule institution élue au suffrage universel était toujours celle qui détenait le moins de pouvoir.

La victoire du « non » aux référendums français et néerlandais

Le 29 mai, le « non » triomphait en France. De façon étonnante (pour qui ne connaît pas les us et coutumes du PS) c’est là où le « oui » avait obtenu le maximum de voix dans le référendum interne au PS, que le « non » obtenait le maximum de voix au référendum du 29 mai. Ainsi, dans le Pas-de-Calais, les 12 000 adhérents du PS avaient accordé 60 % au « oui » mais le 29 mai, 70 % des électeurs de ce département s’étaient prononcés pour le « non »…

Le 1er juin, le « non » obtenait 61,54 % des suffrages aux Pays-Bas. Pris de panique, les dirigeants européens arrêtaient précipitamment toutes les consultations en cours. Les Danois, les Tchèques, les Polonais, les Irlandais, les Portugais, les Britanniques qui devaient donner leur avis par voix référendaire n’ont pas eu le droit de le faire. Les parlements suédois et finlandais avaient différé leurs votes de ratification : même ces votes apparaissaient, alors, trop risqués ! Les Irlandais n’ont pu se prononcer par référendum qu’en 2008 et comme ils avaient donné la majorité au « non », il leur a fallu recommencer jusqu’à ce qu’il vote « oui ».

Nous publierons la deuxième partie de cet article (« l’UE à la croisée des chemins » ) dans la prochaine lettre de D&S.

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