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Quand on sépare la roue du rail, ça déraille !

Les difficultés rencontrées par Eurostar en décembre dernier amènent à se réinterroger sur le modèle européen (entendez le modèle imposé par les idéologues libéraux de la commission de Bruxelles) de libéralisation, basé sur la séparation entre la gestion des infrastructures et l’exploitation qui est confiée à plusieurs opérateurs de transport ferroviaire mis en concurrence.

Voici ce que l’on peut lire dans un article récent de La Vie du Rail (1) : « Ces évidentes interfaces entre deux intervenants représentatifs du nouveau paysage ferroviaire (ici Eurotunnel et Eurostar) ne sont peut-être qu’une illustration d’un chemin de fer « éclaté », sur lequel l’exploitation quotidienne est déjà difficile, et où la gestion d’une situation de crise peut conduire aux extrémités que l’on vient de connaître. Le modèle ferroviaire voulu par la Communauté européenne reste celui de la séparation des infrastructures et de l’exploitation. Quelque part, il est la négation du système « intégré » que constitue, par essence, le chemin de fer (…) Le modèle européen engendre une dilution du savoir professionnel lié au ferroviaire ».

On retrouve un constat similaire dans Alternatives Economiques. Sous le titre « Chemins de fer : les incertitudes de la libéralisation », on peut lire un article (2) qui, partant de l’ouverture à la concurrence du trafic international de voyageurs au 1er janvier 2010 (après celle déjà effective du fret ferroviaire) est lui aussi sévère sur les effets de la libéralisation dans un domaine que les économistes avaient pourtant l’habitude de dénommer « monopole naturel ». Le 19ème siècle l’avait démontré, il est économiquement stupide dans le ferroviaire d’avoir deux offres ou plus pour satisfaire la demande. Cela s’était traduit par la faillite des entreprises privées concurrentes. La création de la SNCF en 1938 a d’ailleurs été réalisée pour nationaliser des entreprises privées en faillite. Oubliant les leçons de l’histoire, l’Union européenne a donc développé un modèle théorique depuis le début des années 90 (avec la directive 91-440) qui vise à mettre en pratique cette séparation infrastructures / transporteurs afin de faire éclater les entreprises ferroviaires publiques et d’introduire la concurrence privée. « (…)la nouvelle donne ferroviaire va immanquablement se traduire par une recomposition en profondeur du paysage des offreurs. Pas sûr que cela se fasse vraiment au bénéfice des usagers, compte tenu des surcoûts entraînés par les nombreux doublons ainsi créés et de la complexification du système ferroviaire lié à cette concurrence ».(3)

Le Conseil supérieur du service public ferroviaire (CSSPF) avait dans un rapport tiré un bilan sévère de la séparation SNCF-Réseau Ferré de France. Un grand syndicaliste, mon ami le regretté Denis Andlauer avec qui je siégeais au CSSPF, avait l’habitude de dire « quand on sépare la roue du rail, ça déraille ». Le système ferroviaire contemporain est de plus en plus complexe (hausse considérable du nombre de circulations avec le succès des TGV et des TER, vitesses de plus en plus élevées,…). L’obsession libérale d’introduire des opérateurs privés ne peut qu’aggraver cette situation (4). Raison de plus pour que la gauche, dans les régions, affirme très clairement son refus de faire appel à des opérateurs privés pour le transport ferroviaire régional.

Éric Thouzeau

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(1): Cédric Audenge La Vie du Rail 30 décembre 2009 (retour)

(2): Guy Numa Alternatives Economiques N°287 janvier 2010 (retour)

(3): ?valuation de la réforme du transport ferroviaire, La documentation française, Novembre 2001 (retour)

(4): Sur les conséquences de la libéralisation dans le ferroviaire, l’association « Voir et Agir » et « Politis » organisent la projection du film « Cheminots » suivi d’un débat au cinéma « La Clef » le 20 janvier prochain à 20 heures (21 rue de la Clef 75005 Paris).

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