Aux associations et syndicats du collectif "Plus jamais ça"
Nous reproduisons ci-dessous un courrier que la Gauche démocratique et sociale a fait parvenir aux associations et syndicats qui ont publié un "plan de sortie de crise" (collectif déjà à l'initiative de l'appel "Plus jamais ça ! Préparons le jour d'après".
Cher.es ami.es et camarades
Lors de la réunion du 20 mai où vous avez invité une dizaine de partis de la gauche sociale et écologique, nous avons expliqué que l’appel « Plus jamais ça » que vous avez initié, et la démarche que vous avez engagée était « une bouffée d’oxygène » pour toutes celles et tous ceux qui croient à une issue progressiste aux crises que nous vivons. La publication de votre « plan de sortie de crise » nous confirme dans cette appréciation.
Que des associations et syndicats aux histoires différentes et aux préoccupations initiales distinctes réussissent à produire un tel document est un exemple dont les partis politiques de gauche devraient avoir la sagesse de s’inspirer. « Là où il y a une volonté, il y a un chemin ! ».
Ce chemin, nous espérons que vous allez continuer à le tracer ensemble et nous nous déclarons prêts à vous y accompagner pour mener toutes les actions communes que la situation impose. La journée de mobilisation des personnels soignants annoncée le 16 juin est peut-être la première occasion au travers de la défense de l’hôpital public de travailler ensemble et concrètement tant au plan national que dans les territoires.
Nous vous avons transmis il y a quelques semaines un document que la Gauche démocratique et sociale (GDS) a publié début avril « Pandémie : urgences et jours d’après ». Nous avons retrouvé dans votre texte de nombreuses préoccupations et exigences communes. C’est tout à fait normal puisque vous représentez des expériences militantes de terrain au sein de différents mouvements sociaux. Les militant.es du réseau de la Gauche démocratique et sociale, sont souvent eux-mêmes des militant.es syndicaux et/ou associatifs. Vos débats, nos débats se recoupent. Ils partent de l’analyse de la situation concrète que les salarié.es et citoyen.ne.s vivent, des revendications qui en découlent et des mobilisations syndicales et citoyennes de ces dernières décennies.
Nous pensons que plusieurs thèmes sont plus particulièrement d’actualité pour les semaines et mois à venir :
Augmenter les salaires : La question sociale c’est toujours la question de la répartition entre le Capital et le Travail, d’où l’importance des revendications salariales. La revendication de « 300 euros » affirmée depuis plus d’un an par les soignants est un exemple qui peut faire école dans de nombreux autres secteurs où les « premiers de corvée » ont des salaires inversement proportionnels à leur utilité sociale. S’y ajoute,,selon nous, la question de l’égalité salariale femmes-hommes qui devrait être imposée par la loi sous menaces de fortes sanctions.
Empêcher les licenciements : l’emploi est une préoccupation commune majeure. Nous nous retrouvons pleinement dans la nécessaire réduction du temps de travail. Vous revendiquez aussi, à juste titre, l’interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des bénéfices. Cela risque d’être insuffisant face à la « vague » de licenciements qui s’annonce. Comment les empêcher ? Renforcer les moyens de l’Inspection du travail pour contrôler ces licenciements et prolonger le chômage partiel jusqu’à la fin 2020 sont aussi nécessaires nous semble-t-il. De même que le refus de la précarité. Il conviendrait d’exiger un plafond maximum de 5 % de CDD ou intérim de l’effectif de chaque entreprise. L’encadrement de la sous-traitance est aussi une question d’importance qui supposerait : responsabilisation des donneurs d’ordre, alignement des conventions collectives des sous-traitants sur celles des entreprises utilisatrices, limitation à un seul niveau de sous-traitance, reconnaissance facilitée des unités économiques et sociales.
Enfin la relocalisation de certaines industries suppose de l’inscrire dans la liste des luttes à entreprendre et gagner. De même la reconversion de certains secteurs - avec maintien des emplois et formations - doit permettre d’aborder les questions de l’industrie et du numérique.
Redémarrer en décarbonant l’économie : atteindre la neutralité carbone est un objectif essentiel. « L’enjeu n’est pas la relance d’une économie proprement insoutenable » mais de prioriser les investissements pour la transition écologique, et même de « désinvestir des activités les plus polluantes et climaticides » comme vous le disiez déjà dans votre appel initial. Cela nécessite une volonté politique claire, et une capacité à tenir tête à tous les lobbies qui n’ont aucun intérêt à cette transition écologique. Ce ne sont pas Macron et ses amis qui sérieusement peuvent mener à bien une telle politique étant donné la composition de la base sociale de ce pouvoir, certes étroite mais liée la finance.
Se doter de moyens financiers : comme vous le notez dans le point 3 de votre plan, « l’argent magique existe : il suffit d’aller le chercher au bon endroit ». Il faut en finir avec un monde dominé par la finance et qui accroît chaque jour un peu plus les inégalités. Il ne s’agit pas seulement de rétablir l’ISF, mais de le compléter par un impôt « pandémie » sur les plus riches. Et d’augmenter les droits des grosses successions, de taxer à 90% tout salaire ou revenu supérieur à 20 fois le SMIC. Une vraie réforme de l’impôt sur le revenu pour le rendre plus progressif en accroissant le nombre de tranches est tout aussi nécessaire. Cela doit s’accompagner d’un réel plan de lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale.
