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Le contrat contre la loi : Canal + ou canaille plus ?

Nous publions ici un article paru dans la revue Démocratie&Socialisme n°246 (été 2017)

La presse vient de nous révéler une récente décision du tribunal de grande instance de Nanterre : la cour condamne Canal + à verser environ 15 millions d’euros à 5 000 salariés en France, dans le cadre d’un litige sur la prime d’intéressement.

De quoi s’agit-il ? En juin, la direction signait un accord d’entreprise portant sur l’intéressement. En février 2017, la même direction refusait de l’appliquer, ou plus exactement elle modifiait unilatéralement le périmètre sur lequel le bénéfice devait être calculé. Ce faisant, elle abaissait le montant global de l’intéressement de 15 pauvres petits millions d’euros, soit de l’équivalent d’environ un mois de salaire de chacun des 5 000 salariés concernés.

Si cette information a été assez bien reprise dans les médias, les commentaires n’en tirent aucun enseignement. Et pourtant...

Vive les accords d’entreprise !

En cette époque où les gouvernements successifs nous vantent à grand coup d'annonce l’avantage des accords d’entreprises censés répondre « au plus près du terrain » aux désirs des salariés (vous remarquerez que les besoins de l’entreprise ne sont pas ici évoqués), cette affaire montre bien les limites de cette vue des choses. Le constat est simple : après avoir signé un accord d’entreprise, les quatre syndicats concernés ont dû faire appel à la justice pour le faire appliquer !

La loi n’est pas faite pour les enfants de chœur

Faire croire que les accords d’entreprises seraient avantageux par rapport à la loi pour tous reçoit ici un flagrant démenti. Autour de la table de négociation il n’y a pas que des enfants de chœur. Faire comme si aucun employeur ne se comportait comme un voyou relève de l’escroquerie intellectuelle la plus achevée.

Il est certain qu’à travers les règles disciplinaires dont il est le seul maître, aucun employeur n’essaiera jamais d’empêcher la candidature d’un vrai délégué du personnel dans « son » entreprise. Pas plus qu’à travers les règles électorales, il n’essaiera de faire élire son beau-frère au second tour (voire au premier avec le concours d’une organisation syndicale voyant là un bon moyen d’être plus « représentative »), qui ensuite – oh surprise ! – signera un accord « majoritaire » bien en deçà de la loi. Il faut vraiment être tordu pour imaginer un truc pareil !

L’intéressement, c’est intéressant ?

L’autre enseignement que l’on pourrait tirer de cet épisode remarquable du dialogue social se situe autour de la notion de rétribution d’un travail.

Si le montant d’un intéressement représente souvent un montant suffisamment appréciable pour que certains se laissent abuser, il faut tout de même se poser quelques questions.

Comment une entreprise expliquant à ses salariés ne pas avoir assez d’argent pour augmenter les salaires peut-elle en trouver pour payer un intéressement ? Mystère de la foi en l'idéologie libérale ? Tour de passe-passe comptable ? Ou plus simplement honteux mensonge visant à modifier profondément le salariat ?

Viendra-ton demain travailler pour un pourcentage plus ou moins important de la plus-value que l’on contribue à créer en lieu et place de salaire ? C’est bien le but évident de tous les promoteurs de l’intéressement.

Que les salariés aveuglés par les montants immédiats proposés fassent bien attention : on voit comment, à travers une parole reniée ou un montage fiscal approprié, le patronat peut modifier le montant de la plus-value à partager sans qu’eux, salariés, puissent exercer aucun contrôle. Lâcher la proie pour l’ombre n’a jamais ramené au chasseur de quoi manger !

Vous avez dit dialogue social ?

Dernier enseignement de cet épisode : M. Vincent Bolloré (qui contrôle Canal + via Vivendi), représentant du grand patronat français, montre bien ce que le Medef entend par « dialogue social » : un propos qu’on peut renier du jour au lendemain et qui n’engage donc à rien.

Cela augure bien de la période que voudraient ouvrir le gouvernement et quelques organisations syndicales.

La confiance se mérite et, en l’espèce, la démonstration vient de nouveau d'être faite que celle-ci n’est pas à l’ordre du jour.

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