GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Jeunes

Pour sortir de l'impasse : refermer la parenthèse libérale

Lors de la sortie du livre de Lionel Jospin beaucoup de journalistes politiques (qui se muent souvent en donneurs de leçons) ont tenté de nous expliquer que cet ouvrage n'était qu'un brûlot ne donnant aucune lecture politique. Dans le panorama des livres publiés depuis quelques mois sur la défaite de la gauche, celui de Jospin est pourtant une vraie analyse de fond, rigoureuse et structurée qui vaut la peine d'être lue. En tout cas c'est une contribution utile au débat en cours sur la refondation du PS.

L'ancien Premier Ministre revient sur sa défaite d'avril 2002, analyse la séquence 2002-2007, décrypte sur la désignation et la campagne de Ségolène Royal avant de tracer des pistes pour la gauche. Jospin juge la gauche dans une impasse et tente de donner des perspectives pour en sortir. Nous tenterons de dégager les points de convergence possibles (et il y en a) mais aussi les divergences que nous avons avec les analyses que fait Jospin. Nous pensons comme lui que le PS et la gauche sont dans une impasse mais il reste à voir où celle-ci

prend ses racines pour dresser de solides perspectives de reconquête.

Pour commencer il faut se livrer à un bilan sérieux des 5 ans de la gauche plurielle. Lionel Jospin continue à défendre bec et ongles son bilan des années 19972002 et de juger sa défaite du 21 avril comme un simple accident électoral conjoncturel. Il ne parle pas et ne revient pas sur ce qui fut le grand tournant du socialisme français : mars 1983... Le PS et ses alliés ont alors décidé de tourner le dos à leur promesse de "changer la vie". La gauche a fait le choix de l'Europe libérale, de la politique du Franc fort et du blocage des salaires sans que ce tournant ne soit voté par une quelconque instance du PS. Il faut partir de là pour comprendre ensuite les échecs et les limites de la gauche au pouvoir. En faisant le choix de l'adaptation libérale en 1983 le PS ne pouvait plus que soulager les plaies du rouleau compresseur libéral mondialisé et non plus changer les fondements même du système... C'est dans ce cadre que s'inscrit justement le gouvernement Jospin.

Son bilan est mitigé car il n'a pas eu la volonté de s'attaquer de front à la logique libérale. Si les 35 heures furent une grande avancée sociale qu'il faut plus que jamais défendre, la gauche n'a pas été assez loin pour qu'elles soient un vrai outil de lutte contre le chômage. Même si le rapport capital-travail avait commencé à s'améliorer pour les travailleurs la politique salariale est restée insuffisante pour vraiment redistribuer les richesses. Certes il y a eu des points positifs et des avancés mais il aurait fallu davantage s'appuyer sur le mouvement social, donner des droits démocratiques nouveaux aux salariés, mener la bataille en Europe pour sa réorientation... Ces combats qui ne furent pas menés avec suffisamment

de vigueur expliquent l'échec du 21 avril et l'élimination du candidat socialiste dès le 1 er tour.

Nous avons après 2002 milité avec la gauche du parti pour que le PS choisisse une nouvelle orientation plus en phase avec les aspirations du salariat et du mouvement social et qu'il tire toutes les leçons des insuffisances du gouvernement de gauche plurielle. Sur cette séquence Lionel Jospin choisit de défendre la direction du parti et ne comprend pas la nécessité d'une ligne de gauche authentique pour le PS. De même, il semble sous-estimer la combativité

des salariés qui par deux fois (retraites en 2003, CPE en 2006) font trembler le pouvoir sur ses bases. Idem pour la victoire contre la constitution libérale européenne en mai 2005 que Jospin réduit à une simple fronde contestataire sans en comprendre la profondeur et la signification sociale et politique : le peuple n'en peut plus de cette logique libérale qui pousse à la casse des services publics, à la concurrence acharnée et aux délocalisations... La gauche aurait pu et du s'appuyer sur cette aspiration à revenir sur les choix faits en 1983 (on y revient tiens tiens...). C'est justement parce que le premier parti de gauche a refusé de s'appuyer sur cette victoire de classe que la candidature de Ségolène Royal a pu s'imposer.

Sur l'opération de mystification qui a consisté à faire de Ségolène Royal le sauveur suprême de la gauche nous partageons les grands traits de l'analyse de Jospin, même si nous ne partons pas tout à fait du même constat. Pour éviter sa candidature il fallait pour nous dès le congrès de Dijon en 2003 une nouvelle majorité qui remette le PS sur les rails d'une orientation vraiment de gauche. De plus,

l'approbation par la majorité des dirigeants de la gauche du parti de l'artificielle synthèse au Mans en 2005 a remis en scelle la direction affaiblie en lui permettant de préparer une candidature inattendue au départ. Les adhésions à 20 euros s'inscrivent bien dans ce cadre. Jospin l'a bien compris : l'équipe Royal veut un parti de supporters et non plus de militants. Nous sommes bien sûr 100 % d'accord pour défendre le parti contre ses liquidateurs qui veulent un parti démocrate à l'américaine.

Sur la campagne nous partageons la plupart des analyses de Jospin. Ségolène Royal avait tous les atouts pour gagner : un pouvoir affaibli, un candidat de droite dure, une gauche offensive et désireuse d'en découdre... Et pourtant... En refusant de porter le fer sur les questions sociales, en ne répondant pas aux attentes concrètes des salariés la candidate socialiste a perdu. De même, Jospin a raison de dire que Royal en comptant seulement sur sa soi-disant relation personnelle avec la France et pas assez sur la force collective des socialistes a déboussolé beaucoup de militants et d'électeurs de gauche peu habitués à entendre, dans la bouche de leurs représentants, d'incessantes

références bibliques et religieuses...

Nous avons désormais une droite de combat qui a la volonté de thatchériser la France, il faut donc une gauche à la hauteur de cette situation difficile pour notre camp. Jospin commence par dire, à juste titre, que le PS ne doit pas faire l'erreur de s'allier avec le MODEM de Bayrou. Ce serait effectivement une vraie rupture, le parti d'union de la gauche d'Epinay serait mort et cela, ni Jospin ni nous ne le souhaitons. Il faut mener la bataille dans le parti avec tous ceux qui veulent des listes de toute la gauche sans le MODEM aux municipales de mars 2008 ! L'alliance avec le MODEM serait contre- nature sur le fond et inefficace électoralement car on perd à gauche sans jamais rien gagner sur la droite.

Jospin défend aussi un grand parti de toute la gauche; nous préférons dire nous un parti unifié du salariat.

Oui il faut un parti de toute la gauche qui tire le bilan du stalinisme mais aussi, et c'est peut être là que nous divergeons avec l'ex chef du gouvernement, referme la parenthèse ouverte en 83. Un parti ancré au cceur de la gauche et non à ses marges, capable d'être présent au coté du mouvement social et qui soit aussi fidèle aux salariés que l'UMP ne l'est aux patrons. Un parti qui tranche son orientation démocratiquement, qui unifie et non qui divise.

Pour nous, sortir de l'impasse c'est œuvrer au rassemblement antilibéral de toute la gauche et non à la seule union de la gauche antilibérale !

Union de toute la gauche, pas d'alliance avec le MODEM !

Action contre la droite et le MEDEF dans le mouvement social et les syndicats !

Programme commun de rupture qui referme la parenthèse libérale de 83 ! ∎

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