GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Jeunes

Retour sur le combat des cheminots

Le mouvement des cheminots pour la défense de leurs régimes spéciaux de retraite a échoué. Seuls quelques dirigeants syndicaux à courte vue peuvent défendre l’idée que les « concessions » arrachées au gouvernement constituent à eux seuls une victoire des travailleurs.

D’ailleurs, ces prétendus gains faisaient partie des points que le gouvernement avait prévus, bien avant l’épreuve de force, de « lâcher » pour faire croire qu’il était ouvert au dialogue (aménagement des fins de carrière, augmentation des derniers salaires….). M. Bertrand a beau affirmer que les négociations pourront porter sur tous les points en litige, il reste que l’on discutera de tout, sauf de ce que le secrétaire de la fédération CGT des cheminots, Didier Le Reste, a appelé le « cadre de la réforme », à savoir, les quarante annuités, la décote et la désindexation des pensions par rapport aux salaires… Les négociations qui vont courir, pendant tout le mois de décembre ne pourront donc remettre en cause le « cadre » de la réforme, puisqu’elles s’inscrivent clairement en son sein ! Bref, il n’est pas possible de dire que les négociations à venir ont été ouvertes « sans préalable ». Bien au contraire, le préalable a été de taille : il consiste en l’acceptation de la destruction des régimes spéciaux par les cheminots.

Faut-il imputer cet échec aux cheminots eux-mêmes ? Ont-ils été trop « coulants » avec le gouvernement ? Ont-il été atteints par le discours médiatique culpabilisateur les présentant comme des privilégiés ou des nantis ? Bien au contraire, leur lutte a été frontale et organisée. Ils ont répondu à la provocation avec les méthodes traditionnelles du mouvement ouvrier, piquets de grève et AG reconduisant la grève. Peut-on faire autrement quand on vous annonce que vos pensions diminueront de plus de 300 euros et que vous perdrez près de 2 mois de pension par an par rapport à la situation qui prévalait jusque là ? La grève a donc été très suivie et a été soutenue par de nombreux salariés.

Que sont les quelques milliers de femmes du XVIe arrondissement et de jeunes militants antigrèves de l’UNI et de l’UMP par rapport aux centaines de milliers de citoyens qui ont défilé dans les rues de Paris et des villes de province, mardi dernier ? Les manifestations du peuple de gauche sont la preuve d’un authentique soutien populaire, bien plus que ne le sont les marches au pas financées par les caisses noires du patronat et que les sondages trafiqués par les classes possédantes.

Face à la propagande montant les salariés les uns contre les autres, orchestrée dans tous les médias aux ordres et préparée de longue date, il faut remarquer que « l’opinion publique », pourtant bien peu éclairée par ceux dont c’est le travail, a toujours été du côté des cheminots et des travailleurs en lutte. La volonté des grévistes d’aller « jusqu’au bout » était également évidente lors du retrait des piquets de grève. Que de larmes de la part des travailleurs qui acceptaient les décisions de leurs centrales syndicales, mais qui savaient qu’ils avaient perdu sans mener la bataille qu’ils désiraient ! C’est évidemment là que le bât blesse.

L’échec du mouvement ne s’explique pas par le manque de combativité des cheminots, ni par l’hypothétique opposition de l’opinion publique qu’il aurait suscitée. La vérité est ailleurs.

En réalité, la droite et le gouvernement ont joué un rôle déterminant. Il ne faut pas sous-estimer l’intelligence roublarde du bonhomme. Xavier Bertrand, qui a préparé depuis des lustres son plan de divisions des syndicats, sur la question de la forme et du contenu des négociations. Il savait que les lézardes étaient nombreuses dans le monde syndical en crise, en plein débat sur sa prétention à la représentativité. Jouer Thibault contre Le Reste, CGT face à SUD-Rail… Bertrand est un as dans le domaine ! Il a finalement remporté son duel avec les organisations syndicales de façon relativement facile et cette victoire fragilise déjà le camp du salariat dans son ensemble pour les négociations sur le régime général prévues pour 2008 et qui peuvent aboutir au passage à 42 annuités pour tous… D’ailleurs l’attitude pour le moins conciliatrice de la CFDT, presque inexistante dans les transports, mais bien implantée dans le privé, est un gage pour plus tard !

Les syndicats n’ont pas suffisamment fait leur travail d’explication de la réforme. Ils n’ont pas expliqué que la durée réelle du travail en France ne dépasse pas les 37 ans. Que l’on ne va pas travailler plus, mais que l’on travaillera autant pour ne plus avoir de retraites décentes. Voilà la vérité, valable pour tous les salariés, du public comme du privé ! Encore fallait-il l’expliquer clairement. Seule cette analyse, insistant sur le rapport de force social, pouvait éviter l’écueil qui a été celle du mouvement : le risque d’être perçu comme un mouvement minoritaire, s’arc-boutant sur ses privilèges acquis. L’erreur des directions syndicales a été d’oublier que seules les revendications des « 37, 5 annuités pour tous » et des salaires permettent d’unifier le salariat, et par suite d’établir un rapport de force viable quand on est en train de négocier. Nous ne sommes pas de ceux qui crient à la trahison dès qu’un syndicat négocie au lieu de faire la révolution. En revanche, il était injustifié de proposer des négociations au gouvernement dès le 14 novembre au soir, en appelant déjà plus ou moins explicitement à la reprise du travail. Il fallait au contraire s’appuyer sur la mobilisation importante des cheminots pour exiger le changement du « cadre de la réforme », chère à Didier Le Reste. La négociation n’a d’avantage que lorsque le rapport de force est en votre faveur. Sinon, seule la mobilisation a une chance de faire changer la donne face à un tel gouvernement.

Qu’en est-il pour finir des partis de gauche et plus particulièrement du PS ? Notre parti n’a jamais apporté clairement son soutien à la grève des cheminots. Il n’a eu de cesse d’expliquer que la méthode du gouvernement n’était pas la bonne, mais n’a pas dit ce qu’il aurait fait à la place, tout en affirmant la nécessité de « réformer » les régimes spéciaux. On peut faire mieux comme opposition ! Nous nous battons, avec d’autres, dans les rangs du parti et du MJS, pour qu’enfin la famille socialiste retrouve son camp naturel, celui des salariés de ce pays. D’après le très sérieux Conseil d’Orientation des Retraites, le retour aux 37, 5 annuités pour tous ne coûterait que 0, 8 point de PNB, c’est-à-dire la moitié du coût des cadeaux fiscaux faits aux plus riches pendant l’été. Il faut donc le dire sans complexe : la politique de Sarkozy est une politique de classe en faveur des possédants et elle se paie de la sueur et de la dignité des travailleurs ! Seule l’union de toutes les forces de gauche syndicales, politiques et associatives peut permettre de revenir sur l’inique loi Fillon et de reconquérir notre système de retraites !

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