GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Elections européennes

Pour une liste unique de la gauche sociale et écologiste

Partir seul au combat pour préserver ses élus ? Et au prétexte que se présenter divisés devant la population serait rentable électoralement ? La GDS fustige ce genre de postures qui spéculent sur des sondages guère probants, voire orientés, et qui fragilisent notre bien commun qu’est la NUPES.

Les élections européennes se tiendront le 9 juin 2024. Les 79 membres français du Parlement européen sont élus au scrutin proportionnel sur un seul tour dans une unique circonscription nationale. En 2019, 34 listes se sont présentées aux élections européennes. Seules six ont obtenu le minimum de 5 % nécessaire pour obtenir des eurodéputés.

Sénatoriales en ordre dispersé 

À ce jour, l’alliance des gauches sociales et écologistes de la NUPES, issue des législatives de 2022 paraît bien mal en point, malgré la violence des politiques néolibérales du gouvernement, malgré la menace de l’union des droites et d’extrême droite.

La séquence des sénatoriales du 24 septembre 2023 s’inscrit dans ce contexte de division. Certes on peut considérer que ce n’est qu’une élection partielle qui ne renouvellera que 170 des 348 sénateurs et dont le corps électoral se réduit aux 162 000 grands électeurs. Mais il ne faut pas sous-estimer cette division, car elle contribue aux déchirements internes à la NUPES. Pour cette élection, il est plus facile aux sénateurs sortants de manœuvrer et de peser sur les appareils de leurs partis en faisant valoir leur notoriété et leurs réseaux locaux. On le constate avec les sénateurs PS qui dans leur majorité sont opposés à la ligne de Olivier Faure et espèrent l’explosion de la NUPES. La direction du PCF en rajoute en cherchant des accords avec les proches de Carole Delga ou de Bernard Cazeneuve, afin d’écarter la France insoumise qui a peu d’élus locaux. La direction de EELV, qui aussi ne peut compter que sur peu d’élus, s’est inscrite dans cette logique d’exclusion pour préserver ses sortants et mieux affaiblir la FI avant les européennes de 2024. Pourtant les prétentions de la FI étaient tout à fait modérées voire dérisoires en ne demandant qu’un poste de sénateur éligible au niveau national. Tout cela aboutit à un accord partiel entre PS, PCF et EELV et ne concerne que peu de départements (voir l’intervention de la GDS, p. 6).

Condamnés à la division ?

C’est un coup de couteau contre la NUPES et un message catastrophique avant les européennes de 2024, les municipales de 2026, puis la présidentielle et les législatives de 2027. Il faut replacer cette élection, non pas seulement du point de vue de l’arithmétique électorale, mais aussi – et peut-être surtout – dans le cadre de la nécessaire dynamique de rassemblement des salariés autour de la NUPES. Capituler, démissionner devant une division mortifère assurerait au RN, crédité de 24 à 27 %, d’être la première des listes. Cela ouvrirait la voie à une alliance des droites et de l’extrême droite aux prochaines élections présidentielle et législatives. Reconquête de Zemmour rassemblerait 5 à 7 % et Dupont d’Aignan 2 à 4 %, LR 8 à 12 %. L’alliance Renaissance-Modem-Horizon serait, elle, créditée de 20 à 26 %.

Par principe, la Gauche démocratique et sociale est pour renforcer la NUPES, pour créer un front permanent à toutes les élections s’appuyant sur un réseau de collectifs unitaires. Car le débouché politique aux mouvements sociaux notamment celui contre la retraite à 64 ans ne peut s’imposer que si l’alliance est crédible, durable et qu’elle s’appuie sur une dynamique démocratique ancrée dans les luttes et les actions communes. Les victoires électorales de la gauche sont généralement des effets différés des grandes luttes sociales à la condition qu’un front commun soit constitué.

Pour l’élection de 2024, on assiste à une théorisation ubuesque selon laquelle la division politique à gauche garantirait de meilleurs résultats qu’avec une liste commune ! Expliquant sur la foi de sondages biaisés que des listes indépendantes feraient plus de voix qu’une liste unitaire et qu’il y aurait donc plus de députés de la gauche sociale et écologiste.

Tout cela est une escroquerie évidente qui ne résiste pas à une analyse précise des rapports de forces.