Sur ces quatre thèmes, nous pensons que des échanges entre associations, syndicats et partis doivent se poursuivre. Ces échanges peuvent aussi aborder d’autres thématiques. Prenons quelques exemples :
La retraite : La pandémie a mis en évidence l’utilité sociale de ceux et celles qui pâtiraient le plus d’une retraites par points, calculée sur toute la carrière avec la fixation d’un âge pivot destiné à équilibrer financièrement le système de retraite. Ce projet doit donc être abandonné et le système actuel de retraite par annuités doit être amélioré. La retraite doit permettre à la population retraitée de profiter de sa retraite en étant le plus longtemps possible en bonne santé. Nous estimons nécessaire de revenir aux 40 annuités de cotisations, de supprimer les décotes, de valider des trimestres au titre d’années d’étude et de formation, pour une retraite à taux plein à 60 ans. Le montant de la retraite devrait garantir un taux de remplacement du salaire de l’ordre de 75 % pour une carrière complète en se rapprochant de 100 % pour les salaires les plus bas, sans que le montant de la retraite puisse être inférieur au Smic. L’augmentation des cotisations retraites, en particulier de sa part patronale, devrait financer cette avancée sociale. La retraite à 60 ans est, aussi, une façon de diminuer le temps de travail sur toute une vie et de permettre aux plus jeunes de trouver un emploi.
Enfin, les retraités par leurs engagements associatifs et autres sont des éléments importants de la vitalité démocratique, citoyenne dans nos villes et nos villages.
L’obsolescence programmée :
Des mesures pour contrôler l’ « obsolescence programmée » (en réalité contre l’usure physique programmée) doivent être mises en place. Ces mesures permettraient de combiner le combat contre la fin du monde et pour les fins de mois. La programmation, par exemple, d’un lave-linge pour durer cinq ans alors qu’il pourrait servir pendant 20 ans porte atteinte à la fois à la lutte contre le réchauffement climatique et au portefeuille du salarié qui en fait l’acquisition. Augmenter la durée de vie d’un produit nécessite de prendre en compte la diminution des emplois qui en résulterait. La diminution du temps de travail est aussi une réponse nécessaire.
Rationaliser les transports publics. Tout comme la santé, l’école, et d’autres services publics de l’énergie, de l’eau, des communications, le transport ferroviaire fait partie «des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché». La SNCF doit redevenir un service public efficace pour le maillage des territoires et comme alternative au tout-automobile. Il y a besoin de revenir sur son ouverture à la concurrence, revenir à un statut unique des cheminots. Il faut supprimer les cars «Macron». Développer le ferroutage comme alternative aux transports routiers est une nécessité absolue. De même il convient de développer une politique de gratuité pour les transports en commun dans les villes où c’est possible.
L’Europe : nous avons mené, les uns et les autres, des combats contre la construction néo-libérale de l’Europe. La proposition de la Commission d'un Fonds de relance financé par un emprunt européen, puis l’annonce d’une Conférence sur l'avenir de l'Europe remettent au premier plan la question européenne. Nous avons, pour notre part, mis en avant quatre principes: la monétisation des dettes, l'augmentation substantielle du budget européen (y compris via l'émission de dette européenne), la création d'impôts directs européens (sur les sociétés et les grandes fortunes) ainsi qu'une modification des traités pour donner au Parlement européen le pouvoir de lever l'impôt et contracter des dettes. Nous constatons que votre texte comporte une mesure proche de la nôtre, à savoir l'annulation des dettes détenues par la BCE qui nécessite d’être complétée par des mesures sur la fiscalité européenne ainsi que par une réflexion sur les modifications à apporter aux traités.
Nous n’avons pris que quatre exemples (nous aurions pu parler des services publics, ou d’un autre modèle agricole et de la sécurité alimentaire…). Il s’agit pour nous de montrer tout l’intérêt que les partis politiques de la gauche et de l’écologie auraient à engager un débat de fond avec les syndicats et associations que vous êtes. Pour notre part, nous y sommes prêts.
Ces débats n’ont de sens que s’ils sont tournés vers l’action. L’action commune est la meilleure façon d’augmenter le rapport de force, et donc d’emporter des victoires. C’est aussi dans l’action que les différents points de vue peuvent évoluer et converger chaque fois que possible. Les syndicats et les associations, tout comme les partis, traitent de toutes les questions qui se posent à la société. L’action commune est donc possible.
En revanche, la fonction des uns et des autres n’est pas identique. Quel que soit le pouvoir en place, les syndicats et associations ont le devoir de garder leur indépendance, les partis quant à eux aspirent à exercer le pouvoir (nationalement ou localement). Le rassemblement de la gauche et des écologistes pour en finir avec le tête-à-tête Macron-Le Pen nous semble incontournable. Pour nous, la lutte Capital-Travail amène au besoin d’unifier le salariat en tant que classe sociale en butte à la classe dominante. Et d’unifier toutes les sensibilités de la gauche qui, d’une manière plus ou moins déformée, représente les différents points de vue qui existent au sein même du salariat. Nous poursuivrons ce combat malgré les difficultés actuelles. Mais soyez sûrs que l’existence de votre alliance est un élément positif qui bouscule et bousculera la gauche politique.
Modestement mais sans relâche nous poursuivons ce combat pour l’unité sans laquelle rien de grand n’est possible !
Pour la Gauche démocratique et sociale (GDS)
Anne De Haro, Jean-Claude Branchereau, Gérard Filoche, Eric Thouzeau