GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Bexit, la conclusion du feuilleton approche

La saga du Brexit vient encore de prendre un nouveau tour qui promet cette fois d’être décisif. Parce qu’en convoquant des élections anticipées le 12 décembre prochain, Johnson met les électeurs britanniques devant une alternative claire à la fois en termes de majorité politique pour le pays et de scénario de résolution du problème du Brexit. L’alternative Johnson et Brexit dur, ou Corbyn et second référendum permettant au Royaume-Uni de rester dans l’UE est clairement posée.

Johnson a provoqué ces élections anticipées alors que l’accord qu’il avait négocié avec les dirigeants européens au Conseil européen du 18 octobre avait réuni une majorité à la Chambre des communes sur son principe. Les députés britanniques ont, cependant, réclamé un délai important pour pouvoir examiner l’accord dans le détail avant de le transposer en droit britannique (ce qui équivaudrait à sa ratification) ; Johnson a donc été obligé de reporter jusqu’au 31 janvier 2020 la date de sortie du Royaume-Uni de l’UE.

Le pari de Johnson

Johnson pouvait alors, dans l’espoir que les députés finiraient par ratifier l’accord, accepter ce processus plus long que prévu, mais il a estimé qu’il risquait fort de déboucher sur un rejet.

L’accord « négocié » par Johnson est en effet le même que celui obtenu par Theresa May il y a quelques mois, avec cette différence que le Brexiter en chef a accepté que l’Irlande du Nord fasse partie du territoire douanier de l’UE – et que par conséquent une frontière réelle traverse la mer d’Irlande et coupe le Royaume-Uni en deux. Johnson avait déclaré il y a plusieurs mois qu’aucun Premier ministre conservateur ne pouvait accepter un tel compromis – que l’UE avait déjà proposé à May. Une période prolongée d’examen de l’accord l’exposerait à des tirs nourris de l’opinion conservatrice qui se rendrait compte dans le détail de ce que Johnson a lâché aux Européens.

Johnson a également fait le pari que de nouvelles élections lui permettront de retrouver une majorité parlementaire plus soudée et d’infliger une défaite au Parti travailliste, au plus bas dans les sondages depuis les européennes (alors que le Parti conservateur a retrouvé des couleurs après la désignation de Johnson comme leader en juillet). C’est, en somme, le même pari que celui fait par May en 2017 et qui a permis à Jeremy Corbyn de solidifier son emprise sur le Parti travailliste en le faisant passer de 30 % (aux élections de 2015) à 40 %.

Alternative électorale

En choisissant de superposer la question du Brexit à celle du leadership national, Johnson oblige à une clarification politique des enjeux autour du Brexit. En effet, désormais, le choix est assez clair : le Parti conservateur sera – avec le Brexit Party de Nigel Farage – le parti du Brexit, alors que les autres partis promettent tous un référendum avec comme possibilité le maintien.

Le Labour promet pour sa part de négocier un nouvel accord qui maintiendra le Royaume-Uni au sein de l’union douanière et du marché unique européen (en vérité, il s’agit de préserver la situation actuelle, mais sans que le Royaume-Uni participe au processus décisionnel de l’UE) et puis de le soumettre à un référendum. Étant donné que les adhérents du parti sont, dans leur écrasante majorité (entre 80 et 90 % selon les sondages), pour le maintien dans tous les cas de figure et que des personnalités aussi centrales de sa direction que John McDonnel (numéro 2 du parti), Diane Abbott, Emily Thornberry et Keir Starmer ont déjà annoncé qu’en cas de référendum, ils feront campagne pour le maintien, le Parti travailliste peut se présenter auprès des partisans du maintien comme la voie la plus sûre pour y parvenir.

Dans le même temps, le parti de Corbyn mène principalement campagne sur son programme économique, présenté comme de loin le plus à gauche des dernières décennies. Une plateforme similaire a permis au Labour en 2017 de renouer avec une partie de son électorat et de réaliser une progression électorale exceptionnelle. La clé pour le parti est dans sa capacité à allier de manière crédible sa promesse d’une transformation radicale du système socio-économique britannique et celle d’une remise en cause du Brexit. La première peut convaincre la partie de l’électorat travailliste qui a opté pour le Leave en 2016 par rejet du système politique dans son ensemble. À l’inverse, la promesse d’un second référendum est essentielle pour mobiliser l’électorat urbain du parti, très attaché au maintien dans l’UE qu’il associe bon an mal an au progressisme social et à l’ouverture.

Cette élection pousse de cette manière à une clarification politique autour de la question du Brexit : elle démontre pleinement quel est le camp de la sécession (la droite thatchérienne) et quel est le camp pro-européen (la gauche).

Cet article de notre camarade Christakis Georgiou a été publié dans le numéro de novembre de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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