GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Des casseurs sʼen prennent à la Fonction publique

On le sait, le Grand débat a servi dʼécran de fumée pour cacher – avec un certain succès, il faut le reconnaître – ce que le gouvernement Macron continue de détruire : les systèmes de solidarités pour lesquels les salariés qui nous ont précédés se sont battus, et qui ont fait jusquʼici la singulière richesse de notre pays. Faut-il dès lors sʼétonner que ces thuriféraires du marché libre aient décidé de sʼen prendre tout particulièrement à ce quʼils abhorrent par dessus tout : le statut de la Fonction publique ?

Malgré le mouvement social en cours, Macron et ses députés ont en décidé la disparition pure et simple de ce socle de la République que constitue le statut de la Fonction publique, établi en 1946 par Maurice Thorez au temps de la CGT unifiée et renforcé par Anicet Le Pors sous le gouvernement Mauroy en 1983-1984. Le projet de loi rédigé par Bercy devrait passer devant lʼAssemblée nationale avant cet été. Il est tout bonnement catastrophique.

Précarité accrue

Il vise à faire grandir et à généraliser la précarité dans la Fonction publique. Aujourdʼhui encore, le statut prévoit que le fonctionnaire est titulaire de son poste ; demain, le recours au contrat sera facilité et aura pour effet de porter atteinte à la neutralité dans le recrutement des agents publics. Cette exigence dʼindépendance sera donc à la merci dʼun clientélisme politique encore plus pressant. Un fonctionnaire a le devoir de ne pas obéir à un ordre illégal de nature à compromettre lʼintérêt public. Quʼen sera-t-il si la précarité de sa situation devait lui faire renoncer à cette exigence républicaine ?

Aujourdʼhui, déjà plus de 70 % des contrats à durée déterminée dans la Fonction publique territoriale (FPT) sont conclus pour moins dʼun an. Cette précarité accentue les inégalités entre les hommes et les femmes lesquelles sont les plus concernées, puisquʼelles représentent 62 % des contrats précaires dans lʼensemble de la Fonction publique (voir lʼarticle page suivante).

Le projet de loi prévoit bien pire, avec les contrats dit « de projet » qui ne déboucheront ni sur des contrats à durée indéterminés, ni – et encore moins – sur une hypothétique titularisation.

Mesures anti-républicaines

Lʼensemble de ces mesures met à mal lʼégalité dʼaccès à la Fonction publique qui aujourdʼhui encore est garantie, peu ou prou, par le principe républicain du recrutement par concours. Quʼen sera-t-il demain si le recrutement nʼobéit à aucune règle objective autre que celle dʼune flexibilité outrancière de lʼemploi ?

Cette précarité croissante sʼaccompagne dès aujourdʼhui dʼune augmentation de la souplesse des rémunérations enlevant la garantie de traitement équitable pour tous les agents. Ainsi revient en force la rémunération dite « au mérite », cheval de bataille de tous ceux pour qui la Fonction publique et les fonctionnaires ont toujours constitué une cible privilégiée, comme pour distraire lʼopinion et sʼexonérer des vrais enjeux qui touchent notre pays.

Le statut prévoit aujourdʼhui des grilles de rémunération équitables tenant compte des grades, eux-mêmes issus des qualifications des agents. Le mérite individuel nʼest quʼun leurre pour favoriser un traitement à la tête du client, à la merci dʼune hiérarchie qui aura tôt fait de profiter dʼun pouvoir discrétionnaire étendu.

Pourquoi ne pas faire confiance plutôt à la formation, aux qualifications, aux diplômes nationaux, à la formation initiale et continue ?

Restructurations à venir

Tout cela se fait dans un contexte dʼune volonté gouvernementale de suppression de 120 000 emplois publics pour le quinquennat. La réforme des commissions administratives paritaires contenue dans le projet de loi sʼaccorde précisément à ôter les moyens de concertation (cf. article 3 du projet), pour rendre plus faciles les mobilités professionnelles imposées que ne manqueront pas dʼentraîner les restructurations dans les diverses administrations.

La crise des Gilets jaunes montre, sʼil en était besoin, que les corps intermédiaires et les organes de concertation peuvent être utiles pour éviter les confrontations brutales et violentes. Le gouvernement pourtant continue pourtant à nier cette réalité.Le projet de loi prévoit en effet une attaque supplémentaire contre la démocratie sociale en fusionnant le Comité technique (CT) et le Comité dʼhygiène et de sécurité (CHSCT) dans une instance unique, le Comité social d’établissement ou de collectivité.

La représentation des personnels sera donc moindre, notamment dans le domaine vital de lʼhygiène et de la sécurité, ce qui sera accompagné mécaniquement dʼune diminution drastique du droit syndical, à lʼinstar de ce qui vient de se produire dans le secteur privé avec la réforme, là aussi, des instances représentatives du personnel.

Lʼenjeu des services publics

Derrière la question du statut se cache lʼenjeu de lʼaccès pour tous à des services publics de qualité. La réforme en cours ne fera que renforcer et faciliter la privatisation de ces services, comme ceux de lʼhôpital public ou des Ehpad relevant de ce secteur par exemple, pour les intégrer dans une financiarisation toujours plus vorace au mépris de lʼintérêt général.

Macron et son gouvernement continuent de faire passer en force une politique du pire, dangereuse pour la démocratie et ultra-minoritaire dans la population en recourant, comme de juste, à une répression policière particulièrement violente, qui elle-même fait le jeu des « casseurs ».

Le pouvoir actuel continue de faire voter des lois régressives, sans honte, comme si la destruction de la république sociale, dʼune façon paradoxale, lui servait de cheval de bataille pour asseoir un pouvoir déjà bien établi par la constitution de la Ve République qui, manifestement, ne répond plus à lʼexigence dʼun État démocratique moderne.

Cet article de notre camarade Jean-Marc Gardère a été publié dans le numéro d'avril de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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