Rappel des résultats de 2019

Cette année-là, la participation a atteint 50,12 %, soit un score largement supérieur aux 43 % du scrutin de 2014. 34 listes étaient en lice et seules six d’entre elles ont finalement dépassé la barre des 5 %. Le RN obtenait 23,34 % et 23 eurodéputés, LREM et le Modem 22,42 % et 23 sièges, EELV 13,48 % et 13 députés, LR et leurs alliés centristes 8,48 % et 8 députés, la France insoumise 6,31 % et 6 députés, le PS et Place publique 6,19 % et 6 députés.

Les 19,78 % restants se répartissaient notamment entre Debout la France (3,51 %), Génération.s (3,27), l’UDI et le PCF (2,5), le Parti animaliste (2,16) ou encore LO (0,78) … jusqu’à Neutres et actifs (0,01) ! On dénombrait enfin 555 033 votes blancs (soit 2,33 % des voix exprimées) et 520 533 votes nuls (2,19 %).

En 2019, aucune des listes de la gauche sociale et écologiste n’avait proposé l’union au-delà de leurs propres satellites. En 2024, le contexte a changé, l’aspiration à l’unité est plus forte que jamais, le puissant mouvement contre la retraite à 64 ans cherche toujours un débouché, notamment après la constitution (bien tardivement et dans la douleur), en 2022, de la NUPES.

En finir avec les postures !

Fin 2022, Marine Tondelier, secrétaire nationale de Europe Écologie Les Verts, exclut la possibilité d’une liste commune à la NUPES. Considérant leur bon score de 2019, les dirigeants de EELV spéculent sur une élection qui leur serait favorable. Le 10 juillet 2023, Marie Toussaint est élue tête de liste des écologistes par les militants pour les élections européennes de 2024, avec 59 % des voix, face à David Cormand qui sera en deuxième position sur la liste. Mais, en 2019, leur progression (13,48 %, contre 8,95 % en 2014) s’expliquait par le tassement du PS et par un contexte plus général de division de la gauche. Aujourd’hui, l’existence de la NUPES entretient une exigence unitaire autrement plus forte.

70 à 80 % de l’électorat de gauche soutient l’union dans le cadre de la NUPES. Le reste en critique les insuffisances, sans pour autant vouloir la division. On comprend mieux que, dans les derniers sondages, le score de EELV ne fait que se tasser pour plafonner à 10 %, voire un peu moins. La liste écologiste est donnée au même niveau que celles de la FI et du PS. La messe n’est pas dite, car l’aile gauche et les jeunes de EELV sont opposés à la division, si bien que le mouvement pour l’union risque de sanctionner les partis qui la refuseront.

Le 1er juillet 2023, Léon Deffontaines a été désigné, par le Conseil national du PCF, « chef de file » des communistes pour les élections européennes de 2024. Les adhérents du PCF décideront en octobre 2023 si leur parti présentera une candidature indépendante ou se joindra à une alliance. Rien n’est fait, même si Fabien Roussel s’enferme de plus en plus dans l’affrontement contre la NUPES, spéculant sur une érosion de la FI et de possibles rabibochages locaux aux municipales. Atteindre les 5 % est évidemment une chimère. Les sondages donnent généralement le PCF en dessous de la barre fatidique et, en 2019, il n’avait obtenu que 2,49 % des voix. Le vote pour le PCF apparaîtra vite comme un vote qui ne permet pas d’avoir des députés et accélérera sa chute, n’en déplaise aux sondages qui le créditent de 4, voire 5 %, mais un an avant l’élection.

À l’été 2022, plusieurs dirigeants de la NUPES, dont Pierre Jouvet du Parti socialiste, avaient défendu la nécessité d’une liste commune pour ces élections européennes. Mais sous les coups de boutoir de son aile droite la direction du PS semble accepter une liste autonome avec quelques satellites comme Place publique ou le PRG. Cette hésitation est renforcée par la préparation des élections sénatoriales. Pourtant, Olivier Faure et sa majorité sont condamnés à reprendre la main s’ils ne veulent pas être minorisés. Depuis le dernier congrès, l’affrontement interne est d’une rare violence pour vaincre la ligne pro-NUPES du PS, pour briser la NUPES. L’alliance entre les conventionnels sauce Cazeneuve et Delga-Hollande fédère les anciens barons discrédités et garde une capacité de nuisance même si beaucoup de ces derniers peuvent le payer lors de prochains scrutins locaux.

