GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

« Démocratie & Socialisme » et moi

Deux cents numéros, vingt années d’existence (d’abord sous le titre Démocratie Révolution entre 1992 et 1995), cela se fête. Je ne dérogerai pas à la règle avec cette tribune de circonstance, plus intimiste que de coutume. Je ne suis qu’une petite pièce dans les rouages de Démocratie Socialisme. Pour des raisons personnelles et politiques, je suis d’ailleurs condamné à le demeurer. Pourtant, D&S est une partie de ma famille politique, en tout cas, j’y ai mes habitudes et certains repères.

J’ai rencontré Gérard Filoche en 2001, à l’occasion d’une université d’été de la Gauche socialiste à Nantes. N’étant pas de la même génération et de la même région, nous militions dans le même parti, mais nous n’avions jamais eu l’occasion de nous croiser. Il est vrai que j’avais quitté la France dix années plus tôt, ce qui donnait à mon militantisme une dimension et une perspective encore plus décalée. J’avais rejoint le PS en 1989 depuis la LCR, de manière isolée. Les camarades de D&S ne rejoignirent le PS qu’en 1995. Nous étions donc issus d’horizons différents, mais formés à une matrice politique et idéologique commune.

L’objet de ce bref article n’est pas de revenir sur les péripéties, victoires et défaites de D&S depuis vingt ans - d’autres s’en chargeraient mieux que moi – mais de relever les éléments de force de D&S, qui en font a mes yeux un lieu de militantisme unique au PS, et une structure utile à l’ensemble de la gauche.

Le savoir-faire politique de D&S

Depuis le départ de Jean-Luc Mélenchon et de ses amis en 2009, D&S est le dernier courant organisé dans le moule et dans l’esprit du congrès d’Épinay. Dès le congrès de Rennes en 1990, on parlait d’« écuries présidentielles ». C’était encore l’époque où subsistait une forme de vie collective dans le PS. Depuis, c’est le règne des intrigues et des trajectoires personnelles de « chefs » dans lesquelles les militants n’ont aucun rôle à jouer. Et pourtant, D&S continue, avec une ferveur jamais tarie, à militer, former, éduquer, informer. Je ne prétends pas que D&S soit un collectif exemplaire sur le plan de la démocratie interne ou de l’action politique. Mais par rapport à toute autre microstructure socialiste, c’est un lieu où on fait de la politique avec sérieux et application.

La revue est la preuve de cet activisme inlassable. Certes, la majorité des articles est le fait de Gérard et d’une poignée de camarades. Ceci dit, dans tout courant politique, les rédacteurs sont toujours peu nombreux. La revue D&S est une vraie publication militante, où on aborde les questions politiques du jour, on y parle d’économie, de social (on y parle beaucoup du monde du travail, fait rarissime chez les socialistes aujourd’hui !), d’Europe, d’international. Les post-it Palestine de Philippe Lewandowski apportent un angle nouveau et fort sur la colonisation israélienne de la Palestine.

C’est au titre de l’international, qu’Éric Thouzeau, en 2005, m’a demandé de tenir une chronique, que je poursuis mensuellement depuis lors avec, de temps en temps, quelques absences. J’y traite des sujets et des pays que je connais le mieux : la social-démocratie, le PS, l’Union européenne, la Grande-Bretagne, la gauche marxiste et trotskyste. J’éprouve quelque réticence à aborder des questions que je maîtrise mal. En cela, je ne suis pas un rédacteur typique de D&S. Les autres camarades semblent avoir une connaissance encyclopédique de tout ce qui se passe dans le monde. Peut-être est-ce là une forme de réserve universitaire. D’ailleurs, je devine, qu’ici et là, certains trouvent mes articles trop « théoriques » et « pas assez militants ». Je pense au contraire que le militantisme passe par une couverture réaliste et désacralisée de l’événement. J’ai trouvé chez Jean-Jacques Chavigné et Pierre Ruscassie le même souci d’une réflexion militante reposant sur une objectivation des faits observés et une dose d’auto-critique. La clarté et le sens pédagogique des écrits de Pierre Ruscassie sont toujours une source d’intérêt politique et de stimulation intellectuelle.

Une utilité à la gauche

D&S est utile à la gauche. Je partage son ambition existentielle d’unifier les gauches en France. C’est mon plus petit dénominateur commun avec le groupe des camarades. Je suis moins convaincu par la théorisation d’un Front unique autour du PS, qui apparaît aujourd’hui de moins en moins crédible, tant ce parti s’est écarté de sa base électorale traditionnelle et tant le personnel qui dirige ce parti s’oppose farouchement à toute union des gauches. Si ce Front unique apparaît hors de portée, mieux vaut chercher des solutions externes au « parti pour lequel le plus grand nombre d’électeurs de gauche continue de voter ». La situation hégémonique du PS à gauche pourrait changer, et plus tôt que certains ne peuvent l’imaginer. Il suffit de regarder dans quelles conditions les partis sociaux-démocrates en Italie et en Grèce ont historiquement chuté.

Pour ma part, je n’y crois plus et j’ai quitté le PS en 2009. Je n’ai pas démissionné de D&S cependant, car je ne perçois pas ce groupe organiquement socialiste, comme étant intellectuellement socialiste. Comme personne ne m’a mis à la porte, j’y suis et j’y reste. Politiquement, cela se tient, car qui se souviendra dans cinquante ans du PS des Hollande, Ayrault, Valls, Moscovici, Valls, Cahuzac et consorts ? Ou alors, si on s’en souvient, ce sera pour de très mauvaises raisons ; ce qui, au rythme où vont les choses, est de l’ordre du possible.

Plus cruciale est, à mon sens, la contribution de D&S au combat unitaire de la gauche. Ce combat est souvent incompris et mal perçu à la gauche du PS. Pour certains, D&S est un groupe de « traîtres » ou de « collaborateurs » au social-libéralisme. C’est une erreur d’interprétation ou, pire, un procès d’intention. D&S n’est ni Cambadélis, Dray ou Jospin. Son action n’a rien à voir avec les bouffonneries « de gauche » d’un Montebourg.

L’ambition d’un rassemblement des gauches est réelle au sein de D&S. Aucun des personnages précités n’a cette ambition. Revendiquer, dans le PS blairisé d’aujourd’hui, que toutes les composantes de la gauche sans exclusive doivent s’unir pourra paraître à certains irréaliste ou naïf. Mais c’est une exigence de la praxis que peu de militants et cadres à gauche ont aujourd’hui à l’esprit. Car la révolution socialiste ne verra le jour que dans le cadre d’un rassemblement des gauches. Je ne crois plus que le PS puisse être le carrefour de cette unité ; mes camarades de D&S estiment au contraire que c’est à partir du PS que l’on pourra rassembler les gauches. C’est une divergence tactique importante, mais ce n’est pas un désaccord sur les objectifs de notre action politique.

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