GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Contre le projet de loi El Khomri, la jeunesse accentue sa mobilisation

Le 17 mars, 150 000 jeunes lycéens et étudiants se sont mobilisés dans toute la France. 50 000 de plus que le 9 mars. Comme en mai 1968, pourtant, plusieurs universités parisiennes étaient fermées pour empêcher que se tiennent les assemblées générales. Le 9 mars, 100 000 jeunes avaient manifesté dans toute la France, aux côtés de 400 000 salariés mobilisés à l’appel de la CGT, de FO, de Solidaires, de la FSU et dans plusieurs villes, de sections syndicales CFDT.

Le 24 mars, ce sont à nouveau des dizaines de milliers de jeunes qui se sont mobilisés rejoints par de très nombreux salariés. Le mouvement est profond. Pour preuve les appels téléphoniques reçus dans des permanences syndicales de la part de salariés voulant faire grève ou manifester sans savoir comment s’y prendre…

La manifestation spectrale des syndicats « réformistes »

Le 12 Mars, les syndicats dits « réformistes » avaient, eux-aussi, appelé à manifester. Ils étaient quelques centaines dans toute la France dont 600 à Paris. Leurs adhérents n’avaient pas du tout apprécié que leurs centrales syndicales rompent le front syndical unitaire et aient refusé de se déplacer. Quant aux étudiants ou aux lycéens, il n’y en avait pas un seul !

Qui peut croire la fable selon laquelle ce simulacre de mobilisation a fait « reculer » Manuel Valls ? Le « recul » de ce dernier était à la hauteur de ce simulacre : un plat de lentilles.

L’état d’esprit de la jeunesse

À Paris, le 17 mars, deux banderoles indiquaient, avec une belle limpidité, l’état d’esprit de la jeunesse. La 1re était très politique : « Séparation du Medef et de l’État ! ». La seconde, une grande pancarte en carton, portée par un petit groupe de jeunes, était un tantinet triviale mais reflétait à merveille la situation : « Le patronat nous pisse dessus et les médias disent qu’il pleut ! »

Les pancartes étaient individuelles et montraient que les jeunes avaient apprécié à sa juste valeur le contenu de la loi El Khomri et l’avenir qu’elle leur prépare. Affirmer, comme le fait le gouvernement, que les jeunes n’ont rien compris à cette loi, à l’époque d’internet et des réseaux sociaux qui en décortiquent chaque aspect, relève, au mieux du déni de réalité, au pire de la manipulation.

Voilà le contenu de quelques unes de ces pancartes, parmi les plus significatifs.

« J’ai mal à mon code »

« À la recherche du respect »

« Notre futur », avec des caractères d’une couleur différente pour faire apparaître « No future »

« La jeunesse protège le code du travail »

« Lycéens aujourd’hui, mais pas esclaves demain »

« Travailler plus, gagner moins, viré plus vite »

« Loi El Khomri : toujours plus de précarité »

« Touche pas à mon code »

« On veut vivre, pas survivre »

« Garantie jeune : garantie bidon ! »

« Précaire à vie : non !»

« 12 h de travail par jour, quand fait-on l’amour ? »

« Valls, Medef, même combat ! »

« Nos sacrifices, leurs bénéfices »

« 32 heures par semaine »

« On vaut mieux que ça ».

« Hollande trahison ! »

« Papa, c’est quoi un CDI ? »

« Le tango de Valls : 1 pas à droite, 2 pas en arrière »

« Smic à 1 800 euros »

« Retrait de la loi El Khomri !»

« Valls au RSA, El Khomri au RMI »

« On lâchera pas ! »

Les jeunes n’ont pas été dupes des concessions cosmétiques de Manuel Valls

Ils ont parfaitement compris que le recul de Manuel Valls était des plus limités et ne remettait surtout pas en cause l’ossature de la loi El Khomri. Mais ce recul, même très partiel, les a encouragés à se mobiliser encore plus massivement.

Il est vrai que le spectacle de Valls, annonçant que les reculs qu’il avait effectués étaient des « avancées », avait quelque chose d’hallucinant et de terriblement méprisant pour la jeunesse. En quoi limiter une régression a-t-il quelque chose à voir, de près ou de loin, avec une « avancée » ? Avec Manuel Valls, force est de le reconnaître, les mots ont de moins en moins de sens.

L’étape déterminante est, maintenant, celle du 31 mars. À cette date, la CGT, FO, Solidaires et la FSU appellent à la grève et les organisations étudiantes et lycéennes (UNEF, FIDL, UDL) appellent à manifester. Tous exigent le retrait de la loi.

La trompe de l’éléphant

Nous n’avons encore vu, aujourd’hui, que la trompe de l’éléphant. Le projet de loi El Khomri ne concerne, en volume, que 25 à 30 % du Code du travail. Une fois la loi El Khomri votée, l’article 2 obligerait à réécrire, dans un peu plus de deux ans, les 70 à 75 % restant, avec la même charpente, le même objectif de « donner une place centrale à la négociation collective et d’élargir ses domaines de compétences et son champ d’action ».

Certes, François Hollande ou Manuel Valls n’ont guère de chance de se retrouver au pouvoir en 2017, mais l’article 2 de la loi El Khomri, une fois cette loi votée, constituerait un solide point d’appui pour la droite, si elle revenait au pouvoir. Elle pourrait s’appuyer sur elle pour justifier le passage à sa moulinette des 70 ou 75 % du Code du travail restant. La droite irait, sans aucun doute, encore plus loin dans la régression sociale que le gouvernement actuel, mais c’est François Hollande et Manuel Valls qui lui auraient fait la courte-échelle.

La loi El Khomri n’est pas amendable et doit être retirée afin qu’une véritable loi de gauche, apportant de nouvelles protections aux salariés, puisse être adoptée

Cette loi n’est pas amendable car elle est structurée, dans chacun de ses articles, par l’inversion de la « hiérarchie des normes », ce qui fait qu’elle ne protègerait plus les plus faibles et que l’accord d’entreprise (là où les salariés sont le plus vulnérables) l’emporterait sur l’accord de branche.

Elle ne permettra pas de lutter contre le chômage et la précarité. Au contraire, elle utilise la menace que font peser le chômage et la précarité sur les salariés pour leur imposer une diminution historique de leurs droits. C’est pourtant un gouvernement de gauche qui veut l’infliger au salariat pour répondre aux exigences du Medef ! Alors que Nicolas Sarkozy n’avait pas osé la faire voter, même pas en rêve.

Tous les députés de gauche qui voteront cette loi, même amendée, devraient comprendre qu’ils prendront le risque d’avoir les plus grandes difficultés à trouver des militants pour faire leur campagne aux prochaines législatives et qu’ils auront encore plus de mal à trouver des électeurs.

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