GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Grèce : l’heure du bilan

Les médias insistent beaucoup sur la montée de l’extrême droite aux élections législatives du 6 mai en Grèce. Mais cela ne doit pas occulter trois faits majeurs : la montée de l’abstention, la déroute du Pasok et de la Nouvelle démocratie, et la percée de Syriza.

La montée de l’organisation néo-nazie « Aube dorée » a de quoi inquiéter. Mais le total des voix d’extrême droite n’est pas passé de 0,29 % en 2009 à 6,97 % en 2012. En 2009, le total des voix d’extrême droite s’élevait à 5,92 % des suffrages (5,63 % pour le LAOS + 0,29 % pour « Aube dorée »). En 2012, il s’élève à 9,87 %(6,97 % pour « Aube dorée » + 2.90 % pour le LAOS qui n’atteint pas 3 % et n’est donc pas représenté au Parlement). L’extrême droite multiplie son score par 1,7 (ce qui est déjà beaucoup trop) et non par 24 comme le suggèrent les principaux médias.

Le LAOS avait approuvé le « mémorandum » (le plan de destruction sociale imposé par la Troïka) : la moitié de son électorat est donc parti vers « Aube dorée ». Un glissement des nostalgiques de la dictature des colonels vers une organisation ouvertement nazie.

Il faut ajouter à ce panorama de la droite de la droite les 10,60 % de voix (33 sièges) obtenus par la formation « Grecs indépendants », une scission de droite du principal parti de droite grec, Nouvelle Démocratie.

Si les principaux médias mettent l’accent sur la montée de l’organisation néo-nazie, c’est pour ne pas mettre en évidence les trois éléments essentiels de ce scrutin.

Premier élément : la montée de l’abstention

En 2009, l’abstention s’élevait à 29,08 % des électeurs inscrits. Le Pasok de Papandréou avait alors remporté les élections législatives devant la Nouvelle démocratie de Caramanlis. En 2012, elle atteint 34,87 %. Ce qui indique un recul de l’idée que la politique puisse changer la réalité.

Il est évident que le PASOK (Parti socialiste grec), qui était majoritaire au Parlement et dont le leader Georges Papandréou dirigeait le gouvernement grec jusqu’à ce que la Finance le chasse et le remplace par Lucas Papadémos, porte une très lourde responsabilité dans ce désarroi d’une partie de l’électorat grec.

Deuxième élément : la déroute des partis qui avaient accepté le « mémorandum », le diktat de la troïka UE/BCE/FMI

Le PASOK qui recueillait 43,92 % des suffrages en 2009 n’en obtient plus que 13,67 % en 2012. Il perd 30,25 % de ses voix. Il ne détient plus que 41 sièges au Parlement, au lieu de 160. Une déroute complète.

La Nouvelle Démocratie (droite) qui atteignait 33,48 % des suffrages en 2009, plafonne à 18,87 % en 2012. Elle perd 14,51 % de ses voix. Une déroute limitée par l’attribution de 50 sièges supplémentaires au Parlement grec au parti arrivé en tête.

Les partis favorables au « mémorandum » signé avec la troïka par ne recueillent plus que 32,54 % des voix en 2012. Ces deux partis représentaient 77,4 % des voix en 2009. Une perte totale de 45 %.

Malgré la prime de 50 sièges supplémentaires réservée à la formation arrivée en tête, la Nouvelle Démocratie et la PASOK ne disposent que de 149 sièges au Parlement. Or, le Parlement compte 300 députés et il faut 151 députés pour obtenir la majorité. Il manque donc deux sièges aux deux partis favorables au mémorandum pour atteindre la majorité des députés (151 sur un total de 300).

La Grèce paraît être aujourd’hui un pays « ingouvernable », ce qui affole la Finance, les banques et les marchés boursiers.

Troisième élément : la montée de SYRIZA

SYRIZA est un parti à la gauche du PASOK qui s’oppose à la signature du mémorandum et veut qu’une partie de la dette grecque soit annulée. En 2009, il atteignait 4,60 % des voix. En 2012, 16,77 %. Il devient le 2e parti et gagne 12,17 % de voix.

SYRIZA est un parti proche du Front de Gauche Français, à une différence près, essentielle en l’occurrence : le parti communiste grec, le KKE n’en fait pas partie. Les conséquences de cette absence du KKE ne sont pas sans importance.

Le total des voix de SYRIZA et du KKE (8,67 %) atteint 25,44 % des suffrages et 78 sièges. S’ils avaient présenté une formation commune, elle aurait été la première formation grecque (loin devant Nouvelle Démocratie) et aurait obtenu la prime de 50 sièges supplémentaires.

Avec 128 sièges, ils n’auraient pas atteint la majorité, mais ils auraient pu passer un accord avec la Gauche démocratique (19 sièges) qui veut renégocier le mémorandum et, peut-être, réussi à faire bouger les députés du PASOK qui doivent sans doute commencer à comprendre combien leur orientation est suicidaire, pour eux-mêmes, leur parti, la gauche grecque et même la démocratie grecque.

|Partis représentés au Parlement % de voix Nombre de sièges

|Aube dorée|6,97 %|21|

|Grecs indépendants|10,60 %|33|

|Nouvelle Démocratie|18,87 %|108 (58 + 50)|

|PASOK|13,19 %|41|

|Gauche démocratique|6,10 %|19|

|Syriza|16,76 %|52|

|KKE|8,47 %|26|

Le prix payé par le Pasok s’ajoute aux prix payés par les socialistes espagnols et portugais.

Qui capitule devant les exigences des intégristes néo-libéraux, qui accepte l’austérité imposée par les requins des marchés et des banques, est sanctionné par son peuple.

Papandréou n’a pas envisagé de résister et de défendre son peuple, il a même essayé de « profiter » de la crise pour liquider nombre de droits sociaux, sans oser s’en prendre à l’oligarchie qui, elle, était coupable de tout ce qui arrivait. Il a connu une forte résistance dans le Pasok, mais celle-ci après avoir rassemblé jusqu’à 60 députés, s’est usé, puis divisée : lorsque Papandréou a renoncé au « referendum » qu’il avait promis, lorsque Sarkozy et Merkel ont imposé le 9ème plan de destruction social de la Grèce, il n'y a qu'une douzaine de députés PASOK qui ont voté contre le deuxième memorandum. Ils ont été exclus du groupe parlementaire du PASOK par Papandréou qui été écarté à son tour de la tête du gouvernement par Papadêmos et de la direction de PASOK par Vénizélos ! C’est une tragique déroute qui doit servir de leçon. Car cela arrivera inéluctablement à tout autre parti membre du Parti socialiste européen (PSE) qui prendra la même voie. À quoi ça sert d’être socialiste, de gauche, de gagner les élections, de promettre le changement si c’est pour exécuter les volontés de Merkel, de la BCE, du FMI ?

Voilà la leçon grecque. Le refus de l’austérité, le refus de capituler devant les requins des banques et des marchés doivent aller de pair avec l’exigence de l’unité de la gauche, là-bas comme partout en Europe.

Jean-Jacques Chavigné

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