Le 6e rapport du GIEC tombe à pic
Les inondations et les incendies évoqués dans l'article "dérèglement climatique, un été riche d'enseignements" montrent, si le besoin s’en faisait encore sentir, l’ampleur du changement climatique et ses conséquences très directes et perceptibles pour la vie sur la Terre. Le nouveau rapport du GIEC, rendu en août, tire le signal d’alarme.
Le 6e rapport du GIEC confirme les précédents et dresse un état des lieux alarmant. Il donne aussi les impacts par région et propose un atlas interactif permettant aux gens de vérifier les changements climatiques là où ils vivent.
Constat sans appel
Le fait nouveau dans ce rapport est que les experts du GIEC disent clairement que les activités humaines sont « sans équivoque » à l’origine du réchauffement. C’est une avancée majeure de ce rapport. Cette assertion est étayée par de nouvelles données et études démontrant le lien direct entre émission de CO2 dues aux activités humaines et dérèglements climatiques.
La situation climatique est grave et sans précédent, avec notamment une concentration de CO2 très élevée. Les terres émergées se réchauffent plus vite que les océans, les pôles plus que les tropiques. Le dérèglement climatique conduit à des évènements extrêmes comme sécheresses, très fortes pluies, inondations, fonte des glaciers et des calottes glaciaires, cyclones violents.
Le rapport note également que le changement climatique que nous vivons aujourd’hui est plus rapide qu’on ne le pensait.
Le constat est sans appel : les cinq dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées depuis au moins 1850, la hausse du niveau de la mer est trois fois plus rapide par rapport à la période 1901-1971, la fonte des calottes glaciaires s’accélère. Dans ce schéma, des points de basculement aux conséquences imprévisibles, comme la disparition de la forêt amazonienne ou de la calotte glaciaire, pourraient être atteints.
Dérèglement tous azimuts
Selon les scenarii retenus pour les émissions de gaz à effet de serre (GES), les experts prévoient une hausse des températures, d’ici la fin du siècle, allant de 1,4 à 4,4° C. De même, l’expansion thermique des océans sous l’effet du réchauffement amène une montée des eaux pouvant aller de 0,3 m à 1,9 m d’ici 2150, sans exclure une hausse pouvant aller jusqu’à 5 m !
Le rapport précise aussi que le changement climatique ne concerne pas que la température, mais aussi :
- le cycle de l’eau (pluies plus intenses, inondations, sécheresses plus intenses) ;
- la répartition des pluies (hausse des précipitations aux hautes latitudes et baisse dans une grande partie des régions subtropicales, changements dans les pluies de mousson) ;
- l’élévation du niveau de la mer ;
- le dégel du pergélisol et la perte de manteau neigeux saisonnier, la fonte des glaciers et des calottes glaciaires, la diminution des glaces de mer arctiques en été ;
- des changements dans l’océan (réchauffement, fréquence accrue des vagues de chaleur marines, acidification, baisse de la teneur en oxygène) liés aux activités humaines et affectant les écosystèmes marins et les populations dépendant de ceux-ci ;
- la possibilité que certains aspects du changement climatique soient accentués dans les villes, notamment la chaleur et dans les villes côtières, les inondations dues à de fortes précipitations et à l’élévation du niveau de la mer.
Les experts du GIEC estiment que les actions humaines peuvent encore déterminer l’évolution du climat à venir et qu’il est encore possible de maintenir la hausse des températures sous les 1,5 °C à condition de limiter très fortement les émissions de GES. Or, en l’état actuel des actions menées, nous allons vers un scénario catastrophe de + 2,9° C. Pour eux, il est clairement établi que le CO2 est le principal moteur du changement climatique, même si d’autres gaz à effet de serre et divers polluants atmosphériques affectent eux aussi le climat. « Il faudra, pour stabiliser le climat, procéder à des réductions fortes, rapides et soutenues des émissions de gaz à effet de serre et ramener à zéro les émissions nettes de CO2. La limitation des autres gaz à effet de serre et des polluants atmosphériques, en particulier le méthane, pourrait être bénéfique pour la santé publique comme pour le climat », a déclaré M. Zhai, co-président du Groupe de travail n°1 du GIEC.
L’AMOC aux trousses
À cette nouvelle alerte du GIEC, nous devons aussi associer l’étude publiée début 2021 montrant que « la circulation méridienne de renversement de l’Atlantique (AMOC) n’a jamais été aussi faible que ces dernières décennies ». AMOC est un acronyme de l’expression anglaise désignant, dans l’Atlantique, un courant océanique jouant un rôle fondamental dans la redistribution de la chaleur sur Terre.
La chercheuse océanographe au CNRS, Julie Deshayes, qui n’a pas participé à l’étude, rappelle que l’AMOC « n’est pas un seul courant, mais une moyenne, une construction mathématique qui regroupe, fusionne plusieurs courants différents dans tout l’Atlantique Nord, dont le Gulf Stream ».
L’océanographe Juliette Mignot (Institut de recherche pour le développement [IRD] et membre du laboratoire LOCEAN) explique que « l’AMOC déplace près de 20 millions de mètres cubes d’eau par seconde transportant l’eau de surface chaude de l’équateur vers le nord et renvoyant de l’eau profonde froide et à faible salinité vers le sud » et qu’en « ce moment, on craint qu’avec le réchauffement du climat et la fonte des glaces, de l’eau douce s’ajoute au système, ralentissant la circulation de l’AMOC ».
En fait, l’AMOC joue un peu un rôle de thermostat pour la planète. L’étude citée précise ainsi que ce système, dont fait partie le Gulf Stream, est arrivé à son point de rupture1. À ce jour, personne ne sait quand celui-ci interviendra. Une rupture modifierait donc le climat des zones concernées2.
Cet article de notre camarade Didier Lassauzay a été publié dans le numéro 288 (octobre 2021) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).
1.Voir Clémentine Thiberge, "Le système des courants de l’océan Atlantique au bord de la rupture", Le Monde, 10 août 2021.
2.Suite et fin de cette série d’articles sur le 6erapport du GIEC dans le numéro de novembre de Démocratie & Socialisme.