GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Puissance US et désordre prolongé au Proche et Moyen-orient

Finalement, nul ne semble résister aux bombardements américains. Ni l'Irak, ni la Serbie, ni l'Afghanistan. Saddam Hussein tient presque deux mois, Milosevic aussi, le mollah Omar pas tout à fait. Mais la violence est telle, dégâts directs et collatéraux inclus, qu'aucun de ces pouvoirs ne peut résister, quelle que soit l'idéologie, le degré de cohésion sociale, de développement économique, d'arriération, ou l'historique, ou les motifs de la guerre. Devant les tonnes de bombes, il y a égalité des dictateurs, des nationalistes et des fanatiques religieux : Allah n'y change rien, le matérialisme l'emporte indiscutablement. Les forfanteries des mollahs ont fait long feu - même si en se dispersant, ils cherchent justement à survivre. Les US, super-puissance mondiale, prouvent chaque fois - en apparence et jusqu'à présent - qu'avec un monopole complet du ciel, des satellites, des missiles, elle peut l'emporter. Mais peuvent-ils gouverner le monde ainsi ? La réponse est : non.

Mondialiser et gouverner par les bombes ?

D S a fortement condamné la guerre du Golfe, et réclame encore aujourd'hui la levée de l'embargo contre l'Irak. D S a désapprouvé les modalités de l'intervention en Serbie, estimant qu'il y avait d'autres façons d'assurer les droits démocratiques et nationaux du peuple du Kosovo. D S a considéré que l'éradication du fanatisme à la ben Laden était légitime après les attentats du 11 septembre, mais a nettement critiqué la façon dont les USA ont bombardé et fait payer au peuple afghan le prix du terrorisme taliban. (On en saura bientôt plus sur les dégâts des bombardements, le coût humain et économique de ceux-ci).

Chacune de ces trois guerres, depuis dix ans, est différente, mais un point est commun : la suprématie militaire des USA qui interviennent où ils veulent à l'autre bout du monde pour imposer ce qu'ils croient être leur "ordre".

Pour autant, dix ans après la guerre du golfe contre l'Irak, rien n'est réglé : le peuple irakien souffre terriblement de l'embargo, le dictateur est toujours là, les kurdes opprimés, et une haine antiaméricaine s'est répandue dans toute la région. Au Kosovo, en Serbie, au Monténégro, en Macédoine, le coût de la guerre est loin d'être absorbé, et la déstabilisation est profonde.

Enfin, en Afghanistan, les talibans ont fui, mais leur poison n'est pas éradiqué, on ne mesure pas encore la réalité des querelles entre chefs de clans et de guerre, ni celle du nouveau gouvernement constitué à... Bonn. La confusion n'est pas prête d'être dissipée. Le Pakistan subira longuement le contre-coup de toute cette épopée. La question du Cachemire risque d'avoir une fonction d'exutoire et fait courir un risque terrifiant de conflit avec l'Inde (cf. D&S n 88-89, "Affaires atomiques"). Le Tadjikistan, le Turkménistan, l'Ouzbékistan, toute l'Asie centrale demeure un volcan. La région du Golfe (notamment l'Arabie saoudite) couve d'autres drames, tout cela est lié aux pipe-lines, au gaz, au pétrole et aux dollars qui vont avec. La démocratie n'y est hélas, pas l'enjeu. Dans les vingt ans qui viennent, avec la baisse annoncée des réserves de pétrole, d'autres conflits s'annoncent : sans politique économique différente, c'est-à-dire avec une poursuite de la mondialisation financière libérale, les Américains risquent de faire régner "leur" terreur mais de produire en retour d'autres générations d'opposants farouches, de terroristes, religieux ou non. En fait, la chute des talibans sous les bombes n'ouvre pas un nouvel ordre mais un "nouveau désordre".

Une fois les caméras repliées...

Car ce qui risque de se produire, une fois ben Laden enfoui sous un tapis de bombes (au lieu de le juger, les Américains semblent avoir - au moment où nous écrivons - choisi de le tuer, ils n'aiment décidément pas le tribunal pénal international...), c'est que les caméras et les journalistes quittent l'Afghanistan. On n'en entendra plus parler, l'aide humanitaire se réduira comme peau de chagrin, le gouvernement afghan restera sous tutelle avec des troupes internationales à demeure, et la question sortie du champ médiatique, ne cessera pas sur place d'être une source de pillages et de guerres.

La victoire serait alors à la Pyrrhus, car ce n'est pas la première fois que l'Afghanistan est occupé, et que les occupants voient une guérilla populaire se dresser peu à peu contre eux (lire les écrits de Marx-Engels, cf. note).Une fois tournée la page des bombes et des commandos, les populations meurtries, amères, ruinées, se détourneront peut-être de la variété "taliban" des fondamentalistes, mais d'autres prédicateurs prendront inéluctablement le relais. Il en sera ainsi tant que les peuples auront le sentiment d'être frappé par une superpuissance aveugle, riche, qui pille leurs richesses et ne leur apporte rien en retour. Le fameux consortium UNOCAL, instrument local du pétrole texan dictera ses volontés (voir D&S n 87 et 89). Cette exploitation, cette domination engendre des revendications qui, elles-mêmes, tant que la gauche n'est pas assez forte, tant que des syndicats ne naissent pas, tant que l'arriération économique et culturelle renforcent les aspects les plus obscurs de la religion, feront resurgir les fanatismes.

Tant que le peuple palestinien martyr n'aura pas retrouvé les droits que la communauté internationale, l'ONU, lui reconnaissent, tant que le peuple israélien qui subit tous les contre-coups, (un peuple qui en opprime un autre n'est pas libre...) ne fera pas régner l'égalité des droits dans toute la région, le désordre libéral attisera les violences au Proche et Moyen-Orient.

Ce sont toutes les séquelles des diverses colonisations qui sont explosives : de façon chaotique, malgré des fous de dieu a la ben Laden, avec des ayatollahs ou d'autres frères musulmans, et des "réseaux" mystiques, la religion a servi de diversion, d'opium, mais c'est toujours la libération, l'émancipation des peuples qui est à l'ordre du jour. Les populations arabes, persanes, kurdes, turques, cherchent la démocratie, le progrès, le bonheur et elles n'y arriveront pas sans bouleverser profondément les désordres actuels et les puissances qui en profitent.

Matti Altonen

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