GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

En réponse à Henri Weber

Dans une tribune de Libération(1), le 6 mai 2016, Henri Weber fait la démonstration que les fidèles de François Hollande sont capables des acrobaties les plus périlleuses pour tenter de démontrer que leur champion n’est pas un « social-libéral » mais un « social-démocrate ».

L’auteur de la tribune, pour les besoins de la cause, affirme que le critère décisif pour décider du caractère social-libéral ou non d’une politique est celui de la dépense publique. Il affirme, ensuite, toujours dans la même tribune, que le taux de croissance de la dépense publique « est passé de 5,1 % en 2011 à 3,5 % en 2015 ». Ce taux augmentait donc plus rapidement quand Nicolas Sarkozy était au pouvoir que sous François Hollande. La conclusion logique de ces deux affirmations n’est donc pas très difficile à tirer : si François Hollande est un social-démocrate, Nicolas Sarkozy était plus social-démocrate que lui.

Henri Weber essaie de prendre au piège les « économistes atterrés » en citant l’un d’entre eux, Christophe Ramaux (qu’il appelle d’ailleurs Christian Ramaux) selon lequel « c’est plus de 50 % du revenu disponible brut ajusté (RDBA) des ménages qui provient en réalité de la redistribution sociale ».

Il aurait dû lire plus attentivement cet économiste, pour qui l’État social ne se limite pas à la dépense publique, mais repose également sur trois autres piliers, remis en cause par les politiques social-libérales : « privatisation de la protection sociale et des services publics, flexibilisation du droit du travail, réorientation des politiques économiques dans un sens libéral »(2).

La privatisation de la protection sociale s’est poursuivie sous la présidence de François Hollande. Les fermetures de lits, de services dans les hôpitaux publics et le déremboursement de médicaments ont continué comme sous Nicolas Sarkozy, abandonnant un espace toujours plus important aux cliniques privées et aux assurances complémentaires. L’allongement de six trimestres de la durée de cotisation pour les retraites laisse une place de choix aux fonds de pension privés, rebaptisés « Épargne-retraite ». La marche vers la privatisation de la SNCF continue, sous la pression de l’Union européenne et de l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire.

La flexibilisation du droit du travail s’est, elle-aussi, accélérée avec les lois Sapin, Macron, Rebsamen, couronnées par le projet de loi El Khomri qui cherche à rompre avec un siècle de Code du travail protecteur des salariés, en soumettant le droit du travail aux intérêts des entreprises.

La réorientation des politiques économiques dans un sens libéral, s’est manifestée sous de multiples formes pendant le quinquennat de François Hollande : la soumission aux exigences de la Commission européenne, l’adoption de la « règle d’or » en matière budgétaire, la diminution des dépenses de l’État, de la Sécurité sociale, des collectivités territoriales, les 41 milliards de cadeaux accordés aux entreprises privées, sans la moindre contrepartie en termes d’investissements productifs ou d’emplois ; la bride sur le cou laissée à la Finance malgré la crise de 2007-2008…

Mais, affirme Henri Weber, le mal aurait pu être pire : François Hollande n’a pas supprimé 500 000 fonctionnaires comme en Grande-Bretagne, il n’a pas réduit de 5 % à 15 % les salaires et les pensions de retraites comme en Espagne ou au Portugal, il n’a pas institué 7 millions de mini-jobs à 400 euros par mois, comme Angela Merkel. Étrange logique qui revient à considérer, dans un domaine certes différent, que si un homme n’a pas assassiné père et mère, il reste un honnête homme.

L’ancien sénateur de Seine-Maritime en arrive à écrire «Sous la férule des sociaux-sadiques qui nous gouvernent, la France conserve le droit du travail le plus protecteur des pays de l'OCDE, si protecteur, au demeurant, que 90 % des embauches se font en contrats à durée déterminée et que la dualité de notre marché du travail constitue un de nos principaux casse-tête». Les CDD n’auraient donc rien à voir avec le Code du travail et notamment ses articles L 1241 et suivants… La possibilité de penser s’arrêterait-elle, pour Henri Weber, au Code du travail, comme le faisait la liberté de penser pour l’ancienne présidente du Medef, Laurence Parisot ?

Il racle les « fonds de tiroir », mais ne trouve, à l’actif de François Hollande, que les coquilles vides du compte personnel de formation et du compte pénibilité ; la complémentaire santé au rabais pour tous les salariés ; l’utile réforme des droits rechargeables pour les demandeurs d’emploi ; la retraite à 60 ans pour 500 000 salariés, alors que la loi de janvier 2014 imposait à 25 millions de salariés l’augmentation de la durée de leurs cotisations de 6 trimestres. Le bilan de la lutte contre le chômage laisse sans doute à désirer, même pour Henri Weber, mais ce dernier considère que les « sociaux-démocrates » au pouvoir ont « encore amélioré » notre modèle social.

Sans doute n’a-t-il pas observé avec une attention suffisante à quel point les électeurs appréciaient la recherche par François Hollande et ses ministres de ce que l’auteur de la tribune appelle la « société du bien-vivre » ? Ces électeurs ont pourtant exprimé ce qu’ils en pensaient avec une rare constance lors de toutes les élections du quinquennat : municipales, européennes, sénatoriales, départementales et régionales.

Le « directeur des études auprès du premier secrétaire du Parti socialiste » termine son apologie des quatre premières années du quinquennat de François Hollande en affirmant que qualifier ce dernier et ses fidèles de sociaux libéraux, « c’est détruire le sens des mots pour les besoins de la polémique et ajouter au malheur du monde ». Ce n’est pas seulement dans les mots, hélas, que François Hollande et ses gouvernements successifs ont « ajouté au malheur du monde », même s’ils ont réussi à faire honnir le beau mot de « social-démocrate », en camouflant derrière ce terme leur politique de démantèlement de l’État social.

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(1): Henri Weber - Tribune de Libération : « Le procès surréaliste de l’hollando-libéralisme » - 06/05/2016. (retour)

(2): « L’État social pour sortir (enfin !) de la crise ». Entretien de Pascale Fourier avec Christophe Ramaux - Mémoire des luttes- 20/12/2012. (retour)

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