Pour justifier la division, les instituts de sondages survalorisent à 4 ou 5 % les diviseurs sociaux-libéraux et les diviseurs écologistes comme Génération Écologie. Ils ne les font apparaître que dans le cas d’une liste commune NUPES. LO et NPA sont quant à eux crédités de 1 à 2 %, voire 3 %. Ces chiffres sont bien suspects et servent aussi la division. En 2019, LO était pressentie à hauteur de 2 % et ne recueillit au final que 0,78 % des voix. Le NPA est aujourd’hui éclaté en deux partis et semble incapable de présenter une liste. LO a sans doute la volonté de se présenter malgré l’absence de toute prise en charge des frais.

La France insoumise, contrairement à sa tactique de 2019, propose une liste commune avec une tête de liste EELV. Le reste de la composition est à discuter. Ses dirigeants ont fort justement insisté sur l’importance de l’union pour faire face aux néolibéraux et pour mieux préparer les échéances électorales suivantes. Ce positionnement tactique unitaire peut créer une dynamique en sa faveur et une érosion au détriment des autres listes qui refusent l’unité.

D’autres partis tels que la GDS évidemment, mais aussi Génération.s, Ensemble ! la GES, le POI, Nouvelle Donne… se prononcent pour une liste commune. Il reste à imposer cette perspective.

Division ou unité ?

Les différents sondages (Harris interactive, Ifop, Cluster, Elabe et Ipsos) donnent dans le cas de listes autonomes 2 à 5 % pour le PCF, 8 à 11 % pour la FI, 9 à 11 % pour EELV, 9 à 10 % pour le PS et enfin 1 à 2 % pour LO et le NPA. Mais, au fil des semaines, plus la division se dessine, plus le score de chaque parti se tasse. Toujours selon ces organismes de sondages, une liste commune NUPES ne ferait que 24 à 27 %, en faisant apparaître un PS dissident à 5 % et Génération Écologie à 6 % alors que son score de 2019 atteignait péniblement les 1,8 %.

Ces sondages sont orientés en fonction de la question qui est posée. Et, on le constate déjà, la division érode chaque score ne laissant que EELV, la FI et le PS au-dessus de 5 %.

Une campagne unitaire menée sur plusieurs mois, fédérant les partis, des réseaux syndicaux, des réseaux militants issus des mouvements sociaux, permettrait de rassembler largement, les soutiens de chaque parti et aussi de nombreux abstentionnistes pour atteindre a minima 35, voire 40 %, soit un total de 32 à 37 députés. Bien plus évidemment que le nombre de sièges annoncé avec des listes divisées qui ne serait que de 18. Et cela en se basant sur les sondages actuels et en ignorant l’abstention ou le vote sanction des électrices et des électeurs qui pesteraient contre la division.

Le succès d’une liste unitaire est que soit menée une réelle campagne unitaire et qu’elle ne se réduise pas à des manœuvres visant à plumer la volaille électorale des concurrents.

Mener une campagne commune

Dès septembre 2023, les mouvements politiques partisans d’une liste commune devraient se rencontrer et constituer un collectif national d’animation lançant un appel pour « l’union aux Européennes », pour une Europe sociale, écologique et démocratique. Ce front pourrait prendre de multiples initiatives relayées par des collectifs locaux, exigeant que tous les partis de la gauche sociale et écologiste scellent un pacte unitaire. Des centaines de milliers de salariés et de jeunes pour une liste unitaire.

En se rassemblant sans attendre, sans subir la division, il est possible d’organiser tous ensemble des réunions publiques, des colloques, des diffusions de journaux et de publications communes dans les marchés, devant les entreprises, dans les communes et les cités.

Tout est une question de volonté politique mais aussi de démarche réellement unitaire veillant à expliquer que le projet commun existe et que nous pouvons convaincre avec pédagogie, optimisme et empathie des millions de salarié.e.s. Parmi eux des millions de jeunes, d’abstentionnistes mécontents et désorientés peuvent découvrir qu’une perspective existe. Cela changerait l’issue des combats sociaux et sociétaux.

Cet article de notre camarade Jean-Yves Lalanne a ét épublié dans le numero 307 (septembre 23) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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