GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Jeunes

Entretien avec les deux auteurs du livre “Les jeunes socialistes d’Epinay à la génération CPE”

Unité : Pourquoi ce livre ? Pourquoi avez vous-eu envie de l’écrire?

Julien Guérin :

Ce livre est né d’un double constat : jusqu’à aujourd’hui, il n’y avait pas d’histoire du Mouvement des jeunes socialistes. Il existait bien quelques travaux universitaires, notamment ceux de Jacques Kergoat mais, à nos yeux, il manquait une synthèse militante, documentée mais accessible à tous. A ce vide éditorial s’ajoutait l’impression que la formation des jeunes socialistes était passée au second plan dans les objectifs de l’organisation. Et rien de tel pour former un militant que de connaître sa propre histoire. Jaurès disait « un parti sans jeunesse est un parti sans avenir », il en va de même d’une jeunesse sans histoire !

Jean-François Claudon :

Quant à notre envie de travailler à cette synthèse, elle est le fruit d’une rencontre. Lors du dernier congrès du MJS à St-Médard-en-Jalles, où nous étions tous deux délégués, nous avons fait la connaissance de Denis Lefebvre, le directeur de l’Office universitaire de recherche socialiste (OURS). Après plusieurs échanges sur l’histoire du socialisme, il nous a proposé d’écrire une histoire des JS dans la collection qu’il dirige, « l’Encyclopédie du socialisme », en mettant à notre disposition les sources dont nous avions besoin. Avec notre double casquette d’historiens et de militants socialistes, ce défi avait tout pour nous plaire !

Unité : Quelles sont les grandes tendances que vous avez

dégagées dans votre livre?

JG : Notre propos débute à la fin des années 1960 et dresse un panorama des forces de gauche et de la situation de la jeunesse. Il faut bien le dire, après mai 68, la Jeunesse Socialiste était loin d’être le débouché naturel pour ceux qui cherchaient une issue face à la droite et à l’impérialisme. Partant de ce constat, nous voulions voir comment on pouvait reconstruire une organisation de jeunesse socialiste digne de ce nom. Indéniablement, la dynamique initiée chez les aînés, lors du Congrès d’Epinay de 1971, a facilité la tâche de quelques jeunes militants héritiers de l’esprit de 68 qui ne se résignaient pas à la division entre partis de gauche trop modérés et révolutionnaires impuissants.

JFC : La première tâche des militants JS était en effet la construction du mouvement, malgré des moyens matériels et humains dérisoires. Cependant, les générations militantes successives ont, dans leur souci de structuration du MJS, fait l’expérience d’une difficulté peut-être bien plus grande : celle des rapports tendus avec le Parti. C’est une constante de l’histoire des jeunesses. Leur ligne politique souvent radicale gêne toujours aux entournures un PS qui se veut respectable et qui passe son temps à surveiller « ses » jeunes. La réponse concrète à ce problème récurrent, c’est sans nul doute l’autonomie du MJS, cette longue quête qui n’a abouti qu’en 1993, dans une situation bien particulière. Cette autonomie est une conquête précieuse, mais elle a pu être, à certaines occasions, davantage brandie que réellement mise en pratique…

Unité : Quelles leçons politiques tirez-vous de ces quarante ans d’histoire du MJS ?

JFC : Les sources à notre disposition nous ont amenés à un constat simple. Lorsque notre mouvement est en adéquation avec les aspirations profondes des jeunes et donc des salariés, comme dans la lutte contre le CPE en 2006, il se développe, attire de nouvelles couches de la jeunesse dans ses rangs et gagne en visibilité. A l’inverse, lorsque le MJS succombe aux compromissions avec l’ordre libéral, lorsqu’il refuse d’avancer vers la transformation sociale, il se marginalise et tend à se réduire à un appareil coupé des réalités sociales.

JG : La deuxième leçon est elle aussi équivoque. D’un côté, le MJS a acquis au fil des ans une réelle qualité d’expertise sur les questions ayant trait aux problèmes de la jeunesse. Il suffit d’observer l’affinement progressif des différents projets concernant l’allocation autonomie de la fin des années 1990 jusqu’au mouvement anti-CPE. Sur ce sujet identitaire pour notre mouvement, certaines questions techniques, comme les critères d’attribution ou le financement de la mesure, ont été largement précisées, ce qui met en évidence l’acquisition d’un réel savoir-faire. D’un autre côté, la direction du MJS se complaît trop souvent dans ce rôle d’expert ès jeunesse, se coupe de sa base militante au risque de fonctionner en vase clos et les batailles bureaucratiques prennent alors inévitablement le dessus. Cette dérive ne peut être corrigée que par un dialogue permanent entre la base et le sommet de l’organisation, par la reconnaissance du rôle des sensibilités en son sein, ainsi que par un souci constant de formation des militants.

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