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Financer des EPR ou des logements sociaux ?

La question, certes abrupte, est à peine caricaturale. En effet, la discussion a été engagée à l’Assemblée nationale sur la construction de six nouveaux EPR. Derrière ce choix qui occulte le débat sur le nucléaire, il y en a un autre : celui des arbitrages macroniens en termes de financement.

Ce débat est guère médiatisé, mais peut avoir un fort impact sur la satisfaction de besoins sociaux, notamment en matière de logement. Depuis quelques semaines, le bruit court de plus en plus : il s’agirait de puiser dans les fonds provenant de l’épargne populaire. Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, a confirmé cette rumeur le 1er mars. Ce sont bien sur les fonds du livret A et du livret Développement durable et solidaire (LDDS), centralisés par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), que lorgne le gouvernement.

Les six nouveaux EPR envisagés auraient un coût de 57 milliards d’euros. EDF ne les a pas, et sa situation financière ne lui permet pas d’envisager de recourir à de nouveaux emprunts sur les marchés. C’est à partir de cette réalité que l’idée d’utiliser une partie des fonds provenant du livret A est apparu. Mais ce choix aurait des conséquences sur d’autres financements.

Les banques exonérées d’obligations sociales

Notons d’abord que le total de l’épargne collectée via le livret A, le LDDS et le LEP s’élève à plus de 500 milliards, montant global qui progresse régulièrement. Rappelons aussi qu’au terme d’un puissant lobbying des banques et grâce à la possibilité pour ces dernières de placer ces livrets d’épargne réglementée, 40 % des fonds d’épargne sont conservés par les banques privées. Si bien que la CDC ne centralise plus désormais qu’une partie des fonds de l’épargne réglementée, alors qu’elle bénéficiait de la totalité précédemment. Précisons enfin que ces fonds d’épargne collectés par la CDC sont utilisés principalement pour le financement du logement social. Or, les besoins de logement ne cessent d’augmenter, mais le nombre de constructions baisse depuis quelques années.

Ces rappels sont utiles pour comprendre que l’utilisation de fonds de la CDC pour la construction des nouveaux EPR priverait la Caisse de fonds pour financer le logement social, les écoles, le rail ou la rénovation des circuits d’eau. La captation de plus de 200 milliards par les banques privées – sans obligation ni contrepartie sur l’usage de ces fonds – prive la puissance publique de ressources pour répondre au financement de projets d’intérêt général. Et ce alors que la CDC a des obligations, et qu’elle est tenue à un usage réglementé des fonds collectés. Il faudra revenir sur cette captation de l’épargne populaire.

Cette baisse des ressources a déjà des effets. Avec 20 ou 30 milliards d’euros attribués à la construction de nouveaux EPR, la satisfaction de besoins sociaux s’en trouverait affectée une nouvelle fois. C’est la raison pour laquelle il faut s’opposer à ce choix de financement. Ce qui ne clôt par ailleurs absolument pas le débat sur le nucléaire et la nécessaire transition énergétique.

Cet article de notre camarade Christian Normand a été publié dans le numéro 303 (mars 2023)  de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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