GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Elections européennes

Européennes : les leçons d'un scrutin

La « vague brune » – dont le spectre a été brandi cyniquement par Macron pendant toute la campagne pour conserver son électorat de gauche – nʼa pas eu lieu. Reste que les élections du 26 mai dernier ont été le cadre dʼune nouvelle poussée des droites nationalistes et populistes sur le continent. Jamais, dans sa courte histoire, le Parlement européen n’a autant penché à droite. Et pourtant, jamais une solution de gauche n’a été si nécessaire et indispensable pour répondre aux urgences sociales, écologiques et démocratiques.

Si, depuis les dernières années, ses États-membres sont accoutumés aux séismes politiques internes, force est de constater que, malgré lʼaggravation de sa crise, lʼUnion nʼa pas été le cadre du bouleversement électoral que dʼaucuns prédisaient le 26 mai dernier. Le récent scrutin est toutefois gros de trois leçons politiques qui doivent être bien comprises par celles et ceux qui se réclament des intérêts du salariat.

Trois leçons essentielles

Le premier fait notable, cʼest le net recul des deux groupes politiques qui structurent depuis 1979 le débat parlementaire européen. Le Parti populaire européen (PPE) perd en effet 37 strapontins, suite à lʼéchec retentissant des Républicains, du PP espagnol et de la droite italienne. Quant au Parti socialiste européen (PSE), flanqué de ses alliés du groupe S&D, il recule de 32 sièges –  les succès du PSOE, voire du PD italien, ne suffisant pas à compenser les mauvais résultats du SPD, du PS et du Labour.

Le deuxième fait marquant du scrutin, cʼest la forte progression des Verts européens, qui gagnent 22 sièges grâce au bond en avant de EELV et des Grünen, mais aussi des Libéraux (ADLE) qui obtiennent 37 députés de plus que lors de la dernière mandature, grâce à lʼapparition de LREM sur la scène européenne et au bon score des Lib-Dem britanniques. La troisième leçon des élections du 26 mai dernier, cʼest enfin la poussée relative, mais bien réelle, des droites nationalistes, ultra-conservatrices et populistes.

Pas de déferlante

Les extrêmes droites européennes réunies obtiennent 23,5 % des suffrages, soit pratiquement une voix sur quatre (+ 1,5 % par rapport aux européennes de 2014). Les victoires de Salvini en Italie, du RN en France, ou encore du Parti du Brexit et du revenant Nigel Farage dans un Royaume-Uni sur la sellette – voire des ultra-conservateurs en Pologne et en Hongrie – ont pu faire croire à un triomphe des formations de droite extrême sur lʼensemble du continent. Un examen approfondi des faits prouve quʼil nʼen est rien.

Matteo Salvini plastronnait le soir des résultats, devant ses partisans réunis à Milan, en arguant quʼ« une nouvelle Europe [était] née ». Au final, les formations se situant à la droite du PPE obtiendraient – tant que le Royaume-Uni reste dans lʼUnion – 176 sièges, soit 21 de plus que lors des européennes de 2014. Cʼest un bond en avant indéniable. Mais les droites extrêmes nʼont pas renversé la table puisquʼelles ne parviendront pas plus quʼavant à faire basculer en leur faveur la majorité à Strasbourg.

Ce scénario est dʼautant plus éloigné que les droites nationalistes et populistes européennes sont divisées en trois groupes. Si le groupe Europe, Nations et Liberté (ENL) [sic], rebaptisé Identité et démocratie (I&D) [re-sic], double son score grâce aux victoires de la Lega et du RN, celui des conservateurs eurosceptiques (ECR) en abandonne 13 – le bon score du PiS polonais ne contre-balançant pas lʼeffondrement des Tories britanniques. Quant au groupe Europe de la Liberté et de la Démocratie directe (EFDD), il profite de la « divine surprise » quʼa été pour les souverainistes le triomphe du Parti du Brexit au Royaume-Uni, mais souffre nettement de la concurrence du groupe I&D. Reste que, malgré lʼattractivité quʼexerce leur regroupement qui sʼinstalle dans la durée, Salvini et Le Pen ne sont pas parvenus à créer un « super groupe » des souverainistes à Strasbourg – un échec scellant la reconduction de la division des droites extrêmes européennes.

Dans notre camp ?

Aux mauvais résultats du PSE, il convient dʼadjoindre ceux de la gauche radicale. La GUE passe en effet de 52 à 41 membres, en raison des (très) mauvais résultats du PCF, de la FI et de Die Linke, mais également des scores décevants du Bloco portugais, de Podemos, voire de Syriza. Elle constitue désormais le septième et dernier groupe au Parlement – et non plus le cinquième comme lors de la mandature écoulée. Elle est par ailleurs en pleine crise, comme le prouve le report de lʼélection de son ou sa président(e) à la mi-juillet.

Dernière donnée de la recomposition à gauche : la montée généralisée de l’écologie politique. En Allemagne et en France, pour la première fois, les partis écologistes arrivent largement en tête de la gauche. Au Royaume-Uni, le Green Party a réuni 12,1 % des voix (contre 14,1 % pour le Labour de Corbyn), auxquelles il conviendrait de rajouter les 3,34 % du SNP (nationalistes écossais) et les 1,73 % du Plaid Cymru (nationalistes gallois) qui siègent avec les Verts à Strasbourg.

Les Verts européens enregistrent une progression entre 17 et 26 sièges – en fonction des affiliations au groupe qui doivent encore être confirmées –, ce qui représente une croissance de 33 à 50 % (le groupe disposait de 52 sièges lors de la précédente mandature). La plupart des commentateurs ont désigné les Verts comme les grands gagnants de l’élection à l’échelle européenne et leur prédisent un rôle pivot dans le nouveau Parlement. Lʼavenir nous le dira.

Cet article de notre camarade Jean-François Claudon (publié sous le titre de "approfondissement de la crise européenne") est à retrouver dans le dossier du numéro de l'été 2019 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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