GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Jeunes

À voyou, voyou et demi !

Au sein des couches dirigeantes et des médias, il est de bon ton de critiquer les « patrons-voyous », qui risquent de

« tuer le capitalisme »(1), ou tout du moins de déséquilibrer, par leurs artifices véreux, la « prétendue » naturalité de l'économie libérale(2).

Il semblerait en effet qu'il y ait matière à vilipender les patrons « immoraux », suite aux différents scandales politico-financiers qui ont défrayé la chronique depuis quelques semaines. Après les soupçons de délit d'initiés qui entourent le groupe Lagardère, c'est le grand patronat dans son ensemble qui est visé par l'affaire Gautier-Savagnac, président de l'UIMM...

Alors, faut-il, comme les bourgeois naïfs ou les socialistes errants se dire « choqué » de ces procédés, juger « immoraux » ces agissements illicites, au risque de parer de toutes les vertus l'économie libérale épurée ? Non, mille fois non ! En authentiques socialistes, nous devons dire que les patrons ne sont ni des salauds, ni un troupeau dans lequel se dissimuleraient quelques brebis galeuses. Être patron, c'est une fonction sociale. Vous pouvez être un bon mari, un père de famille extra ou un mec cool, il reste que, si vous êtes patron, votre job, c'est de valoriser le capital. Peu importe la personnalité réelle, puisqu'elle est masquée par la fonction sociale. C'est ce qu'affirmait Marx dans les années 1860 lorsqu'il écrivait que « les masques divers dont [les personnes] s'affublent suivant les circonstances ne sont que les personnifications des rapports économiques qu'elles maintiennent les unes vis-à-vis des autres »(3). Il n'y a pas de patrons immoraux, ce qui impliquerait d'ailleurs que les autres soient des anges : le capital est un rapport social, qui se situe avant tout questionnement éthique.

Marx a eu cette phrase historique pour expliquer la formation du capital industriel. « Ce fut la traite des nègres qui jeta les fondements de la grandeur de Liverpool ; pour cette ville orthodoxe, le trafic de chair humaine constitua toute la méthode d'accumulation primitive »(4).

Qu'on se le dise ! Il ne s'agit pas de « moraliser » l'économie capitaliste, ni de proposer un « projet de société » éthique ! En socialistes, nous croyons que le système que nous défendons, et vers lequel les salariés convergent à chaque mouvement social, est plus efficace, plus modéré et plus économe en violence que le capitalisme. Nous ne nous offusquons pas des scandales de la bourgeoisie, nous savons que c'est son rôle de sauver le capital. « Ni rire, ni pleurer, comprendre », disait Spinoza ; encore faut-il adjoindre à la compréhension, la lutte politique frontale contre un système anarchique, qui mène le monde à sa perte. ∎

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(1): BEBEAR C. MANIERE P, Ils vont tuer /e capitalisme, Pion, 2003. (retour)

(2): A ce sujet, voir MARX K ENGELS F, Etudes philosophiques, Editions sociales, 1977, p. 94: pour les économistes, « les institutions de la féodalité sont des institutions artificielles, celles de la bourgeoisie sont des institutions naturelles. (...)

Donc, les rapports (de production capitalistes) sont eux-mêmes des lois naturelles indépendantes de l'influence du temps ». (retour)

(3): MARX K., Le Capital, 1, « Le développement de la production capitaliste ».  (retour)

(4): MARX K, Ibid. (retour)

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