Dérèglement climatique : stopper le réchauffement
Notre camarade Pierre Ruscassie est un des 150 citoyens tirés au sort pour la Convention citoyenne pour le climat. Plus précisément : ces 150 personnes sont issues des 30 % de détenteurs de téléphone portable qui n’ont pas refusé de participer à cette procédure.
Le réchauffement climatique est une réalité confirmée. Depuis 1880, l’augmentation de la température moyenne de la surface terrestre est supérieure à 1°C. Si cette augmentation se limite à 1,5°C, le risque d’emballement pourra être contenu. Mais l’insuffisance des moyens mis en œuvre pour stopper ce réchauffement nous conduit pour l’instant vers le dépassement de cette limite. Pour corriger le tir, il est nécessaire de rompre avec le système capitaliste, par nature insoutenable.
L’origine certaine du réchauffement est l’effet de serre causé par la diffusion de certains gaz (les GES) dans l’atmosphère. Notamment le CO2, le CH4 et la vapeur d’eau. La surproduction de GES est émise par les activités humaines. L’humanité doit donc modifier ses activités. En voulant diviser par deux les émissions de GES durant la décennie 2020-2030, nous pourrons peut-être limiter le réchauffement à +1,5°C, sinon à +2°C.
L’objectif d’atteindre la « neutralité » carbone en 2050 est raisonnable. Il s’agit de réduire les émissions de GES de façon à piéger tout le carbone émis dans des puits que sont, par exemple, les réservoirs constitués dans les roches souterraines qui contenaient du gaz naturel ou du pétrole et que sont aussi, plus naturellement, les forêts.
L’activité humaine, cause essentielle
Le retard pris dans la lutte contre le réchauffement provient essentiellement de l’échec de la lutte pour l’abolition du mode de production capitaliste et son remplacement par un mode de production démocratique. Les responsables sont les capitalistes, puisqu’ils sont les bénéficiaires du système actuel, et les dirigeants politiques qui les servent.
Par exemple, grâce à l’intervention de l’État pour réguler l’économie capitaliste, durant les Trente glorieuses (1944-1974), la politique keynésienne fit disparaître les crises décennales de surproduction et assura une croissance économique quasiment continue. Mais ce fut en pillant sans retenue les ressources naturelles et en abandonnant comme pollution et déchets les résidus de la production.
Le néolibéralisme, qui lui succède et triomphe depuis 40 ans, se révèle incapable d’assurer la même croissance en raison de la réduction des salaires, et donc de la demande solvable, sous la pression du chômage. Mais le pillage des ressources naturelles se maintient au même niveau élevé. Durant les trois derniers quarts de siècle, la croissance des émissions de gaz à effet de serre fut sans précédent.
Cinquante années ont été nécessaires pour que le rôle déterminant de l’activité humaine dans ce réchauffement, soit reconnu par la quasi-unanimité des scientifiques. La lenteur de cette prise de conscience illustre sans doute le syndrome de Planck. Devant les réticences de ses collègues physiciens à accepter les innovations théoriques du jeune Albert Einstein, Max Planck constatait qu’« une nouvelle théorie ne triomphe pas parce que ses arguments convainquent les partisans de l’ancienne théorie, mais [qu’]elle arrive à s’imposer parce que ceux-ci finissent par mourir »..
Néanmoins, cette prudence des scientifiques du GIEC (Groupe intergouvernemental d’étude du climat) est plutôt une garantie du sérieux de la thèse ainsi affirmée.
Danger de mort pour l’humanité
Le réchauffement climatique menace la survie de l’humanité à moyen terme. C’est donc rapidement qu’il faut agir pour le stopper.
En ayant bouclé les 42,195 km d’un marathon en moins de deux heures, Eliud Kipchoge ne s’est pas effondré. Pourtant, en 490 av. J.-C., le soldat athénien parti de Marathon serait mort en annonçant à ses concitoyens restés en ville la victoire sur les Perses. En effet, son corps, brusquement au repos après une telle débauche d’énergie, aurait arrêté l’évaporation de la sueur qui rafraîchissait son crâne. En atteignant la température fatidique de 42°C, son cerveau aurait littéralement fondu..
Les températures supérieures à 50°C à l’ombre risquent de devenir fréquentes. Elles peuvent être supportables dans une atmosphère sèche. Mais aucun être humain ne peut survivre à une telle température dans un air saturé en humidité qui interdit toute évaporation rafraîchissante de la sueur. La canicule saturée en humidité est mortelle.
