GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

Démocratie locale et parité : la résistance des intercos

À la veille des élections municipales, qui verront également le renouvellement des instances intercommunales, il n’est pas superflu de faire le point sur la parité dans ces instances. Si la parité a acquis une légitimité et un statut de « normalité » au sein des conseils municipaux des villes, il n’en va pas de même au sein des conseils intercommunaux, qu’il s’agisse de simples syndicats intercommunaux ou des métropoles.

C’est en 2000 que la première loi sur la parité a imposé un nombre égal de femmes et d’hommes  sur les listes des candidats pour les élections municipales dans les villes de plus de 3 500 habitants sans toutefois contraindre à une stricte alternance. Celle-ci a été imposée par la loi du 31 janvier 2007, ainsi que l’obligation de respecter la parité entre les adjoint.e.s au maire.

La loi du 17 mai 2013 étend ces obligations aux communes de 1 000 habitants. Elle définit également les règles de fléchage entre les listes municipales et communautaires.

Loin de la parité !

Dans les EPCI (Établissements publics de coopération intercommunale) à fiscalité propre (communautés de communes, communautés d’agglomérations ou urbaines, métropoles), après les élections de 2014, puis l’application de la loi NOTRe qui a acté la fusion d’un certain nombre d’intercommunalités, les élues représentent aujourd’hui 34,6 % des conseillers communautaires. Notons que ce chiffre avant la loi de 2013 était d’environ 20 %. Seuls 18 % des conseils comptent plus de 40 % de femmes1.

Le plus grave est que cette légère progression ne se retrouve absolument pas dans les exécutifs de ces intercommunalités. Les femmes en sont quasiment absentes : leur nombre tombe à 20 % parmi les vice-présidents et sombre à 7,7 % parmi les présidents... En effet, le mode d’élection des exécutifs au sein des conseils ne comprend aucune disposition contraignante. Mais rien ne l’empêche non plus !  Aucun conseil n’a manifestement fait preuve d’un vrai volontarisme sur cette question.

Quant aux EPCI sans fiscalité propre (syndicats intercommunaux, syndicats mixtes), c’est simple : il n’existe pas de données. Mais comme il n’existe aucune forme de contrainte pour la désignation des représentants des communes au sein de ces organes, sans parler de la désignation de leurs présidents et vice-présidents, ces titres ne doivent pas souvent se décliner au féminin.

Pour une élection directe des intercos

En novembre 2018, le Haut conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes2 préconisait d’étendre aux communes de moins de 1 000 habitants – qui représentent 72 % des communes – le mode de scrutin paritaire prévu pour les communes de plus de 1 000. En effet on retrouve dans ces petites communes les mêmes chiffres de 35 % de conseillères et seulement 20 % d’adjointes.

Il préconisait également « l’élection du conseil communautaire au suffrage universel direct au scrutin de liste composée de candidat.e.s de chaque sexe, l’écart entre le nombre de candidates et de candidats ne pouvant être supérieur à un. Les listes seraient constituées avec des conseiller.e.s municipaux.ales récemment élu.e.s au sein des communes »2.

Quelle que soit la méthode, l’exigence d’une véritable élection directe des échelons intercommunaux s’est exprimée ces dernières années. Elle aurait permis d’avancer dans ce plus juste équilibre entre femmes et hommes mais aussi de (ré)introduire un lien démocratique aujourd’hui inexistant entre les habitants et les décisions métropolitaines.

En effet, comme le dit Gilles Pinson, enseignant-chercheur en sciences politiques à Bordeaux, « les intercommunalités montent inexorablement en puissance, en termes de compétences et de budgets, mais on constate leur déficit démocratique [...]. Dans l’intercommunalité, cela se passe à huis clos entre des élus qui masquent les arrangements qu’ils passent entre eux. C’est un consensus souvent assez mou, qui porte moins sur la construction d’une vision que sur un partage des ressources de l’intercommunalité : “Tu acceptes qu’on communautarise telle ou telle compétence et, moi, je tire la ligne de tram jusque dans ta commune”. Résultat, on neutralise l’espace intercommunal comme espace de redéfinition du bien commun »3.

Faire bouger des lignes

Faute de cette évolution législative, les prochaines élections ont de grandes chances de reproduire cette disparité. Sauf à ce que des engagements soient portés par des listes elles-mêmes qui exigeraient par exemple :

- que le poste de 1er.e adjoint-e soit réservé à une personne de sexe opposé à celui du maire ;

- que le poste de 1er.e vice-président-e de l’intercommunalité soit réservé à une personne de sexe opposé à celui de président ;

- que l’exécutif soit désigné avec l’objectif d’un équilibre femmes-hommes ;

- que, si la commune n’a qu’un représentant, ce ne soit pas obligatoirement le maire ;

- que les « conférences des maires », organes non décisionnels, soient composées de binômes maire + 1er.e adjoint.e par exemple, donc de deux personnes de sexe opposé (cf. proposition 1).

Aucune de ces dispositions n’est incompatible avec la loi actuelle. Chacune ne demande qu’un peu de volontarisme politique.

Cet article de notre camarade Claude Touchefeu a été publié dans le numéro de novembre de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

(1) Données du ministère de l’Intérieur en octobre 2017, qui portent sur les 1 266 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) recensés en février 2017, parmi lesquels 1 018 communautés de communes, 219 communautés d’agglomérations, 15 communautés urbaines et 14 métropoles.

(2) http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/parite/travaux-du-hcefh/article/intercommunalites-le-hce-appelle-a-legiferer-rapidement-pour-en-finir-avec-les#top#t1.

(3) https://www.mediacites.fr/interview/lyon/2019/09/30/election-directe-du-grand-lyon-en-2020-le-huis-clos-entre-elus-volera-en-eclats.

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