GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Bon anniversaire, Alexis ?

Nous reproduisons ici un article de notre camarade Jean-François Claudon paru dans la revue Démocratie&Socialisme de février 2016.

Le 25 janvier dernier, Alexis Tsipras soufflait sa première bougie en tant que premier ministre. Il est bien loin le temps des espoirs suscités par la victoire électorale de Syriza, début 2015, puis par le triomphe du Non au référendum. Pourtant, six mois après la capitulation du gouvernement Tsipras face aux « Institutions », le pays, au bord de l’embrasement, s’élève de nouveau contre les mesures imposées par les intégristes de Bruxelles.

Un drapeau de Syriza déchiré et brûlé en pleine rue dans le nord du pays. Un ministre séquestré pendant une demi-journée par une foule déchaînée. Des exploitants agricoles agressant des députés et attaquant au volant de leurs tracteurs les permanences du parti au pouvoir. Des avocats, des médecins, des commerçants dans la rue, mais aussi des artistes et maintenant des retraités. Telle est la réalité sociale grecque ces dernières semaines... Comme le rappelle à juste titre Maria Malagardis pour Libération : « Tsípras a longtemps réussi à préserver l’image du "bon garçon" qui "fait ce qu’il peut". Plébiscité lors du référendum du 5 juillet, vainqueur une fois de plus des élections anticipées de septembre », il ne manquait pas « d’apparaître comme "le moindre mal" »(1).

Le martyr grec continue

Mais l’application progressive des principales mesures anti-sociales, imposées par le funeste accord du 13 juillet, a fait depuis l’automne son chemin dans la vie, puis la conscience de millions de travailleurs grecs. La nouvelle contre-réforme des retraites, exigée par les créanciers, risque bel et bien de mettre le feu aux poudres. Pour économiser sur ordre de Bruxelles 1,8 milliard d’euros, le gouvernement a en effet conçu pour les pensions un nouveau système à deux étages. La première partie sera forfaitaire et correspondra à 384 euros par mois – soit le seuil de pauvreté – pour 15 ans de cotisations à partir de 67 ans (40 ans à partir de 62 ans). La seconde partie sera déterminée par le montant des cotisations avec un taux de remplacement fixé à 55-60 % du salaire moyen de la carrière (contre 70 % actuellement).

Le gouvernement Tsipras défend cette mesure en faisant valoir que le taux de remplacement des petites retraites sera plus élevé, grâce à la forfaitaire. À la question « où trouver l’argent ? », Giorgos Katrougalos, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, répond clairement que Syriza préfère « épargner les plus faibles et faire payer ceux qui en ont encore les moyens ». C’est toutefois oublier que les pensions moyennes, autour de 750 euros, se verront amputer, elles, de 15 % ! Les pensions des couches favorisées du salariat perdront quant à elles plus d’un tiers de leur montant. Cette réforme imposée par les créanciers est une attaque d’autant plus frontale contre l’ensemble du peuple grec qu’en raison du chômage et de la faiblesse des prestations l’indemnisant, plus de la moitié des familles ne parviennent à s’en sortir financièrement qu’avec la pension d’un des grands-parents.

L’erreur du gouvernement Tsipras

Le ministre de la Culture grec, Aristide Baltas, l’a reconnu clairement dans un entretien accordé à Télérama fin janvier : « Syriza est obligé d’avoir un double visage, comme Janus. D’un côté, nous sommes la gauche radicale ; de l’autre côté, nous sommes obligés de mettre en application un programme à la base néolibérale. Mais nous utilisons les marges de manœuvre dont nous disposons pour développer une politique de gauche »(2). Baltas considère donc que le gage infaillible d’une politique de gauche, c’est d’aider les plus pauvres, quitte à plonger dans une misère comparable à la leur la masse de la population... Comme le souligne l’analyste Georges Sefertzis, « la réalité de la Grèce, ce ne sont pas seulement les indigents », c’est également « cette petite classe moyenne qui a l’impression de trinquer une fois de plus ».

Le gouvernement Tsipras veut évidemment réaliser une politique de gauche, mais il n’en a plus les moyens depuis le 13 juillet dernier. En ce jour funeste, l’Eurogroupe, par un coup de force inouï, lui a en effet imposé des garde-fous drastiques, qui l’empêchent désormais de s’en prendre aux grandes fortunes grecques. Dès lors, Tsipras et ses camarades n’ont plus le choix qu’entre abandonner les plus pauvres à leur triste sort et l’améliorer quelque peu en taxant fortement le salariat moyen et les classes intermédiaires. Syriza assume courageusement cette seconde option, mais force est de constater que ce n’est pas le mandat qu’a livré le peuple au parti d’Alexis Tsipras, il y a maintenant un peu plus d’un an. Un ministre vient d’ailleurs d’affirmer qu’il convenait maintenant de juger l’action gouvernementale, non « sur les promesses de janvier 2015, mais plutôt avec les contraintes imposées par l’accord avec les créanciers ».

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L’article en PDF

(1): « Après un an de Tsipras, la Grèce dans l’impasse », liberation.fr, 24 janvier 2016. (retour)

(2): Entretien avec Aristide Baltas, ministre de la Culture, telerama.fr, 22 janvier 2016 (retour)

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