GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Economie Théorie Histoire

Le chômage et sa courbe (3)

Nous publions la troisième partie d’un article de notre camarade Jean-Jacques Chavigné. La quatrième partie sera dans la lettre électronique de D&S de la semaine prochaine.

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>> Lire la deuxième partie

4 - Le « plan emploi » de François Hollande

Ce plan a deux objectifs.

- 1er objectif : diminuer le nombre de demandeurs d’emplois de la catégorie A, en augmentant le nombre de ceux de la catégorie D

Un tour de bonneteau

500 000 demandeurs d’emploi de la catégorie A en formation (si les Régions acceptent de financer leur quote-part…), cela signifie autant de demandeurs d’emploi de plus en catégorie D, mais autant de moins en catégorie A. Ce tour de bonneteau n’aurait, bien sûr, pu être tenté sans la limitation quasi officielle du chômage aux demandeurs d’emploi de la catégorie A.

L’ennui, pour François Hollande, est qu’à moins de garder ces 500 000 demandeurs d’emploi en formation pendant une année entière, le nombre de demandeurs d’emploi de la catégorie A ne diminuera pas de 500 000, en passant mécaniquement dans la catégorie D.

Avec une formation d’un mois, le nombre des demandeurs d’emploi ne diminuera mécaniquement que de 42 000, au total de l’année. Leurs chances de trouver un emploi, au sortir de ces formations, seront aussi grandes que celles des salariés licenciés qui bénéficient des services des « cellules de reclassement », mises en place lors des différents « plans sociaux ». Leurs méthodes, leurs propositions font parfois rire et souvent pleurer ceux qui ont affaire à elles. Leurs résultats, en termes d’emplois stables, sont à des années lumières des attentes des salariés victimes des charrettes de licenciements.

L’Unedic ne s’y trompe pas

Dans les prévisions de l’UNEDI, publiées le 23 février 2016, après l’annonce du plan emploi de François Hollande, cet organisme estime que le nombre des demandeurs d’emploi des catégories B et C augmentera de 26 000 en 2016 et que le nombre de demandeurs d’emplois de la catégorie A ne diminuera que de 25 000 cette même année. Pour parvenir à cette stabilité de l’emploi (hors catégories D et E…), les prévisions de l’Unedic s’appuient pourtant sur l’hypothèse très optimiste d’une croissance économique de 1,4 % en 2015 et d’une inflation de 0,6 % la même année.

Le tour de bonneteau de François Hollande risque donc de ne tromper personne (surtout pas les demandeurs d’emploi)

Les derniers à pouvoir être dupes seront les demandeurs d’emploi eux-mêmes ainsi que leurs familles et leurs proches. Les chances de François Hollande de figurer au second tour de la présidentielle seront toujours aussi inconsistantes.

- 2e objectif : faire porter aux chômeurs la responsabilité du chômage

- Le premier postulat du plan de François Hollande est que si les chômeurs ne trouvent pas de travail, c’est parce qu’ils ne sont pas assez motivés pour en chercher vraiment

Rendre dégressives les allocations chômage

Ce serait, affirment la droite et le MEDF depuis des dizaines d’années la meilleure méthode pour « inciter » les chômeurs à accepter un travail. Le gouvernement de Manuel Valls reprend maintenant cette proposition.

C’est pourtant, dans les années 1970, quand les allocations chômages étaient les plus élevées en proportion du dernier salaire et que leurs durées étaient les plus longues en proportion de la durée de cotisation, que le chômage était le moins élevé. Comprenne qui pourra !

Les « offres d’emploi non pourvues »

Les chiffres les plus irresponsables courent sur les « offres d’emploi non pourvues ». Des chiffres qui démontreraient le refus évident des demandeurs d’emploi de retrouver un emploi puisque tant d’offres d’emplois resteraient sans réponse. Nicolas Sarkozy parlait, en 2012, de 500 000 « offres d’emplois non pourvues », le Medef de 400 000, l’ancien ministre du Travail François Rebsamen de 350 000. François Hollande, dans sa conférence de presse du 20 juin 2013, s’indignait du scandale des « 200 ou 300 000 offres d’emploi non pourvues ».

Pourtant, la note de Pôle emploi, du 24/02/2016, extraite de son enquête annuelle auprès de 400 000 entreprises, estimait à seulement 43 000 les projets de recrutement qui avaient été abandonnés en 2015 : 21 500, faute de candidats ; 14 600 parce que les entreprises avaient abandonné leur projet d’embauche ; 6 900, faute de budget. Nous voilà bien loin des chiffres de Nicolas Sarkozy, du Medef ou de François Hollande. Alors qu’il y a eu 21 millions de recrutement en 2015, le nombre de recrutements abandonnés faute de candidats ne représente que 0,1 % du total. Ne faut-il pas avoir abandonné toute forme de scrupule pour tenter de justifier une politique de l’emploi à l’aide d’un chiffre aussi dérisoire ?

Rien n’est dit, qui plus est, de la nature de ces « offres d’emploi non pourvues » alors qu’une bonne partie de celles-ci concerne des offres du type « 4 heures de ménage par mois». Comment de telles offres pourraient-elle, sérieusement, être considérées comme des offres d’emploi décentes ? En quoi le fait d’y donner suite ou non changerait-il quoi que ce soit à la réalité du chômage ?

- Le second postulat de ce plan est que les emplois existent, mais que ce sont les salariés qui ne sont pas adaptés

Il suffit donc leur donner la formation adéquate et le problème sera résolu.

Les apprentis, par exemple, trouvent beaucoup plus facilement un travail que les autres jeunes. Il faut donc généraliser l’apprentissage. Comment ne pas y avoir pensé plus tôt ? Mais si tous les jeunes passaient par l’apprentissage, le chômage ne reculerait pas pour autant. Michel Rocard, en 1989, avait déjà fait le constat qu’en période de chômage de masse, le diplôme et la formation ne créent aucun emploi mais ne font que changer les places dans la file d’attente pour l’emploi. C’est encore beaucoup plus vrai aujourd’hui avec un nombre de chômeurs presque trois fois plus important.

La réalité est qu’il n’y a pas d’emplois disponibles

Si tous les demandeurs d’emplois étaient passés par l’apprentissage ou par l’école Polytechnique (dont les élèves n’ont guère de difficultés, aujourd’hui, à trouver un emploi), le nombre de chômeurs ne diminuerait que de façon très marginale.

Depuis des dizaines d’années, le leitmotiv est de mettre le pied des jeunes à l’étrier de l’emploi. Comment, depuis le temps, ne pas s’être rendu à l’évidence ? Derrière l’étrier, il n’y a pas de cheval !

S’il y avait des emplois disponibles, les entreprises agiraient comme au début des années 1970 et paieraient, elles-mêmes, la formation de leurs salariés.

S’il n’y a pas d’emplois disponibles, c’est parce que l’État ne joue pas son rôle.

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