Si nous ne rattrapons pas le retard pris, beaucoup de régions du globe deviendront inhabitables. C’est le cas de la Chine du nord à cause de la chaleur. C’est le cas du Bangladesh à cause d’une montée des eaux de 3 mm par an. Cette hausse du niveau de la mer provient de la fonte de la banquise, notamment de l’Antarctique et du Groenland, et de la dilatation des eaux qui suit l’élévation de leur température au-dessus de 4°C.
Le résidu de la production
Toute production d’un bien matériel ou énergétique laisse un résidu.
Le bien produit fait l’objet d’une anticipation, il est d’abord imaginé parce qu’il est inventé pour remplir une fonction. Un bien est consommé pour assurer une fonction vitale. À son tour, sa production fait appel à des moyens qu’il faut produire. Mais, produire ces moyens demande aussi des médiations qu’il faut imaginer avant de les produire. Ainsi la production est un enchaînement de moyens et de produits. Chaque chaînon donne un produit dont la valeur d’usage est celle d’être un moyen pour le chaînon suivant. Mais, à côté du produit surgit un résidu qui, s’il n’a pas été anticipé, s’il n’a pas de valeur d’usage, devient un déchet.
S’il a été anticipé et qu’il a de ce fait une valeur d’usage, le résidu devient un moyen qui donnera un produit avec lequel il formera le premier chaînon d’une nouvelle chaîne. Celle-ci sera peut-être celle d’une nouvelle production. Ou bien elle s’accrochera à une autre chaîne, devenant un moyen dans une autre production, une production circulaire.
Un résidu peut ainsi devenir déchet et pollution ou bien constituer un nouveau produit.
Rendre le résidu... résiduel
Toute activité, notamment humaine, est une transformation d’énergie : énergie mécanique, cinétique ou potentielle, énergie électrique, magnétique ou chimique... Un barrage hydro-électrique transforme de l’énergie potentielle en énergie électrique. Une diode électro-luminescente transforme de l’énergie électrique en énergie lumineuse, etc.
Or, toute transformation énergétique s’accompagne de l’émission d’un résidu d’énergie sous forme de chaleur. Une LED a un rendement très supérieur à celui d’une ampoule à incandescence, mais elle laisse, elle aussi, un résidu énergétique thermique qui se dissipe dans l’atmosphère et participe de façon infinitésimale au réchauffement climatique.
Toute activité humaine s’accompagne d’une émission de chaleur qui se perd dans l’atmosphère, mais dont l’importance peut être fortement réduite. Stopper le réchauffement climatique, c’est réduire la production de chaleur par les humains, c’est aussi réduire la perte de chaleur que provoquent les activités humaines, et c’est réduire l’émission de gaz à effet de serre.
Le réchauffement climatique est aussi un dérèglement du climat dont il faut se protéger : ouragans, inondations, incendies, canicules…
Notre transition
La prise de conscience n’est pas encore suffisante ?
- Introduire la défense de l’environnement et la lutte contre le réchauffement dans les programmes scolaires.
La réglementation pour les bâtiments et les véhicules doit être améliorée ?
- Améliorer les normes pour l’isolation (hiver et été) des bâtiments anciens et neufs ;
- Améliorer les normes pour les véhicules neufs et fixer des normes transitoires pour les véhicules anciens (vitesse et consommation) ;
- Développer l’utilisation de matériaux d’origine végétale ou renouvelable.
Limiter le transport de marchandises par camion ?
- Créer des plateformes multimodales pour généraliser le ferroutage ;
- Limiter progressivement le transport de marchandises par camions à 200 km par jour.
Le dérèglement climatique crée de nouveaux risques ?
- Créer une sécurité environnementale qui couvrira les dégâts dus aux intempéries et les frais de mise aux normes des bâtiments (isolation) et des véhicules (vitesse et consommation), qui soit un service public de droit privé (comme l’assurance maladie), dont le financement sera assuré par : des cotisations proportionnelles à la valeur foncière diminuée de 100 000 euros par propriétaire ; le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ; l’instauration d’une taxe Tobin sur les transactions financières ; la taxation du kérosène.
Une étude du CIRAD chiffre les besoins d’investissements, à l’échelle mondiale, pour rester en dessous des 2°C d’augmentation de la température moyenne, à plus de 6 000 milliards d’euros par an de 2018 à 2035, soit plus de 5 % du produit mondial global projeté. Cette estimation est corroborée par d’autres études portant sur l’Europe ou sur la France.
Cet article de notre camarade Pierre Ruscassie est à retrouver dans le numéro de novembre de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).