GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Du mini-sondage aux cercles de réflexion. Que faire ?

Nous publions ci-dessous la chronique Palestine de notre ami Philippe Lewandowski, paru dans Démocratie&Socialisme n°223 de mars 2015. Cet article a été écrit avant les élections israéliennes.

L’impasse stratégique dans laquelle semble s’être enlisée l’Autorité Palestinienne est devenue manifeste pour tous ceux qui ne s’obstinent pas à nier la réalité dramatique d’une situation que la politique israélienne s’évertue à rendre irréversible. Dans le but déclaré d’en explorer les voies de sortie, Mazin Qumsiyeh(1) a demandé à ses correspondants « ce que les dirigeants palestiniens devaient faire, maintenant que l’Autorité palestinienne était clairement sans autorité et entrait en banqueroute, et que le processus d’Oslo s’était avéré une tromperie qui ne pourrait jamais mener à la paix. » Entre le 3 et le 6 février de la présente année, il a reçu 112 réponses, dont aucune ne proposait de poursuivre la ligne politique actuelle.

Bien entendu, les limites de cette enquête l‘empêchent d’être considérée comme un sondage en bonne et due forme, donnant un reflet méthodologiquement acceptable de la société dont elle traite. Elle offre néanmoins des indices significatifs sur la nature des débats politiques latents ou en cours, et les réponses proposées méritent d’être prises en considération : Mazin Qumsiyeh s’est donc dit disposé à en communiquer le résumé à des « personnes réceptives de l’Autorité Palestinienne. »

Sept thèmes principaux ont ainsi été abordés.

1. Il faut dissoudre l’Autorité Palestinienne.

Le fait que ce soit la réponse apparaissant le plus souvent mène à penser qu’il s’agit non seulement de remettre en question une légitimité contestée, mais aussi que cette instance est même perçue comme un obstacle au développement d’une lutte efficace pour les droits des Palestiniens. Cette Autorité n’est par ailleurs pas confondue avec l’OLP, à laquelle il est demandé de se comporter comme un vrai mouvement de libération, et de ne pas négocier avec Israël tant qu’elle n’a pas bâti sa force. Une personne se demandait de manière rhétorique « si la série présente des dirigeants est en mesure de changer de ligne alors qu’ils ont fondamentalement placé leurs étroits intérêts financiers devant le droit des Palestiniens au retour et à l’auto-détermination. » Plusieurs réponses ont employé des termes comme « vendus » ou « collaborateurs. » 

2. Il faut adopter le scénario d’un seul État.

Ce thème n’est pas nouveau. Les réponses rappellent que « les deux États étaient une ruse développée en tant que modification du plan de la Commission du général Allon (1968) afin de créer l’illusion que le sionisme est compatible avec la paix. »

3. Il faut mettre en place et développer une stratégie médiatique efficace localement et au niveau international.

Ce qui paraît indispensable afin de contrer la redoutable efficacité de la propagande israélienne. « Il faut faire appel à des professionnels de la recherche et des médias qui seront capables de mener des enquêtes puis de donner des explications en diverses langues et à diverses communautés. »

4. Il faut étendre les actions de résistance populaire.

Un des sondés demande amèrement « pourquoi nous laissons des membres de l’Autorité Palestinienne comme Abou Mazen prétendre qu’ils la soutiennent alors qu’en réalité ils font tout pour la briser et n’y participent jamais. » Certains expliquent aussi que « la résistance armée est un droit et ne doit pas être abandonnée. »

5. Il faut développer et renforcer la campagne BDS.

Cette campagne, basée sur l’appel de la société civile palestinienne de 2005, doit être totale jusqu’à ce que trois conditions soient remplies : droit au retour des réfugiés, fin de l’occupation des terres, égalité pleine et entière.

6. Il faut étendre la mobilisation aux 12 millions de Palestiniens.

Il s’agit de contrer la tentative sioniste de fragmentation de la société palestinienne, qui s’est accrue avec le processus d’Oslo. Un autre commentateur souhaite aussi « que les dirigeants d’organisations comme le Fatah abandonnent le « ma ligne ou dehors » et acceptent la multiplicité des idées, afin de créer une démocratie véritable en employant les individualités les plus capables indépendamment de leur affiliation politique ou sans affiliation. »

7. Il faut poursuivre en justice Israël dans les tribunaux nationaux et internationaux.

Ces procédures légales ne doivent pas faire l’objet de marchandages : les criminels de guerre doivent rendre compte de leurs actes.

Autres explorations et propositions

L’initiative de Mazin Qumsiyeh ne constitue pas un cas isolé : « Presque chaque semaine en Palestine, une personnalité politique ou un thinktank invite un groupe pour débattre de ce qui peut être fait pour empêcher que notre projet politique n’aille dans le mur. Bien sûr ces efforts faits pour nous rassembler, alors que tant de forces tentent de nous maintenir dans un désarroi permanent, sont les bienvenus », écrit ainsi Sam Bahour, un ancien cadre de l’Université de Birzeit, près de Ramallah. (2)

Ces débats nécessaires sont en effet de bon augure. Lorsqu’une ligne politique ne mène qu’à des échecs, quoi de plus sain que de s’efforcer de la modifier ?

Une leçon qui ne se limite pas à la Palestine.

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L’article en PDF

(1): Voir « Un autre regard sur la résistance palestinienne » (D&S 194, avril 2012), et « Une autre voix de Palestine : Mazin Qumsiyeh » (D&S 200, décembre 2012). (retour)

(2): Sam Bahour, « De l’urgence de restaurer le système politique palestinien », consulté le 08-03-2015. (retour)

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