GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Gaza

« Car de ses douces mains, Dieu te fit ce double présent :


Un massacre avec un printemps. »

(1)

D’un côté, 2 143 tués palestiniens dans la bande de Gaza, selon les chiffres du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU. A l’échelle de la France, une ville comme Calais, La Rochelle, Aubervilliers ou Béziers aurait été entièrement rayée de la carte. 70,3 % des Palestiniens tués sont des civils, dont 250 femmes et 480 enfants et adolescents de 10 jours à 17 ans, selon l’Unicef. De l’autre, 64 soldats israéliens ont été tués ainsi que 4 civils dont un enfant de 4 ans.

375 civils palestiniens tués pour un civil israélien !

Une disproportion aussi flagrante n’empêchait cependant pas, le 6 août, le Premier ministre d’Israël, Benjamin Netanyahou, de prétendre : « Je pense que c’était justifié, je pense que c’était proportionné »(2).

L’ambassadeur d’Israël aux États-Unis, Ron Dermer était allé encore plus loin dans l’infamie en déclarant, le 21 juillet, alors qu’il y avait déjà 600 tués palestiniens, en très grande majorité des civils : « L’armée israélienne devait avoir le prix Nobel de la paix pour sa « retenue inimaginable » dans la bande de Gaza»(3)

Sans l’indignation et la mobilisation des opinions publiques dans le monde, alors que les principales puissances occidentales (États-Unis, France, Allemagne, Royaume-Uni, Union européenne…) faisaient preuve d’une indécente complaisance à l’égard de l’agression israélienne, il est difficile de savoir jusqu’où serait allé le gouvernement de Benjamin Netanyahou.

Il a, cependant, fallu bien des souffrances pour que les opinions publiques, d’abord anesthésiées par les principaux médias(4), commencent à se mobiliser et que l’information finisse par percer : l’assassinat d’un adolescent palestinien de 16 ans, brûlé vif par des extrémistes juifs ; l’article du New-York Times décrivant l’attitude ignoble d’Israéliens de Sderot confortablement installés sur leurs matelas ou leur transats pour assister « au spectacle » des bombardements sur Gaza ; le meurtre par des missiles israéliens de neuf personnes qui regardaient paisiblement l’une des demi-finales de la coupe du monde de football ; les quatre enfants palestiniens tués par des obus de la marine israélienne alors qu’ils jouaient sur une plage ; les frappes aériennes sur un foyer de personnes handicapées ; l’horreur du pilonnage sanglant de Chajaya ; le bombardement de trois écoles de l’Onu qui avait conduit Navi Pillay, la haute-commissaire de l’ONU aux droits humains, à déclarer : « Aucune de ces attaques n’est accidentelle. Elles semblent un acte de défi délibéré vis à vis des obligations résultant du droit international »(5).

Après trois semaines d’attaques israéliennes contre la bande de Gaza, outre les 2 143 tués et 11 000 blessés palestiniens, le bilan est terrible : 45 000 maisons ont été touchées dont 17 200 totalement détruites laissant 100 000 personnes sans abri ; 475 0000 Gazaouis (17,5 millions de personnes à l’échelle de la France) ont dû fuir leurs habitations ; 280 000 réfugiés s'entassent dans les 84 écoles de l'ONU complètement saturées. Une dizaine d'hôpitaux ont été endommagés par des bombardements, aggravant le bilan des victimes. Le bombardement de l’unique centrale électrique de Gaza a rendu très difficile une distribution d’eau déjà très problématique. Les conditions sanitaires sont désastreuses et le nombre des victimes palestiniennes ne pourra que s’accroître tant que le blocus israélien sur la bande de Gaza ne sera pas levé.

Il a fallu 50 longs jours pour que l’agression israélienne sur la bande de Gaza prenne fin et que, le 26 août, un « cessez-le-feu global et réciproque » soit, enfin, mis en place.

1 - Quelles sont les causes de l’offensive israélienne contre Gaza ?

L’enlèvement et le meurtre horrible de trois adolescents israéliens ne sont pas plus « la cause » de l’agression israélienne sur Gaza que l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand de Habsbourg avait été la cause de la guerre de 1914-1918.

Des objectifs officiels à géométrie variable

Lors de l’agression d’Israël contre le Liban, en 2006, Uri Avnery, ancien député au Parlement israélien et militant pacifiste signalait déjà : « Ils (les dirigeants israéliens) ressemblaient à des archers qui tirent leurs flèches sur une feuille blanche et ensuite dessinent les cercles autour des flèches ». La situation, de ce point de vue, n’a guère changé en 2014.

