GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

Brésil : lʼexemplaire résistance des femmes

Quatre femmes ont été tuées chaque jour depuis le début de l’année au Brésil. D’après l’OMS, ce dernier fait partie des sept pays les plus violents contre les femmes et 66 % des féminicides ont lieu au domicile de la victime.

Les milieux dʼaffaires et les médias ont mené une campagne ignoble contre Dilma Rousseff – élue en 2010, puis réélue en 2014 – en répétant à lʼenvi que seul son parti était corrompu. Elle a finalement été destituée par le Sénat le 31 août 2016. Pour l’élection présidentielle de 2018, Lula, leader historique de la gauche et favori des sondages, sʼest fait bâillonner par la réaction. Fernando Haddad lʼa remplacé au pied levé pour le PT, mais Jair Bolsonaro lʼa emporté fin octobre 2018.

La résistance sʼorganise

Depuis 2015, prétendant contrer « l’idéologie du genre », des projets de loi municipaux dénoncent les enseignants qui seraient « hostiles à la famille » et prôneraient l’homosexualité. Des municipalités approuvent des cours « d’éducation morale et civique » sur le modèle de ce qui existait du temps de la dictature.

Marielle Franco est une sociologue noire, lesbienne et féministe, issue d’une favela. Élue en 2016 conseillère municipale de la ville de Rio, elle portait l’espoir des femmes et des jeunes des favelas, car les inégalités sociales se fondent en premier lieu sur le racisme issu de l’esclavage qui ne fut aboli au Brésil qu’en 1888. Assassinée le 14 mars 2018 (il ne s’agit pas d’un crime crapuleux, mais bien d’une exécution, les cartouches utilisées provenant d’un lot de munitions de la police fédérale), cette femme qui dénonçait les violences contre la population noire et les plus pauvres est devenue le symbole de la résistance au régime de terreur promis par Bolsonaro. Nombre de femmes rejoignent alors le mouvement Mulheres Negras Decidem (« Les femmes noires décident »).

Ce mouvement se bat contre Bolsonaro et, samedi 29 septembre, des centaines de milliers de femmes se sont rassemblées à Saõ Paulo, Rio de Janeiro, Brasilia, Belo Horizonte, Recife, Salvador et Porto Alegre, ainsi que dans une soixantaine de villes au Brésil pour crier #EleNao (« Pas lui »).

Não meu presidente

Jair Bolsonaro, ancien parachutiste et ex-capitaine de lʼarmée, ne cache pas son admiration pour Donald Trump. Symboles de ce nouveau cap : le souhait de transférer lʼambassade du Brésil à Jérusalem et de se retirer de lʼaccord de Paris sur le climat.

Pour son investiture, le 1er janvier 2019, plusieurs dirigeants internationaux ont fait le déplacement, parmi lesquels Viktor Orbán et Benyamin Netanyahou. « Aujourdʼhui est un jour où le peuple commence à se libérer du socialisme et du politiquement correct », déclare-t-il lors de son discours inaugural. Cela ne détone pas avec les nombreuses saillies machistes, misogynes, homophobes et racistes qui ont émaillé ses 27 ans de mandat de député.

Les déclarations sexistes et homophobes ? Entre autres, « Je n’embaucherais jamais une femme et un homme au même niveau de salaire ». Il a par ailleurs affirmé quʼil préférait que ses fils meurent dʼun accident de la route plutôt que de les savoir homosexuels. Il a également lancé à une députée quʼelle « ne méritait pas » quʼil la viole car elle était « trop moche ».

Soutenu par les élites brésiliennes les plus rétrogrades, Bolsonaro a pour dessein de s’attaquer à toutes les minorités. Selon lʼhistorienne Maud Chirio, il sʼagit rien de moins que « dʼimposer la norme de la majorité aux Indiens, aux homosexuels, aux Noirs, aux militants de gauche, aux minorités et aux oppositions ».

Réaction sur toute la ligne

Dès son investiture, Bolsonaro a nommé Damare Alves, une pasteure « évangélique », ministre des Femmes, des Enfants et des Droits de lʼhomme. Elle a confié qu’à ses yeux, la meilleure place de la femme, destinée à être mère, était à la maison. Cʼest avec un grand sourire aux lèvres et le poing levé qu’elle a exprimé son enthousiasme, en scandant ce slogan : « Attention, attention ! C’est une nouvelle ère au Brésil : les garçons s’habillent en bleu et les filles en rose ».

La campagne électorale, particulièrement polarisée, a été l’occasion d’une recrudescence d’agressions misogynes et homophobes. Jair Bolsonaro est en partie responsable des violences commises contre les minorités durant la campagne électorale. Son discours misogyne, homophobe et raciste a en effet donné une légitimité à la frange la plus violente de ses électeurs. À Rio de Janeiro, les militantes sont dʼautant plus inquiètes que la vague ultra-conservatrice avait déjà déferlé sur la ville avec l’élection il y a deux ans d’un maire « évangélique ».

Eliana Sousa, directrice de lʼONG Redes da Maré, qui coordonne de nombreuses activités culturelles et sociales dans une des favelas les plus violentes de Rio sait que la lutte sera rude. « La défense des droits de lʼhomme dans la favela est une tâche particulièrement ardue. Et nous nous attendons à ce que la situation soit encore pire avec Bolsonaro. » Et la responsable associative de conclure : « Les femmes ont toujours été à la pointe des transformations sociales, nous voyons ça très clairement dans la favela. Et je crois quʼelles continueront à montrer toute leur créativité pour organiser cette résistance ».

Cet article de notre camarade Sybille Fasso est à retrouver dans le numéro de février 2019 de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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