GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Écologie

Construire une politique énergétique cohérente

Construire une politique énergétique cohérente...

… Un enjeu central pour la bifurcation écologique et pour la santé

Le 3 novembre dernier plusieurs organisations écologistes* publiaient une tribune dénonçant la politique énergétique de notre gouvernement, à contre courant des exigences de la crise climatique et sociale. Elles pointaient notamment deux exemples éloquents, l’autorisation d’installation d’un terminal méthanier flottant au Havre pour importer du gaz fossile, et la relance du nucléaire. Pour elles, investir dans les énergies renouvelables et la rénovation rapide et performante des passoires énergétiques plutôt que dans le nucléaire est plus bénéfique pour le climat. Le 1er novembre, plusieurs organisations représentant 46,3 millions de professionnels de santé à travers le monde adressaient une lettre au président de la COP 28 pour réclamer une transition énergétique juste pour «sauver des vies». Dans leur texte, les communautés médicales appellent les pays à accélérer «la suppression progressive des énergies fossiles» de manière «juste et équitable», afin de «limiter le réchauffement de la planète, protéger la santé des effets dévastateurs des conditions météorologiques extrêmes».

Les scientifiques et spécialistes sérieux s'intéressant au sujet convergent : nos politiques énergétiques sont centrales dans notre capacité à réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre et à oeuvrer efficacement et dans la justice sociale pour le climat, mais aussi pour notre santé.

L'impact majeur des énergies fossiles et non renouvelables

La combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel) pour nos transports, notre chauffage, l’industrie,  est en effet responsable de 70 % des émissions de CO2. Elle est également responsable de la pollution atmosphérique aux particules fines qui provoque chaque année des centaines de milliers de décès prématurés dans le monde. En France, trois enfants sur quatre respirent un air pollué d'après l'UNICEF. Par ailleurs, 75% de l'énergie consommée dans notre pays est issue de sources non renouvelables et dépendante d'importations, y compris pour le nucléaire, utilisé pour produire 70% de notre électricité.

Construire un autre rapport à l'énergie

Au delà de la réduction des gaz à effet de serre, c'est la totalité de notre rapport à l'énergie qui doit être modifié pour faire face aux enjeux actuels.

Globalement, la consommation d'énergie a plus que doublé depuis 1973, dans une croissance parallèle à celle de nos PIB. Il n'est plus possible aujourd'hui d'envisager l'avenir avec une telle hausse de consommation, quelque soit la nature de l'énergie. Nous devons travailler autant sur la sobriété et l'efficacité énergétique que sur l'utilisation d'énergies renouvelables. Selon les scénarios de l'association Négawatt, il est possible sur cette base de diminuer la consommation d'énergie primaire de 10% d'ici deux ans, et même de la diviser par trois à l'horizon 2050, sans baisse de service ni de qualité.

Sortir de la soumission au « lobby des fossiles »

Or pour aller dans ce sens, l'un des premiers obstacles est la présence prépondérante du secteur privé, son « court termisme » et le poids de son lobbying, particulièrement pour les énergies fossiles. Pour mémoire, à la COP27 en Egypte, il y avait pas moins de 630 lobbyistes pour défendre les intérêts de l’industrie des fossiles. Combien cette année alors qu'Ahmed Al Jaber, le président de la COP 28, est aussi PDG de la compagnie pétrolière émiratie Adnoc ? Dans le même temps, les gouvernements rendent chaque fois plus difficile la participation de la société civile aux discussions. Au final, une absence de toute véritable remise en cause des énergies fossiles dans les accords des COP depuis l'origine !

La poursuite, voire le renforcement du financement de projets « fossiles » par les grandes banques, la poursuite de projets démesurés comme EACOP en Afrique, la poursuite des prospections, la construction du terminal méthanier au Havre, sont d'autres exemples bien concrets de cette toute puissance du « lobby des fossiles », et de son enfermement dans une logique de recherche de rentabilité à court terme.

Remettre les choses à l'endroit dans la définition de la politique énergétique

Il est primordial que la puissance publique reprenne une place centrale pour remettre l'intérêt général au cœur des politiques énergétiques. La question de faire de l'énergie un « Commun » est plus que légitime. Et constituer un puissant Pôle Public de l'énergie articulé avec le réseau de coopératives locales de production semble indispensable pour construire une capacité cohérente d'intervention et d'action, planifier et mettre en œuvre une véritable transformation écologique de notre modèle de production. Un tel pôle devrait s'appuyer sur une diversification des sources énergétiques, un développement de la recherche publique et des énergie renouvelables. Il permettrait de garantir un accès de tous, y compris les plus précaires, à l'énergie en agissant notamment sur la tarification (progressivité...).

Il permettrait également d'échapper aux logiques de rentabilité à court terme du secteur privé, et de mettre en avant la recherche de sobriété et d'efficacité énergétique. Redisons-le, il est impensable d'envisager l'avenir avec une poursuite des courbes actuelles du modèle productiviste. Ce levier de recherche de sobriété et d'efficacité impose d'opérer dans la complexité des systèmes qui interagissent. Agir sur l'aménagement du territoire en luttant contre la métropolisation galopante, sur les relocalisations d'activités et de services pour réduire les déplacements, sur le développement des transports collectifs et mobilités actives, sur l'isolation des bâtiments, sur une réorientation de notre modèle agricole et un changement de notre alimentation... Agir aussi sur une redéfinition démocratique des choix de productions essentielles.

Sortir progressivement de la dépendance au nucléaire

Dans cette perspective, la place particulière qu'occupe le nucléaire dans notre pays doit être interrogée. Nous avons besoin de technologies rapides à mettre en œuvre, porteuses de souplesse et d'adaptation aux évolutions climatiques, aux situations locales, de capacités d'investissements diversifiés, de résilience, d'un faible impact sur l'environnement et la bio diversité. Le nucléaire ne répond à aucun de ces critères. Le seul EPR pas encore en état de fonctionner a déjà demandé 15 ans de travail et des quantités colossales de béton. Nous ne savons pas comment vont pouvoir être refroidis les réacteurs avec la baisse des étiages et le réchauffement inédit de l'eau, nous ne savons pas gérer les déchets, nous ne savons pas comment résisteront les structures aux nouveaux aléas du climat, tempêtes surpuissantes et autres. L'extraction et le transport du combustible ont un bilan carbone élevé. Ils nous rendent dépendants de l'instabilité internationale. Un réacteur nucléaire est tout sauf souple dans sa gestion, a fortiori sur le plan démocratique. Bien sûr ceux qui existent accompagneront la montée en puissance des énergies alternatives sur leur durée de vie. Mais il semble indispensable de construire une sortie progressive de cette dépendance au nucléaire.

Avec la recherche de sobriété et d'efficacité, l'objectif de 45% d'énergies renouvelables à l'horizon 2030, avec la perspective des 100% en 2050 sont autant dictés par une volonté politique que par la nécessité de réalisations concrètes et urgentes en ce domaine... Urgence à laquelle tournent le dos Emmanuel Macron et la vingtaine de pays qui annoncent à la COP28 vouloir tripler la production d'énergie nucléaire d'ici 2050.

Cet article du 3 décembre 2023 de notre camarade Christian Bélinguier est la version longue d'un article publié dans le numéro 310 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauchhe démocratique et sociale (GDS).

* Alliance citoyenne, Alternatiba Paris, ANV-COP21, Attac France, Dernière rénovation, Greenpeace France, Les Amis de la Terre France, Notre affaire à tous, Réseau "Sortir du nucléaire", Youth for Climate Île-de-France et 350.org

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