1er objectif officiel : retrouver les trois jeunes colons israéliens enlevés le 12 juin dans la région d’Hébron

Le gouvernement israélien accusait le Hamas, sans preuve et malgré l’absence de revendication de sa part, de cet enlèvement. Il lançait aussitôt l’opération « Gardien de nos frères » pour retrouver les trois jeunes hommes. Plusieurs milliers de soldats israéliens sont alors déployés en Cisjordanie et interviennent avec la plus grande brutalité : 12 Palestiniens (dont 9 civils) sont tués par l’Armée israélienne et 120 autres sont blessés(6). 700 Palestiniens (selon Human Rights Watch) sont arrêtés à travers toute la Cisjordanie. Parmi eux le président du Conseil législatif palestinien (Parlement), le Dr Aziz Dweik et 9 autres parlementaires. Israël en profite, également pour jeter en prison plus d’une cinquantaine d’ex-prisonniers palestiniens qui avaient été libérés lors de l’échange avec le soldat israélien Gilad Shalit, en octobre 2011.

L’opération « Gardien de nos frères » est aujourd’hui systématiquement occultée par le gouvernement israélien. L’agression contre Gaza affublée de l’appellation défensive « Bordure protectrice » est systématiquement présentée comme une « riposte » aux tirs de roquettes palestiniens. C’est pourtant la brutalité de l’armée israélienne qui est à l’origine des premiers tirs de roquettes du Hamas, début juillet. Comment, en faisant intervenir l’armée israélienne avec une telle brutalité, le gouvernement israélien pouvait-il penser que le Hamas ne riposterait pas ?

2e objectif officiel : protéger Israël des tirs de roquettes du Hamas

La phase aérienne de l’opération intitulée « Bordure protectrice » commença le 8 juillet en réponse aux tirs de roquettes du Hamas, eux-mêmes provoqués par la violence de l’opération israélienne « Gardiens de nos frères ».

3e objectif officiel : détruire les « tunnels » creusés par le Hamas

L’offensive terrestre de l’armée israélienne destinée à détruire ces tunnels débuta le 18 juillet. Malgré la réputation d’efficacité des services de renseignements israéliens, le gouvernement de Benjamin Netanyahou venait de découvrir l’existence des tunnels du Hamas !

4e objectif officiel : libérer le sous-lieutenant Goldin

Le sous-lieutenant Hadar Goldin fût porté disparu, le 1er août, après une attaque menée par un commando palestinien. Pour l’armée israélienne, il ne faisait aucun doute qu’il avait été enlevé. Pourtant, la branche armée du Hamas, tout en endossant la responsabilité de l’attaque, indiquait ne rien savoir du sort de ce soldat.

« Appliquant la procédure « Hannibal », conçue pour répondre aux tentatives d’enlèvement en zone de guerre, l’armée a par ailleurs procédé à de nombreux tirs d’artillerie sur la zone du rapt, dans l’espoir d’empêcher l’évacuation du captif vers une autre partie de l’enclave palestinienne. Plus de 65 Palestiniens ont été tués et 350 autres blessés dans ces explosions selon le ministère palestiniens de la Santé »(7)

En fait, comme le reconnut le porte-parole de l’armée israélienne, quelques jours plus tard, ce militaire israélien avait été tué « immédiatement au cours d’un échange de tirs ».

Palestine

Gaza

8 questions, 8 réponses

5e objectif officiel : démilitariser la bande Gaza

Un civil israélien tué pour 375 civils palestiniens mais Israël exige la démilitarisation de la bande de Gaza ! Tout esprit sensé, prenant en compte cette réalité, ne pourrait pourtant en tirer qu’une seule conclusion : si démilitarisation il doit y avoir, c’est évidemment par Israël qu’il faut commencer.

Les véritables objectifs du gouvernement de Benjamin Netanyahou

Pendant des années, durant ses discussions avec l’Autorité palestinienne, le gouvernement israélien prétextait que cette Autorité ne contrôlait pas Gaza, administrée par le Hamas. Ce prétexte lui a été brutalement retiré lorsqu’a été mis en place, le 2 juin dernier, un gouvernement palestinien d’unité nationale.

Au lieu de s’appuyer sur la création de ce gouvernement unifié pour avancer dans la voie de la paix, le gouvernement de Benjamin Netanyahou l’a considéré comme une menace pour sa politique de colonisation. Il en a aussitôt fait payer le prix au peuple palestinien en lui infligeant une punition collective.

2 - S’agissait-il d’un conflit équilibré entre deux États ?

C’est l’image qui est la plus souvent fournie de l’agression israélienne contre Gaza. Cette image est totalement fausse. D’abord parce qu’à la différence d’Israël, la Palestine n’a pas d’État, Israël s’y étant toujours opposé par la force depuis 1948. Ensuite, parce qu’Israël est la 5e puissance militaire du monde, alors que le nombre des combattants palestiniens et la qualité de leur armement (notamment leurs milliers de « roquettes ») sont, en comparaison, dérisoires.

