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Retraites #2 : la contre-réforme Macron

Macron s’était contenté, dans son programme électoral, d’esquisser les grandes lignes de sa contre-réforme de nos retraites. Les indications fournies en octobre 2018 par le « Haut-commissaire à la réforme des retraites », Jean-Paul Delevoye, n’ont guère, à ce jour, apporté plus de précisions. Mais c’est déjà amplement suffisant pour comprendre la régression qui se prépare pour nos retraites.

Le système unique remplacerait les 42 régimes de retraites existants. Tous les assurés (salariés, fonctionnaires, indépendants…) cotiseraientt à une caisse unique. Les régimes de complémentaires du secteur privé (Agic-Arrco) qui viennent de fusionner disparaîtraient. La cotisation basée sur le salaire (part salariale et part patronale) aurait un taux de 28 %.

Alors que le nombre de retraités va augmenter assez fortement d’ici 2050, le montant des cotisations sociales est, d’emblée, figé. Comment, dans ces conditions, le niveau moyen des retraites pourrait-il ne pas considérablement régresser ?

Des points accumulés tout au long d’une carrière professionnelle

Les pensions ne seront donc plus calculées en fonction des salaires des 25 meilleurs années dans le secteur privé ou à partir des traitements des six derniers mois dans la Fonction publique. Ceux dont les salaires ont progressé (ce qui est le cas de la plupart des salariés qui ne sont pas au Smic) ou qui ont des carrières en dents de scie, seront lourdement pénalisés. Cette méthode désavantagera considérablement les femmes.

Les primes des fonctionnaires seraient prises en compte

Les enseignants qui représentent une part déterminante de la Fonction publique d’État seront donc pénalisés : ils ne perçoivent que très peu de primes. Les fonctionnaires les plus avantagés seront ceux du haut de la catégorie A.

Les « avantages familiaux » seraient pris en compte

Delavoye et les médias dominants insistent beaucoup sur le fait que des points seront accordés pour chaque enfant dès le premier. Le principe n’est pourtant pas nouveau, puisqu’une femme salariée du secteur privé peut aujourd’hui valider quatre trimestres pour chaque enfant et quatre trimestres supplémentaires (à partager entre les parents) pour l’éducation des enfants. Une femme fonctionnaire peut valider deux trimestres par enfant depuis 2004 (contre quatre auparavant). En outre, aucune indication n’est donnée sur le nombre et la valeur des points qui seraient alors accordés. Impossible de savoir, également, si les majorations de retraite accordées aujourd’hui, avant ou après le troisième enfant, dans la Fonction publique ou le secteur privé seront compensées – et comment elles le seront – dans la contre-réforme de Macron.

Maladie, chômage, carrière longue, minimum de pension

Là encore, des points seraient accordés pour les périodes de maladie et de chômage, mais rien n’est précisé sur leur nombre, ni, bien évidemment, sur leur valeur puisque dans un système de retraites par points, cette valeur n’est connue qu’au moment du départ en retraite.

Aujourd’hui, les personnes ayant commencé à travailler tôt peuvent partir plus tôt et bénéficier d’une retraite à taux plein calculée sur les 25 meilleures années. Calculés sur la durée de la vie active, les salaires perçus à l’âge de 16 ans plomberont inéluctablement le montant de leurs retraites. La question n’a pas été abordée.

Un minimum de pension serait maintenu, mais, curieusement Delevoye est incapable de le chiffrer.

Les pensions de réversion

Aujourd’hui, le conjoint survivant peut bénéficier d’une part de la retraite de son conjoint décédé. Cette part varie : 50 % (sans conditions d’âge) dans la Fonction publique, 54 % de la retraite de base, mais sous conditions de ressources, dans le régime général du secteur privé, 55 % pour l’Agirc-Arrco, sans conditions de ressources.

Delevoye s’est contenté d’affirmer deux choses. D’abord qu’il n’était pas question de toucher aux droits des personnes qui perçoivent déjà une pension de réversion. Ensuite, que le « principe » de la réversion serait maintenu. Mais il n’a surtout rien dit sur le montant des droits qui seraient assurés au conjoint survivant. Là encore, ce sont les femmes qui seraient le plus lourdement pénalisées. Fin 2016, elles représentaient 89 % des bénéficiaires d’une pension de réversion.

L’âge de départ en retraite

Delevoye a affirmé que cet âge resterait fixé à 62 ans. Ce qui ne l’engage à rien.

Dans un système de retraites par points (du type des régimes de retraite complémentaire actuels), ce qui importe, c’est « l’âge-pivot » au-dessous duquel des pénalités seraient imposées (les chiffres le plus souvent évoqués sont 64 ans et 7,5 % de pénalités par année). Delevoye n’a rien à dire sur le sujet.

Dans un système de retraites par « comptes notionnels », peu importe l’âge de départ en retraite, puisque le montant de la pension est calculé en fonction de l’espérance de vie moyenne du retraité au moment de son départ en retraite. C’est le principe de « neutralité actuarielle » des assurances privées. S’il décide de partir à 60 ans, sa pension risque de ne pas être très importante. Cette question de l’espérance de vie au moment du départ en retraite est particulièrement lourde de conséquences. Les femmes dont l’espérance de vie est supérieure de six ans à celle des hommes verront-elles leurs retraites proportionnellement réduites ? Les cadres ont une espérance de vie supérieure de 6,4 ans à celle des ouvriers : leur retraite diminuera-t-elle proportionnellement ? La pénibilité des travaux effectués sera-t-elle prise en compte et comment ?

Les droits acquis

Les droits acquis seront « conservés à 100 % ». On peut tout à fait faire confiance à Macron pour les garantir : son gouvernement vient d’augmenter la CSG d’une bonne partie des retraités et de désindexer l’évolution du montant des retraites de l’augmentation des prix (une perte d’environ deux points de pouvoir d’achat, au total, pour 2019 et 2020).

Qui sera concerné par la contre-réforme de Macron ?

Ceux qui sont déjà à la retraite ne verront pas leur retraite modifiée. Mais on vient de rappeler que l’on pouvait difficilement faire confiance à Macron dans ce domaine. Ceux qui seront à moins de cinq ans de l’âge du départ en retraite au moment du vote de la loi ne seront pas concernés.

Quand le projet de loi sera-t-il présenté au Parlement ?

Sans doute pas avant l’été 2019 pour permettre aux « concertations » de se tenir. Comme si ces « concertations » avaient, par exemple, changé quoi que ce soit aux ordonnances sur le droit du travail de Macron !

Combien de temps prendra la transition avec le régime précédent ?

On estime sa durée entre 10 et 15 ans. Nous aurons donc, pendant 10 à 15 ans, 42 régimes de retraites (pour conserver les droits acquis) et 42 régimes transitoires. Quelle simplification !

Après "Retraites : 25 ans de régression", voici le deuxième article de notre camarade Jean-Jacques Chavigné d'un dossier paru dans la revue Démocratie&Socialisme de novembre 2018 : "nos retraites dans le viseur".

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