GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

Égalité femmes-hommes : grande cause nationale ?

« La Cour des comptes juge sévèrement la politique d’égalité femmes-hommes du gouvernement » (Les Échos) ». « La Cour des comptes étrille la politique sur l’égalité femmes-hommes sous Emmanuel Macron » (Libération). « Égalité hommes-femmes : la violente charge de la Cour des comptes contre la politique de l’État » (Le Figaro).

La sortie d’un rapport de la Cour des comptes sur la « politique de l’égalité entre les femmes et les hommes menée par l’État », ainsi salué par la presse, est bienvenue face à l’attitude d’auto-satisfaction perpétuelle affichée par Macron, alors que la liste les féminicides continue chaque semaine à s’allonger. Dès le sous-titre, le ton est donné « Des avancées limitées par rapport aux objectifs fixés ».

Rendu public le 14 septembre, ce rapport met en lumière tous les artifices de communication, les biais de présentation des chiffres… Bref, tout ce qui fait bondir, à chaque communication gouvernementale, toutes celles et tous ceux qui agissent sur ce terrain. Et des communications, il y en a eu, dès l’entame du premier quinquennat, par la promulgation de l’égalité femmes-hommes au rang de grande cause nationale, annonce réitérée en 2022.

« Toutefois, constate le rapport, la désignation comme “grande cause nationale” de l’égalité entre les femmes et les hommes ne s’est pas traduite par la définition et la déclinaison d’une stratégie globale continue ». Tout en reconnaissant que « les temps forts et annonces ont donné une visibilité à la question ».

Absence de stratégie globale

Après avoir énuméré la multiplication « de [ces] nombreux temps forts et l’annonce de mesures lors de dates symboliques comme le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, et le 25 novembre », le rapport note : « Ces initiatives n’ont pas été consolidées en une feuille de route unique qui aurait été suivie régulièrement à un niveau interministériel. En outre, le comité interministériel biannuel qui devait en assurer le suivi ne s’est jamais réuni ». Et encore : « Les objectifs et mesures définis se sont ajoutés les uns aux autres, plus qu’ils ne se sont articulés, malgré des propositions faites en ce sens par le service des droits des femmes ».

Une approche globale, c’est pourtant ce pourquoi se bat le mouvement féministe, à l’instar de ce que l’Espagne a introduit en 2004 (oui, 2004 !) avec la « loi organique relative aux mesures de protection intégrale contre la violence de genre. » Cette approche, qui a permis à l’Espagne de connaître des résultats remarquables sur les baisses des violences, partait de ce principe : « La violence de genre n’est pas un problème qui affecte la sphère privée. Au contraire, elle représente le symbole le plus brutal de l’inégalité existant dans notre société. Il s’agit d’une violence qui est exercée sur les femmes en raison de leur simple condition de femmes, parce que leurs agresseurs considèrent qu’elles sont dépourvues des droits élémentaires de liberté, de respect et de capacité de décision. […] Cette loi cherche à apporter une réponse globale à la violence qui est exercée sur les femmes » (préambule de la loi).

En France, cet empilement de mesures tourne le dos à une véritable politique globale.

De la com’, encore de la com’ !

Nous connaissons bien la culture de communication développée par ce gouvernement qui multiplie et empile les annonces ; la Cour des comptes juge sévèrement cette pluie d’annonces qui ne sont ni chiffrées, ni précises : « D’une façon générale, les mesures prises ne tiennent pas assez compte des exigences liées à leur mise en œuvre. Les unes sont inapplicables car non fondées sur une étude de faisabilité. Les autres ne répondent pas nécessairement aux besoins par absence d’analyse préalable. D’autres encore ne sont pas assorties de moyens, de calendrier de réalisation, d’indicateurs de résultats ou encore de cibles, et sont donc difficiles à suivre. Dans ce contexte, des mesures sont parfois abusivement considérées par l’État comme étant réalisées ».

La Cour des comptes illustre ses propos d’un tableau de mesures annoncées le 8 mars 2018 ou lors du Grenelle des violences conjugales, ou encore en novembre 2019. La plupart de ces mesures ont été annoncées comme réalisées par le service du droit des femmes, alors que la Cour constate, elle, des réalisations très partielles et dans de nombreux cas indique une absence d’indicateurs de suivis permettant leur évaluation. Ou même pas de réalisation du tout, comme c’est le cas par exemple de l’annonce de la mise en place d’une sensibilisation obligatoire sur la prévention des violences conjugales dans le cadre du Service national universel (SNU).

Hébergement pour les victimes de violences

En matière de lutte contre les inégalités femmes-homme comme dans beaucoup d’autres, il n’est pas de bonne politique sans une véritable évaluation des besoins. Dans bien des cas, souligne d’ailleurs le rapport, les mesures « ne sont pas fondées sur un diagnostic précis des situations et des besoins, de sorte que la réalisation d’un éventuel objectif chiffré ne permet pas de conclure à la réussite d’une politique publique ».

C’est en particulier le cas de la question primordiale de l’hébergement des femmes victimes de violence. Il est noté que cette mesure de créations de places n’a pas bénéficié d’un diagnostic préalable et que si « un effort particulier a été réalisé en faveur de la création de places d’hébergements pour les femmes victimes de violences […], il n’est pas avéré que l’offre suffise à répondre au besoin, preuve en est le financement, en 2021, d’1,6 millions de nuitées en hébergement ». En outre, ces prises en charge « ne respectent […] pas toujours les critères recommandés pour une mise en sécurité des femmes. Parmi ces places, la très grande majorité concerne des dispositifs d’hébergement temporaires, plus rarement des logements durables ».

En guise de conclusion, il n’est pas inutile de reprendre celle du rapport lui-même : « L’État a annoncé le 8 mars 2023 un nouveau plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027. […] Mais, dans l’ensemble, est reproduit le même schéma consistant en annonces de principe censées répondre à des besoins encore mal identifiés. […] La réussite de ce nouveau plan sera fonction de la capacité, d’une part, à tenir l’engagement d’en assurer le suivi au niveau interministériel le plus élevé et, d’autre part, à ne pas privilégier seulement les mesures de court terme ».

 Cet article est la version longue de l'article de notre camarade Claude Touchefeu, publié dans le numéro 308 (octobre 23) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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