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Fillon s’attaque maintenant aux régimes spéciaux de retraite

La Droite et le MEDEF veulent en finir avec les régimes spéciaux de retraites. Fillon a déjà sous le coude - c’est une secret de Polichinelle - un décret alignant ces régimes (ceux des salariés de la SNCF, de la RATP, d’EDF-GDF…) sur le régime des fonctionnaires : 40 annuités de cotisation, pas de départ en retraite avant l’âge de 60 ans et une décote pour tout départ en retraite sans les 40 ans de cotisation.

Le MEDEF, la Droite et, malheureusement, le député socialiste Manuel Valls justifient cet alignement par deux arguments : le financement des retraites et l’ « équité ». Aucun de ces arguments ne résiste pourtant à un examen un peu attentif.

Une goutte d’eau dans le financement global des retraites

Les retraites des régimes spéciaux auraient tout d’un « trésor caché ». Un « trésor » qui permettrait de résoudre une bonne partie du financement de l’ensemble des retraites par répartition.

Ce « trésor » n’est qu’un mythe. Aujourd’hui, les retraités des régimes spéciaux ne représentent que 4,2 % du total des retraités. En 2025, ils ne représenteront plus que 1,6 % du même total. La diminution du nombre des retraités des régimes spéciaux n’est pas difficile à comprendre : depuis plus de vingt ans, elles n’embauchent plus qu’au compte-goutte. Il est donc normal que dans 20 ans le nombre de retraités de ces régimes ait considérablement diminué.

Affirmer que c’est en réduisant le montant de leur retraite que l’on pourrait trouver le début d’un début de solution au problème du financement des retraites par répartition relève donc de la supercherie. Les retraites des régimes spéciaux ne représentent et surtout ne représenteront qu’une goutte d’eau dans l’océan des retraites.

Une « équité » à géométrie variable

Curieusement, le tir de barrages contre les régimes spéciaux de retraites ne vise que les salariés. Pourtant, au nom de l’ « équité » si chère à Fillon, il existerait d’autres cibles.

Les « retraites chapeaux », tout d’abord. Elles sont financées à grands frais par les entreprises et permettent à bien des dirigeants d’entreprise de bénéficier d’une retraite approchant souvent de très près leur salaire d’activité. Ce sont autant de sommes qui sont détournés de l’augmentation des cotisations retraites patronales et qui nuisent à l’équilibre des régimes de retraite des salariés du secteur privé.

Les fonds de pension « à la française », ensuite. Ils n’ont guère de succès et ce n’est pas la récente crise financière qui suscitera de nouvelles vocations à jouer sa retraite en bourse. Il n’empêche, les fonds de pension financé par les entreprises au bénéfice des cadres ou des salariés les mieux payés des grandes entreprises, sont autant de sommes détournées du financement des retraites par répartition.

Ensuite, toujours, les transferts entre régimes de retraite, la « compensation ». Ils se font au détriment des régimes de salariés et au profit des régimes de non-salariés (agriculteurs, professions indépendantes, commerçants, professions libérales…). En quoi est-ce acceptable alors que ces professions paient des cotisations nettement inférieures à celle des salariés (cotisations salariés + cotisations employeurs) et ont toujours refusé un alignement de leurs cotisations sur celles des salariés ?

Enfin, d’autres catégories sociales, les militaires en particulier, qui ont des conditions de départ en retraite autrement intéressantes. Pourquoi ne font-ils pas l’objet d’une attention aussi soutenue que les salariés des entreprises publiques ?

Pourquoi, au nom de l’ « équité, Fillon ne précise-t-il pas que si 160 000 agents de la SNCF peuvent aujourd’hui prendre leur retraite à 55 ans c’est parce que leurs cotisations retraites sont beaucoup plus élevées que dans le secteur privé ? En 2004, ces cotisations s’élevaient à 26 % de son salaire pour un salarié du privé (régime général et complémentaire) mais à 36 % pour un salarié de la SNCF. Une partie de ces 36 % est certes payés par la SNCF mais c’est aux dépens d’un salaire direct plus élevé. D’une certaine façon, les salariés de la SNCF se paient eux-mêmes leurs départ à la retraite à 55 ans. Cet « avantage » n’est pas à la charge des autres régimes.

Pourquoi Fillon n’explique-t-il pas, toujours au nom de cette « équité » qui lui est si chère, que le départ en retraite à 55 ans n’est pas du tout synonyme, loin de là, de retraite à taux plein. En effet, l’âge d’embauche a continuellement reculé : de 18 ans il y a 40 ans à 24/25 ans en moyenne aujourd’hui. Très peu de salariés des entreprises publiques bénéficieront donc, dans ces conditions d’un nombre d’annuités suffisantes pour bénéficier d’une retraite à taux plein à l’âge de 55 ans.

Pourquoi Fillon omet-il de préciser que l’Union Européenne oblige l’Etat a compenser le déficit démographique lié aux réductions d’effectifs ? Ce n’est pourtant que justice. Sans cette compensation comment serait financée, aujourd’hui, la retraite des mineurs ? Comment serait financée la retraites des cheminots qui étaient plus de 450 000 en 1945 mais qui ne sont plus que 165 000 aujourd’hui ? L’Etat est responsable des baisses d’effectifs mais il veut faire payer au régime général la compensation qui en est la conséquence.

