GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Economie Théorie Histoire

Vers une crise financière sans précédent ?

Nous reproduisons ci-dessous un article de notre amie Clémentine Frondeuse paru dans la revue Démocratie&Socialisme de février 2016.

La fin d'année 2015 et le début 2016 ont été marqués par de fortes turbulences sur les marchés financiers. La bourse de Shanghai a été particulièrement touchée, avec une chute de 23 % des cours en janvier, le pire recul depuis la crise de 2008. Faut-il voir dans cet affolement des bourses asiatiques, et maintenant mondiales, les prodromes d'une nouvelle crise dans la crise ?

Cette instabilité des marchés chinois s'explique en premier lieu par le ralentissement de la croissance du pays en 2015 et par l’incertitude qui pèse sur les capacités futures du pays à modifier son modèle de croissance. Elle provient également, comme pour les autres bourses nationales, de l'instabilité des cours du pétrole et, plus globalement, de l'instabilité géopolitique qui a marqué l'année 2015.

Des marchés financiers très instables

Le premier effet de cette instabilité est d'amplifier le contexte d'incertitude qui existe actuellement et de contribuer au ralentissement de l'économie mondiale. Associée à la décélération de la croissance aux États-Unis (seulement 0,7 % de croissance au dernier trimestre 2015), au Brésil et en Chine notamment, l'instabilité des cours boursiers pèse négativement sur les décisions d'investissement des entreprises.

Cette incertitude sur la croissance économique future pèse à son tour sur l'instabilité des marchés financiers, provoquant ainsi une spirale dangereuse. Au-delà de ces mouvements boursiers, l'économie mondiale fait aujourd'hui face à un risque majeur qui découle des politiques expansionnistes menées par les banques centrales depuis cinq ans.

Vers une nouvelle crise obligataire ?

Patrick Arthus, dans son dernier ouvrage, évoque l'état de crise financière permanente qui s'installe depuis l'explosion de la bulle Internet en 2001 et le risque à venir d'une crise financière majeure.

Suite à la crise de 2008-2009, les banques centrales ont massivement injecté des liquidités dans l'économie afin de racheter les actifs financiers détenus par les banques, donc pour sauver le secteur bancaire. Elles ont par la suite poursuivi cette politique pour relancer l'activité économique afin de lutter contre la déflation. La baisse des taux d'intérêt est en effet un des leviers de la politique macroéconomique. En réduisant le coût du crédit, elle doit provoquer un effet de relance de l'investissement et de la consommation.

Alors que ces politiques monétaires étaient justifiées pendant la crise de 2008, leur poursuite pose aujourd'hui problème, leurs effets de relance étant quasi inexistants. Jamais autant de liquidités n'ont circulé sur les marchés internationaux, provoquant la création d'une nouvelle bulle, la bulle obligataire. Aujourd'hui, les dettes souveraines atteignent 5 500 milliards de dollars, dans un contexte de taux d'intérêt quasi nuls.

Le niveau faible des taux d'intérêt pousse les acteurs financiers à prendre davantage de risques, fragilisant l'ensemble du système. Une remontée des taux d'intérêt (notamment de la FED), qui apparaît de plus en plus inévitable, provoquerait à la fois un étranglement des pays massivement endettés, mais également une rupture de la confiance des détenteurs des dettes souveraines, avec des conséquences dramatiques. Patrick Arthus pointe également d'autres facteurs pouvant déclencher la crise : l'instabilité géopolitique en Arabie Saoudite, ou les difficultés du Brésil, voire de la Russie.

Une crise qui serait d'une ampleur sans précédent

La masse de monnaie en circulation étant largement supérieure à celle de 2008, les effets de la crise financière seraient sans précédents, car les retraits des capitaux des secteurs où ils avaient été massivement investis atteindraient une ampleur historique.

Globalement, les effets positifs de ces politiques expansionnistes (baisse de l'euro et relance des exportations, baisse des charges d'intérêts pour les États, baisse du coût du crédit pour les entreprises et les ménages) sont loin d'avoir compensé les risques encourus par la création d'une nouvelle bulle et donc le déclenchement d'une grave crise financière potentielle.

L'économie mondiale apparaît ainsi aujourd'hui dans une impasse. Les taux d'intérêt trop faibles ne correspondent plus à la réalité économique et ces politiques expansionnistes, sans autre mesure macroéconomique de soutien à l'activité, ont montré leurs limites. Cependant, une remontée des taux provoquerait un étranglement des emprunteurs et une explosion de la bulle obligataire. Ce retournement créerait de graves difficultés financières pour les détenteurs des obligations (sociétés d'assurance-vie, fonds de pension et banques principalement), avec un impact désastreux sur l'économie mondiale.

Cette situation soulève plusieurs questions.

1. La première est celle d'un retour à un réel « policy-mix », qui repose sur une coordination des politiques monétaires et budgétaires, mais également industrielles, afin que les instruments déployés atteignent leurs objectifs et servent bien la relance de la croissance.

2. La deuxième est celle de la régulation des acteurs financiers non bancaires (fonds de pension, assurance-vie, fonds spéculatifs) dont les activités sont déstabilisatrices pour l'ensemble des acteurs économiques.

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