GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Syndicats

Entretien avec Maryse Dumas

Dans cet entretien avec D&S, Maryse Dumas (secrétaire confédérale de la Cgt) détaille les orientations et priorités de son organisation.

Elle insiste sur la démocratie sociale et sur la nécessaire modification des règles de représentativité syndicale.

Quelles sont les priorités revendicatives mises en avant par la Cgt actuellement ?

Indissociablement les salaires et l'emploi. La précarité gagne toutes les catégories professionnelles et tous les statuts d'emplois. Elle n'est pas seulement le résultat d'un contrat de travail plus ou moins temporaire, elle est également liée à l'incertitude du lendemain, à la difficulté à s'inscrire dans un projet de vie du fait soit de l'ampleur du chômage, soit de la crainte de perdre son emploi, soit de la difficulté à vivre avec un salaire insuffisant dont une partie de plus en plus importante est aléatoire. La Cgt ambitionne de conquérir un nouveau statut pour le travail salarié dont l'objectif est de créer un niveau commun élevé de garanties interprofessionnelles pour les salariés, leur permettant de progresser et de transférer tout au long de leur carrière professionnelle des droits, transférables et cumulables d'une entreprise à l'autre, d'une profession à l'autre. L'objectif est de protéger les salariés du "risque" que toutes les politiques actuelles visent à transférer du capital sur le travail. Il s'agit aussi de reconstruire du collectif et du commun dans un salariat marqué par les mises en concurrence que lui imposent les politiques libérales.

Comment la Cgt compte intervenir dans un premier semestre 2007 marqué par des échéances politiques majeures ?

A la manière d'un syndicat, c'est-à-dire en ne déléguant pas aux échéances politiques, si importantes soient elles, la réponse aux problèmes. Par des luttes fortes et nombreuses les salariés, les chômeurs, les retraités sont en capacité d'obtenir des avancées sur leurs revendications à condition de les exprimer dans des actions massives et rassembleuses. C'est aussi par ces mobilisations revendicatives qu'ils contribueront le mieux à ce que les questions sociales soient au centre de la campagne électorale et à ce qu'elles obligent les différents candidats à situer leurs propositions en réponse aux exigences sociales. Naturellement au début 2007, la Cgt décidera de la manière dont elle fera connaître ses propres exigences, en respectant sa ligne d'indépendance syndicale et de non co-élaboration d'un programme électoral quel qu'il soit.

Quelles sont les principales décisions prises par la Cgt lors de son congrès tenu en avril dernier ?

25 décisions ont été prises que je n'ai pas la place de présenter ici. Pour résumer, disons que la Cgt affirme son ambition de conquérir le plein emploi et le progrès social, en approfondissant sa démarche syndicale, bien sûr (proposition, contestation, rapport de forces, négociation, consultation des salariés etc.), en recherchant les rassemblements unitaires les plus larges avec les autres organisations syndicales et aussi avec le monde associatif, mais aussi en tentant des réponses nouvelles aux défis actuels : transformation du travail, mises en concurrence à l'échelle nationale et internationale, éclatement de la condition salariale. Il y a une certaine adéquation entre les réponses que nous voulons construire en terme de statut du travail et de sécurité sociale professionnelle et la manière dont nous voulons avancer dans l'évolution de nos structures syndicales pour les rendre plus efficaces et plus solidaires et aussi la réforme de la répartition des cotisations syndicales. Le fil conducteur de ce congrès est sans conteste la recherche d'approfondissement de la démocratie syndicale aussi bien en interne que dans les rapports du syndicalisme aux salariés, et plus généralement de la nécessaire conquête d'une vraie démocratie sociale sans laquelle la démocratie politique et citoyenne n'est que l'ombre d'elle même.

Au plan mondial comme au plan européen, le syndicalisme se rassemble. Peu-t-on espérer un tel rassemblement en France ?

Le rassemblement du syndicalisme à l'échelle internationale est un évènement de grande portée qui aura des répercussions dans tous les pays et pour toutes les centrales syndicales nationales. Il contribuera sans aucun doute à des rapports plus naturels et réguliers entre les centrales françaises, comme y a déjà participé la Confédération Européenne des Syndicats. Mais je crois à la vérité de dire que cela ne suffira pas. Tant que subsistera en France un système de représentativité syndicale, et de règle de validité des accords collectifs, qui assoit la légitimité syndicale plus sur le bon vouloir patronal à l'égard de telle ou telle organisation que sur les préférences des salariés exprimées dans leur vote, les possibilités d'unité syndicale resteront limitées en France. C'est ce qui explique que tant de forces au plan syndical bien sûr, mais aussi au plan politique et surtout patronal soient si hostiles à ce que la représentativité et la légitimité syndicales découlent du vote des salariés. Le patronat aurait moins de possibilités de faire son marché parmi les organisations syndicales et d'utiliser les divisions à son profit. Le syndicalisme serait également plus fort en étant plus légitime, il serait plus à même d'imposer ses propositions et de faire entendre l'exigence sociale. La question de la démocratie sociale est un enjeu majeur de la période qui s'annonce.

Propos recueillis par Eric Thouzeau

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