Hier, jeudi 27 novembre, à 18h, les militantes du Planning Familial appelaient à manifester contre la présence de Xavier Dor, président de l'association "SOS tout -petits", champion trop connu des actions violentes anti-IVG.

Il y avait une foule relativement importante compte -tenu de l'heure, du jour, du froid et de la publicité restreinte donnée à cette action. La mobilisation avait de quoi satisfaire les ami(e)s du Planning, il y avait des chansons, des banderoles, des représentants de différents partis politiques dont une petite délégation (féminine) du PS, et même la Grande loge féminine de France avec ses décors.

Pendant ce temps, au détour d'une loi contre la violence routière, le gouvernement faisait voter un amendement créant le délit d'interruption involontaire de grossesse, sanctionnant les chauffards qui blessent ou tuent une femme enceinte, en prenant en compte l'autre victime : l'enfant à naître.

Premier pas vers la reconnaissance du foetus en tant que personne, la Droite, à travers ce texte, avance masquée vers la révision de la loi Veil.

Si l'on veut bien s'arrêter un peu pour réfléchir, la tactique de la Droite est toujours la même (normal, puisque ça marche).

On agite un leurre pour attirer l'attention et, pendant que les regards sont détournés, on détruit des droits fondamentaux.

Si vous en doutez, méditez ces différents exemples, en suivant le déroulement du scénario :

1er temps. Une annonce forte :

La lutte contre le cancer, grande cause nationale (Chirac. Discours du 14 juillet 2002)

2ème temps. Le Gouvernement agit, les actes suivent l'annonce :

on augmente le prix des cigarettes.

La décision est présentée comme une mesure de salubrité publique prise dans la lignée des priorités annoncées par le Président de la République. Le tabac tue, c'est écrit dessus. Il faut fumer moins ou mieux, ne plus fumer du tout. Le tabac tue-t-il moins ou plus que l'alcool, moins ou plus que l'abus de médicaments ? On ne pose pas la question. Les intérêts en jeu ne sont pas les mêmes.

3ème temps. Une campagne orchestrée.

Les médias s'en saisissent, en font la " UNE " des journaux, des télés, nous avons droit aux micros-trottoirs avec interview du pilier de bistrot, du patron de bar-tabac en colère, la crainte du vote Le Pen de la corporation des débitants de tabac, les débats sont lancés Pour la hausse ? favorise-t-elle ou non la contrebande et le trafic ? Est-ce que les fumeurs arrêtent quand la hausse est très importante, etc, etc…

4ème temps.

En fait, les temps 3 et 4 sont simultanés. Doucement, silencieusement, le Gouvernement détruit ce que les luttes sociales ont mis plus d'un siècle à construire.

Pendant qu'on nous amuse avec le prix des cigarettes, des centaines de médicaments sont déremboursés, les crédits des hôpitaux publics sont amputés, la réforme de la Sécurité Sociale instaure la médecine à deux vitesses. Mieux vaut être riche et bien portant que pauvre et malade, c'est l'avenir radieux proposé par la Droite.

Deuxième exemple.

1er temps. Une annonce forte : " Je veux rassembler les Français ". Chirac, le 5 mai 2002.

2ème temps. Les actes vont suivre l'annonce. Le Gouvernement mettra tout en œuvre pour préserver la République laïque.

3ème temps. Une campagne orchestrée.

Depuis 1989, quelques filles se présentent au lycée avec un voile sur la tête. Nous sommes toutes et tous, au sein de notre mouvance, partisans de la laïcité. Personnellement, je suis radicalement contre le voile, signe non d'ostentation religieuse mais, d'infériorisation de la femme, de sa réduction à l'état d'objet sexuel pour l'homme. Cependant, cette agitation soudaine autour de cette question ne doit-elle pas nous interpeller ?

Les médias s'en saisissent, en font la UNE des journaux, des télés, nous avons droit aux micros-trottoirs avec des interviews de lycéennes pro et ant-voiles, de proviseurs de lycée, de principaux de collèges de banlieues, Sarkozy prend position, Fabius fait un tabac sur le sujet au congrès de Dijon. Les débats du Forum social européen si riches et divers, sont réduits dans les journaux télévisés aux prises de position de Tariq Ramadan sur le voile et la laïcité.

4ème temps.

Pendant ce temps, Bernadette Chirac, dont ont connaît les sympathies pour l'Opus Dei, va à grands frais et ostensiblement à Rome pour assister à la béatification de Mère Thérésa.

Pendant ce temps, Fabienne Keller, maire de Strasbourg, négocie avec les imams en échangeant la tranquillité dans les quartiers contre la construction de mosquées.

Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy met en place l'organisation des musulmans de France, instance représentative de rien ni de personne puisque l'Islam se caractérise par son absence de clergé.

Pendant ce temps, l'application du principe " diviser pour régner " fonctionne à plein puisque les salariés oublient l'augmentation du chômage et la stagnation des salaires, la pénurie de logements sociaux et la manière dont est utilisée la main -d'œuvre immigrée pour se focaliser sur les manipulations des intégristes. Mais qui favorise cet intégrisme ? Qui, dans la précédente mandature, a organisé le communautarisme à Paris en distribuant les logements sociaux par groupes religieux : tant de logements pour les Loubavitch, tant pour les musulmans, en échange de votes bien orientés ?

Nous pourrions multiplier les exemples, en soulignant les fausses reculades et les vraies avancées, la soi-disant volonté de sauver le régime des intermittents tout en ne touchant pas aux abus relevant des services publics audiovisuels, les cris d'orfraie poussés par Aillagon dénonçant les téléspectateurs " pris en otage " par ces mêmes intermittents quand des épouses de…(président ou ministres), donc des personnes qui n'ont aucune légitimité élective occupent des heures durant les plateaux télé ; les proclamations péremptoires expliquant que les Français ne sont pas assez entreprenants alors que l'on ampute les budgets de la recherche, les baisses d'impôts d'un côté et les augmentations des quatre taxes de l'autre, etc, etc… pour finir par le dernier épisode en date : la supposée surdité du Président.

Nous, salariés et, notamment, salariés du secteur public, nous savons en tout cas que cette dernière nouvelle est réelle : le Gouvernement est SOURD, totalement sourd aux revendications de toutes les catégories autres que les plus favorisées.

Quant à nous, hommes et femmes de gauche, sachons ne pas nous cogner contre le miroir aux alouettes et, surtout, ne pas nous tromper d'adversaire.

Bernadette Merchez