Pourtant, ce sont les Palestiniens qui sont désignés par Israël, François Hollande dans son message du 9 juillet, Angela Merkel, David Cameron, Barack Obama et les principaux médias, comme les agresseurs, Israël ne faisant que « riposter » ou « protéger son peuple ». « Pendant ce temps, comme le souligne Shlomo Sand, le résultat, étrange et terrible de cette guerre cruelle, est que le Hamas a tiré indistinctement sur des civils et n’a tué quasiment que des militaires, alors qu’Israël, qui disait vouloir frapper des combattants, a tué massivement des civils »(8).

Une expédition punitive

Cette « guerre » s’apparente à la politique de la canonnière, aux expéditions punitives organisées par les puissances coloniales en Afrique noire, en Chine, aux Indes ou en Algérie au XIXe et au XXe siècle. Le déséquilibre des forces est totalement à l’avantage d’Israël et la disproportion des civils tués dans les deux camps indique à l’évidence qu’il ne s’agissait en rien, pour Israël, d’une guerre de protection mais bien d’une expédition punitive destinée à terroriser la population de Gaza.

Tous les colonisateurs, en particulier quand il s’agit d’une colonisation de peuplement comme celle perpétrée par Israël, sont d’accord sur cet axiome : « Ces gens-là ne respectent que la force ! » L’histoire de l’Algérie est, de ce point de vue, exemplaire, de la conquête d’une incroyable violence de l’Algérie entre 1830 et 1847, aux milliers de victimes civiles du « plan Challes » entre 1959 et 1961, en passant par le massacre de Sétif le 8 mai 1945 ou la bataille d’Alger en 1957.

Cette expédition punitive d’Israël contre la bande de Gaza est d’autant plus insupportable que le droit international impose à Israël, en tant que puissance occupante, de protéger les populations des territoires occupées. Au regard de ce droit, Israël occupe non seulement la Cisjordanie mais aussi Gaza qui n’est qu’ « une prison à ciel ouvert », subissant le blocus terrestre, maritime et aérien d’Israël et dans laquelle son armée intervient où et quand elle le juge bon.

Les Palestiniens n’ont ni aviation, ni marine, ni chars, ni canons, ni drones. Ils ne disposent d’aucun «dôme de fer » pour se protéger contre les missiles israéliens. Ils ne sont en sécurité nulle part, ni dans leur maison, ni dans la rue, pas même dans les écoles de l’ONU, pas plus en Cisjordanie que dans la bande de Gaza.

« C’est toujours l’oppresseur qui détermine la forme de lutte »

Dans son livre autobiographique paru en décembre 1996 « Un long chemin vers la liberté » Nelson Mandela affirmait, en connaissance de cause : « C’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé, qui détermine la forme de la lutte. Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que de répondre par la violence. Dans notre cas, ce n’était qu’une forme de légitime défense ». C’est dans une même situation d’opprimés, soumis à la violence quotidienne de l’armée israélienne, que se trouvent aujourd’hui les Palestiniens. Sans doute est-ce l’une des raisons qui a conduit Shimon Peres et Netanyahou à ne pas faire le voyage jusqu’à Soweto en décembre 2013 pour rendre, comme l’ont fait quelques 100 chefs d’État et de gouvernement, un hommage (parfois tardif) au dirigeant de l’A.N.C.

Le 26 août 2014.

Les 6 autres parties du texte de notre camarade Jean-Jacques Chavigné seront publiées dans le numéro de septembre de la revue Démocratie&Socialisme et chaque semaine dans la lettre de D&S.

  • 8 questions / 8 réponses sur Gaza (1/5)
  • 8 questions / 8 réponses sur Gaza (2/5)
  • 8 questions / 8 réponses sur Gaza (3/5)
  • 8 questions / 8 réponses sur Gaza (4/5)
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    (1): « Dans la ville du massacre », poème du grand écrivain de langue yiddish, Haïm Naham Bialik, écrit en 1906, après l’horreur des pogroms de Kishinev, perpétrés en 1903 et 1905. (retour)

    (2): Le Figaro avec AFP, 6 août 2014. (retour)

    (3): Raphael Ahren – The Times of Israël (en français) – 22 juillet 2014. (retour)

    (4): Voir à ce propos Arrêt sur image « Mais qui sont les morts civils de Gaza ? » par Vincent Coquaz, le 15 juillet, à propos des médias français et Acrimed : « Massacre de Gaza : le parti pris éhonté des médias dominants (anglophones) » par David Cromwell et David Edwards, le 4 août 2014. (retour)

    (5): Le Monde avec AFP - « Gaza : l'ONU accuse Israël de « défier délibérément » le droit international » - 31/07/2014. (retour)

    (6): Chiffres cités dans la « Lettre ouverte à Monsieur François Hollande qui ne la lira pas », le 10 juillet et signée par Clause Léostic, présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, Taoufiq Tahani, président de l’Association France Palestine Solidarité et Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme France (retour)

    (7): Le Figaro « Israël : ce rapt du Hamas qui relance la guerre » - 02/08/2014. (retour)

    (8): « Les muses et la mort » - Mediapart – 20 août 2014.  (retour)

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