GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Luc Ferry philosophe dans son sofa

Mais qui êtes-vous, Madame Roquelle ?

C'est la question que l'on pouvait se poser, en ce début du mois de juin, en feuilletant l'inénarrable Figaro Magazine dans les meilleures salles d'attente du pays. Sobrement titré « La France des assistés », l'admirable Sophie Roquelle y signe là un article courageux. Tout à l'encontre de la pensée unique, osant enfin dire tout haut ce que tous ses amis pensent tout bas, elle affirme : « On les surnomme parfois les canapés ». Madame Roquelle disserte aujourd'hui sur les bénéficiaires du RSA.

L'allocataire du RSA y est décrit ainsi. Le meuble qu'il affectionne le plus est le canapé. D'où son nom. Il y passe la plus grande partie de son temps, lové dans de délicieux coussins de soie. Elle précise : « Leur univers se résume à un gros sofa face à un immense écran plat ».

Un immense écran plat ? Le gouvernement aurait-t-il revalorisé le RSA ? En fait non, il est toujours de 466,99 €/mois pour un célibataire et de 700,49 € pour un couple, mais l'article n'en dit mot. Tout juste se borne-t-il à réciter un vague catéchisme libéral sur papier glacé, qu'il justifie par les deux incontournables de l'article de genre : l'expertise de l'IFRAP et le sondage OpinionWay. Mais de la réalité du monde du travail, des véritables bénéficiaires du RSA, de la nécessité des dispositifs sociaux : pas un mot.

Le RSA « est un boulet pour les finances publiques ». Il coûte 10 milliards par an, y apprend-on. Que rétorquer à cela ? Peut-être que les 140 milliards d'euros de niches fiscales répertoriées par la Cour des Comptes, ou la quasi annulation de l'ISF, on pourrait peut-être appeler ça, aussi, de l'assistanat…

Mais qui est donc Sophie Roquelle ? C'est la question qui animait beaucoup d'entre nous en ce début de semaine. L'affaire bruissait sur les réseaux sociaux. Les erreurs grossières de l'article y étaient moquées, et l'on s'y échangeait déjà ses précédents papiers, afin de mieux comprendre les motivations de son auteure. Une ode à Alain Minc, le 28 mars. « Allocations logement, Sécurité sociale : la grande triche » le 4 mars. « Xavier Bertrand : Les fraudeurs volent les Français » le même jour (il s'agissait bien entendu de fraude sociale, et non pas de fraude fiscale).

Madame Roquelle est une récidiviste

Mais comment peut-t-on être aussi éloignée des réalités sociales de son pays ? Habite-t-elle sur Mars ? à Neuilly ? La réponse tomba mercredi matin à 9h15, quand le site « Arrêt sur Images » repris ensuite par Libération, rue89.com et l'Humanité, révéla que Sophie Roquelle était à la ville l'épouse de Jean-François Cirelli, ancienne petite main du sarkozysme lors de la privatisation de Gaz de France et actuel numéro deux de GDF-Suez. Pour cette fonction, il perçoit 2 millions d'euros par an. autant que 300 foyers au RSA. De quoi perdre le sens des valeurs !

De la valeur du travail, déjà. Que signifie « valoir trois cent fois plus » qu'un autre ? De la valeur de l'Humanité aussi, lorsque tout peut s'acheter. Sophie Roquelle est-elle, de par sa situation personnelle, en mesure de traiter de ces sujets ? Connaît-elle un bénéficiaire du RSA ? Rien n'est moins sûr.

La une du Figaro Magazine était à refaire. Non, vraiment, ce n'était pas possible, ce jeune fainéantant sur ce hamac aux couleurs du drapeau français, représentant le chômeur fantasmé par la bourgeoisie : 466,99 €/mois, repu et insouciant... Heureusement, l'actualité vint à point, et l'on apprit que Luc Ferry était payé 4499,00 €/mois par l'université Paris VII, sans qu'il ne travaille. Luc Ferry passe-t-il ses journées à philosopher dans son sofa ? Mystère. Mais avec un si bel exemple, la une sur la France des assistés est tout de suite beaucoup plus réaliste !

Vincent Grenier

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