Alors, pourquoi cette hargne contre les retraites des régimes spéciaux ?

L’enjeu est double pour le gouvernement et le MEDEF.

Il s’agit d’abord d’essayer de briser les reins des secteurs qui ont été les fers de lances des mouvements sociaux depuis 1995. Juppé avait fait alors l’erreur de croire qu’il pouvait prendre le risque de s’attaquer à la fois les salariés de la fonction publique et ceux des régimes spéciaux. Il avait été battu en rase campagne. Instruit par l’expérience, Fillon n’a pas fait la même erreur : en 2003 il s’est contenté de s’attaquer à la retraite des salariés de la fonction publique en jurant, la main sur le cœur, que les régimes spéciaux n’étaient pas concernés.

Il s’agit, ensuite, d’aller au-delà de l’allongement d’un trimestre par an de la durée de cotisation pour tous les salariés, du public comme du privé. Le MEDEF veut aller le plus rapidement possible vers une retraite à taux plein pour 45 années de cotisation. L’article 5 de la loi Fillon lui permet très clairement de lui donner satisfaction et d’imposer plus de 41 années de cotisations dès 2008. Mais, une telle mesure ne peut être envisagée tant que n’aura pas sauté l’ultime verrou symbolique des 37,5 années de cotisation dans les régimes spéciaux.

L’égalité des droits : oui, mais comment ?

18 000 agents de conduite de la Sncf (10 % des agents de la SNCF) puissent prendre leur retraite à 50 ans ne paraît pas scandaleux au regard de la nature de leur métier et de la sécurité des usagers. Ce qui est scandaleux, par contre, c’est que la pénibilité du travail et la sécurité (des usagers de la route par exemple) ne soient pas prise en compte dans le secteur privé des transports. Il existe bien d’autres secteurs où la pénibilité du travail exigerait que les salariés puissent partir en retraite à taux plein largement avant 60 ans. Voilà ce que devrait être la véritable égalité.

Ce que veut imposer Fillon, au contraire, c’est le nivellement par le bas de toutes les retraites. Pourquoi ? Parce que le patronat ne veut plus payer et que Sarkozy et Fillon sont là pour appliquer son programme.

C’est pourquoi il est nécessaire de revenir sur la question du financement des retraites. C’est là que se situe la clé du problème. La réforme Fillon ne crée pas de nouvelles ressources pour les retraites. Pour cette loi, l’équilibre financier sera le produit de l’allongement de la durée de cotisation et de la baisse du montant des retraites, tout particulièrement dans le secteur privé. Ce qui signifie que dans 30 ans, vieillesse et pauvreté redeviendront synonymes pour la majorité des salariés en retraite, comme il y a 40 ans !

C’est donc par le haut qu’il faut réaliser l’égalité des droits à la retraite entre tous les salariés. Cela n’a rien d’impossible : le Conseil d’Orientation des Retraites et le rapport Charpin avait calculé qu’il était possible de maintenir le niveau des retraites à condition d’augmenter les cotisations retraites de 15 poins en 40 ans. Cela représente une augmentation de 0,38 point par an. A part le Medef, qui peut prétendre qu’une augmentation annuelle de 0,25 point pour les cotisations patronales et de 0,13 points pour les cotisations salariales serait insupportable ? Cela n’empêcherait ni les profits, ni les investissements, ni les salaires directs d’augmenter. Cela permettrait de financer des retraites égales à 75 % du salaire et (en augmentant plus rapidement le taux des cotisations patronales) de commencer à répartir autrement les richesses.

Jean-Jacques Chavigné

Le Medef veut reculer l’âge de la retraite à 62 ans

Pour Laurence Parisot, il ne s’agit plus seulement d’augmenter la durée de cotisation mais de reculer l’âge auquel il est possible de prendre sa retraite à 60 à 61 ou 62 ans au lieu de 60 ans.

L’augmentation de la durée de cotisation prévue par la loi Fillon se traduira, en fait, par une baisse du montant des retraites. En 2002, en effet, les 2/3 des salariés du secteur privé qui prennent leurs retraites n’étaient plus au travail mais au chômage, en maladie ou en préretraite. Avec la loi Fillon, ce sera les ¾ de ces salariés qui ne seront plus au travail et qui verront ainsi leurs droits à la retraite gravement amputés. Mais cela n’empêche pas le Medef et le gouvernement de vouloir aller plus vite que ce que prévoyait la loi Fillon et d’augmenter plus rapidement, dès 2008, le nombre de trimestres nécessaires à l’obtention d’une retraite à taux plein. La conséquence sera une diminution encore plus rapide du montant des retraites.

La victoire de la Droite a donné des ailes au MEDEF. Il exige toujours plus. Il ne se contente plus de l’augmentation de la durée de cotisation, il veut aussi reculer l’âge de départ en retraite. La conséquence de ce recul serait d’empêcher de partir en retraite les salariés qui auraient le nombre de trimestres de cotisation nécessaires à l’âge de 60 ans. Il leur faudrait attendre encore un an ou deux. Et cela, alors que le patronat licencie à tour de bras les salariés de plus de cinquante ans.

JJC

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