GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Ces indignés du mouvement du 15m

Ils s'appellent eux-mêmes « los indignados », les indignés, en référence à l'essai de Stéphane Hessel. Personne n'avait vu venir ce mouvement, jusqu'à ce que, ce dimanche 15 mai, plusieurs milliers de personnes aient répondu à un appel à manifester lancé sur internet. « Democracia real YA » s'appelle le collectif qui a coordonné les 50 rassemblements organisés partout en Espagne. Littéralement, les manifestants veulent « une vraie démocratie, maintenant ! ». C'est dans ce sens qu'à Madrid, le cortège de près de 50 000 personnes, arrivé sur la Puerta del Sol, n'a pas souhaité se disperser ce dimanche 15 mai au soir.

En raison du succès obtenu par l'appel popularisé sur les réseaux sociaux, en premier lieu desquels les sites Twitter et Facebook, le mouvement du 15m ne pouvait pas se terminer aussi vite. C'est ainsi que quelques 200 personnes décidèrent de passer la nuit sur place, pour exprimer leur volonté de poursuivre le mouvement jusqu'aux élections locales du 22 mai.

Les revendications portées par les cortèges ont été, dès le début, fortement centrées autour de la précarité, du chômage, du manque de perspectives personnelles et professionnelles. Au cœur des mécontentements, l'injuste gestion de la crise : les manifestants en rejettent la faute sur les hommes politiques et les banquiers. A l'occasion des nouvelles élections, les manifestants critiquent également la cogestion bipartiste de la crise : « Le PP et le PSOE se passent le manche tous les 4 ans sans offrir de solution réelle aux problèmes que nous rencontrons » indique Helena, 22 ans, étudiante en gestion à Valence.

La place des réseaux sociaux

« Sin casa, sin curro, sin pensiòn, sin miedo »

littéralement « sans toit, sans boulot, sans allocation, sans peur » pouvait-on lire dans le texte d’appel. Ce nouveau type de contestation s'empare d'Internet. Sur le site Twitter, des hashtag se sont créés pour suivre le déroulé des événements (#15m , #spanishrevolution), ainsi que l’occupation de la Puerta del Sol jour et nuit (#acampadasol).

Le lendemain, la police évacue ce qui reste de manifestants, encore à moitié endormis sur la Puerta del Sol. Toute la journée du lundi, des centaines de messages appellent les Madrilènes à se regrouper de nouveau le soir venu, afin de « reprendre » la place. A la tombée du jour, ils sont plus de 2 000 à exprimer dans la rue leur souhait de voir perdurer ce mouvement, déjà considéré comme inédit de l'autre côté des Pyrénées.

Pour poursuivre ce mouvement spontané, des rassemblements analogues s'organisent à Séville, Salamanque, Vigo, Barcelone ou encore Valence. Et comme une traînée de poudre, les appels se multiplient à travers l'Espagne, relayés dès le mercredi par des rassemblements devant les ambassades espagnoles de plusieurs capitales européennes. A chaque fois, la même méthode. Des appels lancés sur le site de micro-blogging Twitter font état, via le mot-clé « acampada », pour « campement », de la tenue d'un rassemblement dans la ville concernée, « acampadabcn » pour Barcelone ou encore « acampadaparis ». A l'origine, le plus souvent, deux ou trois personnes, vite relayées par tout un réseau aux aguets de tout nouveau rassemblement.

Quelles répercussions politiques ?

A Madrid, alors que dès le 18 mai, des questions se posent sur la compatibilité d'une telle occupation et la tenue d'élections, la Puerta del Sol revendique un mouvement totalement indépendant et surtout pacifiste, et choisi la désobéissance civile en annonçant tenir coûte que coûte son campement madrilène. Il en sera de même dans les principales villes espagnoles. Vendredi soir à minuit, lors du passage officiel dans la journée de réflexion électorale d'avant-vote, le souffle retenu par plus de 50 000 personnes, qui remplissent la Puerta del Sol et ses nombreux abords, fait de cette minute de silence une sorte de mythe collectif qui indique que quelque chose est en train de se dérouler ici.

Et après ? La suite de l'histoire, c'est la défaite historique du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE), au pouvoir depuis 2004, et la tentative du Parti Populaire (PP) de se proposer comme réponse à cette protestation. Une chose est sûre, dans la tête des manifestants qui, au cours du dimanche 22 mai, jour de vote, ont décidé en assemblée générale de continuer les occupations, les dirigeants des deux grands partis sont renvoyés dos-à-dos. A la gauche de la gauche, « Izquierda Unida », mouvement comprenant le PC espagnol, des écologistes et plusieurs mouvements post-trotskystes, s'est joint au mouvement, mais pas en son nom propre, car dans les occupations, personne ne fait état de son engagement politique. Le courant interne du PSOE « Izquierda socialista », réputé proche d'UMA en France, a lui alerté les instances de son parti sur l'importance à donner à ces rassemblements.

D'une manière générale, il s'agit bien d'une volonté de refonte démocratique profonde qui se manifeste chez les Espagnols. Les institutions telles qu'elles fonctionnent ne satisfont pas les manifestants qui cherchent désormais à étendre toujours plus leur mouvement, à commencer par la jeunesse des pays européens, qui veut trouver dans ces mobilisations le moyen de se faire entendre. Les partis de gauche l'entendront-ils, cesseront-ils la cogestion de la crise et s'uniront-ils pour y donner la bonne réponse ?

Julien Monier

Document PDF à télécharger
L’article en PDF

Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS




La revue papier

Les Vidéos

En voir plus…