GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Défendre pied à pied le Code du travail

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C’est en 2003 que Laurence Parisot avait dit « la liberté de penser s’arrête là où commence le code du travail ». « La vie, la santé, l’amour sont précaires pourquoi le travail ne le serait-il pas ? » disait-elle aussi. Larcher traite le code du travail de charia. En 2015, Gattaz pousse le bouchon « le code du travail est le fléau n°1 ». Malheureusement à gauche, certains ne sont pas en reste. On a entendu J.M. Le Guen déclarer que le code du travail est « répulsif » pour l’emploi. Que Manuel Valls et Emmanuel Macron cherchent à plaire au Medef, nous le savons, nous le combattons. Aussi c’est d’autant plus inquiétant quand ils parlent de s’attaquer à une nouvelle réforme du Code du Travail, sous prétexte de donner « plus de latitude » aux employeurs et aux salariés pour « décider eux-mêmes de leur politique de formation, d'organisation du travail, d'insertion des jeunes par des négociations au plus près de leurs besoins ».

Depuis 1906, la catastrophe de Courrières, la séparation des ministères de l’économie et du travail a été décidée afin que le droit du travail soit bâti pour permettre d’échapper, de résister, de protéger les salariés, les humains, face aux exigences impitoyables de l’économie et du profit. Les néolibéraux voudraient nous ramener à l’avant 1906.

Le projet néolibéral du patronat

Certains rêvent de la fin du droit du travail pour faire totalement place aux exigences du profit maximal et du salaire minimal. Le contrat devrait l’emporter sur la loi au point qu’il n’y aurait plus de loi spécifique du travail. Le droit des contrats, comme aux États-Unis, devrait être celui des individus, de gré à gré, sans référent collectif, ni légal ni conventionnel. Il devrait exister entreprise par entreprise et non plus au niveau de l’État. Ce serait la fin de l’État de droit dans les entreprises. L’objectif final serait d’aboutir à de nouveaux contrats qui seraient « libres », individualisés de gré à gré, décidés par l’employeur au niveau de chaque entreprise, se substituant au droit collectif et aux accords de branche, interprofessionnels et au Code du travail.

Pour le Medef de façon systématique, cohérente et progressive, il s’agit si c’est possible de mettre fin au principe même de l’existence d’un Code du travail séparé du droit civil. Ce serait la mise en œuvre de la plus grande contre-révolution jamais imaginée depuis un siècle : le droit civil remplaçant le droit du travail.

Les premières brèches

La loi Fillon du 4 mai 2004 avait ouvert la brèche en permettant les dérogations à la loi au niveau des entreprises. Pendant 12 ans, ces dérogations ont été étendues par « recodifications » du code du travail. C’est aussi tout le sens des récentes mesures dites de « rupture conventionnelle » de « volontariat », d’individualisation de la formation, des durées du travail, des temps de repos, de pénibilité, de retraite, vont dans ce sens. Fillon, Larcher, Darcos, puis hélas, Sapin, Valls et Macron continuent. L’ANI du 11 janvier 2013 et la loi Sapin du 14 juin 2013 ont abondé dans ce sens. La loi Macron encore plus.

La loi Macron a ouvert la porte au remplacement du lien de subordination avec la contrepartie du code du travail, par un lien de « soumission librement consenti » sans contrepartie (« compliance without pressure » thème d’un colloque du Medef en mars 2011 à Paris). Ces nouveaux contrats de travail relèveraient du code civil (pour ce faire, Macron a modifié l’article 2064 du code civil et la loi annexe du 8 février 1995) : la relation de travail pourrait être remplacée par une relation commerciale, le statut de salarié serait de type « auto-entrepreneur », les tâches sont « au sifflet » à « zéro heure » et la référence à un « ordre public social » ou à un « État de droit dans l’entreprise » disparaitrait. C’est l’« ubérisation » du droit du travail prônée clairement par le très réactionnaire Jacques Attali.

Si nous les laissons faire, le risque est grand de voir dans le Code du travail tous les droits « d’ordre public » s’en trouver écartés : durées légales et maxima du travail 35 h et 48 h, Smic, heures supplémentaires, cotisations sociales, protection, santé, hygiène, sécurité, représentants du personnel, inspection du travail, médecine du travail, prud’hommes…

Le miroir aux alouettes de l’individualisation

Vous avez bien sûr remarqué que la mesure de la pénibilité sera individuelle et ne sera plus collective. Vous avez remarqué que la fameuse formation professionnelle sur toute la vie est un « compte personnalisé de formation » CPF (et non plus un droit DIF). Vous avez remarqué que le compte chômage est déchargeable individuellement. Vous avez remarqué que le « compte épargne temps » CEP est individuel. Vous avez remarqué que le travail le dimanche était un « choix volontaire ». Vous avez remarqué que la « rupture conventionnelle » était paradoxalement individuelle. Vous notez que le grand projet de Manuel Valls est le « compte d’activités personnel » : c’est vendu comme le « grand projet pour 2017 ». Primauté du droit personnel contre le droit collectif ? Le nouveau rapport Combrexelle, demandé par Manuel Valls pour le 15 septembre, risque d’accélérer la marche vers cet objectif. Et Gattaz exige que cela soit voté avant la fin de l'année.

La loi Macron a intégré une « carte professionnelle » voulue par l’Union européenne, prétendument pour lutter contre le travail dissimulé. Mais qui la contrôlera ? Sûrement pas l’inspection du travail faute d’effectifs : donc bel et bien le patron. Ce sera un nouveau « livret ouvrier », avec, ô progrès, une carte à puce individuelle qui intégrera tous ces fameux « droits » individuels – rechargeables et déchargeables – à formation, à pénibilité, à chômage et à compte épargne temps. Ce fichage permettra le tri à l’embauche, après qu’ait été facilité l’arbitraire dans les licenciements.

« L’idée est de rassembler et articuler ces droits, en les rendant fongibles et en organisant des passerelles », avoue l’entourage de Manuel Valls. « Des jours de congés pourraient par exemple devenir des jours de formation » se réjouissent Les Échos.

Une mobilisation de la gauche et des syndicats

Il ne faut pas rester sans réagir à la remise en cause, consciente et méticuleuse d’un siècle d’avancées dans le droit du travail par les ennemis du salariat, de ses libertés, de ses droits collectifs. Le premier secrétaire du Parti socialiste a déclaré « s’il s’agit de remettre en cause le code du travail, ce sera sans le Parti socialiste ». Très bien ! Mais cela ne doit pas rester lettre morte. La gauche au gouvernement a bien d’autres urgences à traiter que de faire plaisir à Gattaz ! Toute la gauche politique et tous les syndicats doivent se rassembler pour défendre ensemble le Code du travail.

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